Comment sont faites les cordes d’escalade ?

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Nous grimpons régulièrement avec des cordes d’escalade mais nous ne connaissons pas forcément toutes les étapes de leur fabrication. La Fabrique Verticale a voulu en savoir plus ! Bienvenue chez les Ch’tis donc, et plus précisément à Wervicq, une petite commune du Nord qui abrite le site de production du fabricant de cordes Cousin Trestec.

Située à 15 km de Lille, à deux pas de la frontière belge, Wervicq se compose de petites maisons en brique rouge dans un paysage d’une horizontalité digne de la fameuse chanson de Jacques Brel, Le Plat Pays, “avec des cathédrales pour uniques montagnes”. La Fabrique Verticale était donc quelque peu déconcertée en arrivant sur place : aucune falaise en vue ! Et le Ch’nord, ce n’est pas franchement l’endroit où l’on s’attend à trouver une usine de cordes d’escalade 😉

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Pourtant, c’est bien d’ici que sortent ces cordes made in France que vous trouvez ensuite en magasin sous l’appellation Cousin, CAMP ou Simond. Cousin Trestec est une entreprise familiale qui a une longue tradition textile. La société Cousin-Frères a été créée en 1848 à Comines et reconstruite à Wervicq en 1920 après sa totale destruction en 1917. C’était à l’origine un fabricant de fil à coudre et de lacets.

Cousin Trestec, un fabricant historique

Spécialisé au XIXe dans le retordage et le tressage de fils de lin, coton ou chanvre, Cousin s’était logiquement implanté le long d’une rivière, la Lys, pour utiliser sa force hydraulique. Au fil des ans, Cousin a vu ses activités se diversifier “avant de devenir, au début des années 50, la 1ère corderie à utiliser des fibres synthétiques, et ainsi prendre le leadership européen de la fabrication de cordes techniques”, comme nous l’explique Pierre Lewille, directeur commercial.

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Aujourd’hui, la firme est divisée en trois entités : Cousin Biotech spécialisé dans les textiles médicaux implantables (ligaments croisés, anneaux gastriques…) ; Cousin Composites qui travaille sur les matières premières et produit, entre autres, des cordages pour les raquettes de tennis ou des joncs de fibres optiques ; Cousin Trestec enfin, pour la partie qui nous intéresse, c’est-à-dire tout ce qui concerne la corderie technique.

Aujourd’hui, Cousin Trestec emploie une soixantaine de personnes. L’entreprise conçoit et fabrique des cordes pour l’escalade mais aussi pour le nautisme, le kitesurf, le parapente… Elle intervient aussi dans le domaine de la sécurité (cordes pour les travaux en hauteur, les secours, l’élagage…). On la retrouve également en pointe avec des applications militaires et industrielles (aéronautique, offshore, levage, manutention, ameublement, événementiel, automobile…).

La Fabrique visite la fabrique

La corde d’escalade ne représente donc qu’une petite partie de la production de Cousin Trestec, sur les quelques 47 000 km de cordages produits tous les ans à Wervicq. Pour autant, cette activité reste l’ADN de l’entreprise, qui s’est investie dès les années 60 dans le milieu de la verticalité. Les grimpeurs un peu âgés qui lisent ces lignes se souviendront sans doute encore de la fameuse Super Soft, corde emblématique de la marque et véritable révolution à l’époque.

C’est donc très excités que nous avons pénétré dans les locaux de Cousin, impatients de voir les différentes étapes de fabrication et de discuter avec Didier Pascal, développeur corde au département Recherche & Développement. Que ce soit sur la sélection des fibres ou sur la construction du cordage proprement dit, Cousin Trestec, au travers de ses laboratoires et de ses ateliers, répond aux exigences les plus complexes.

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Depuis le choix des matériaux jusqu’au tressage, en passant par les traitements spécifiques, tout nous a été montré et expliqué en détail, quand le bruit des machines le permettait 😉 Au passage, nous avons été époustouflés de voir l’état des ateliers jouxtant les chaînes de production, ravagés l’an dernier par deux incendies successifs. Cousin a su réagir très vite et remettre immédiatement en route ses machines, pour honorer ses commandes.

Les spécificités des différentes cordes

La société Cousin Trestec commercialise des gammes de cordes en son nom propre mais fait aussi de la sous-traitance pour plusieurs autres grandes marques de matériel de montagne, comme nous le disions en début d’article : Simond ou CAMP pour l’Italie (et longtemps Millet pour la France ou Petzl pour le marché américain).

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Pour la petite histoire, aujourd’hui, c’est Beal qui fabrique les cordes Millet – pour des raisons essentiellement commerciales – et c’est Edelrid qui est en charge de l’ensemble de la production Monde pour Petzl.

Pour autant, une corde Simond n’est pas une corde CAMP, même si elles sont fabriquées dans le même atelier. Chaque marque a bien sûr son propre cahier des charges et ses spécificités. Cousin s’y adapte et apporte son savoir-faire en collaborant avec les chefs produits pour mettre au point des cordes exclusives. Ainsi, un travail de réflexion peut être mené en amont sur les qualités d’élasticité de la corde ou sa résistance à l’abrasion.

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Le mode de rétractation que l’on applique aux fibres textiles par exemple, en chaleur sèche ou humide, permet d’adapter le facteur de chute de la corde qu’on souhaite développer mais tout est question de dosage, comme nous l’explique Didier Pascal, car il s’agit de trouver le bon compromis entre la rétractation de l’âme et celle de la gaine.

De ce point de vue, la visite du laboratoire d’études Cousin s’avère passionnante. On y découvre un banc de traction bien sûr et tous les instruments pour procéder aux tests préalables en vue de l’obtention des normes mais aussi une armoire climatique pour conditionner les fils et même un abrasimètre pour reproduire le frottement d’une corde contre un angle rocheux et mesurer ainsi la résistance à l’abrasion d’une corde.

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Naissance d’une corde

Tout commence par le choix des matériaux. Les cordes sont faites à partir de polyamide (c’est aussi celui qui est utilisé dans l’industrie du pneumatique). Les “mèches” (terme technique qui désigne les fils) sont contrôlées et testées pour vérifier qu’elles correspondent bien aux caractéristiques souhaitées. Vient ensuite l’assemblage, c’est-à-dire la création d’une nappe de fils parallèles. À cette étape, il n’y a ni torsion ni tressage.

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L’étape suivante se nomme le retordage. Ce procédé consiste à imprimer une torsion à la mèche pour lui donner des valeurs mécaniques. On vrille alors le fil dans 2 sens : en S à droite, en Z à gauche.

Après le retordage, on peut avoir une phase de câblage, qui n’est pas automatique. Tout dépend des cordes. Le câblage consiste à appliquer une torsion dans un sens opposé à la première torsion. Une fois le retordage et le câblage terminés, intervient le doublage. Les bobines des matières premières qui ont été assemblées, retordues et pour certaines câblées, sont remplies. Le tressage peut alors débuter. L’opération du tressage consiste à tresser le produit que ce soit en âme ou en gaine.

Cousin Trestec maîtrise les process de fabrication pour produire aussi bien des cordes d’escalade à âme tressée que câblée.

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Une fois le tressage terminé, on procède aux finitions, au bobinage et à l’étiquetage, ainsi qu’à des tests qualité. Des échantillons de corde choisis de manière aléatoire sont soumis à traction jusqu’à leur rupture pour vérifier leur bonne conformité. Parmi les opérations en bout de chaîne, on compte également le middle marking, effectué grâce à une machine ultra précise qui mesure le milieu et le marque au spray.

La corde est ensuite livrée en magasin, avant de rejoindre les falaises où elle assure votre sécurité. Il y a donc un long périple entre le moment où la corde est conçue par les développeurs produits et celui où elle quitte les ateliers pour rejoindre vos petites mains de grimpeurs ! Pensez-y la prochaine fois que vous vous prendrez un râteau…

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5 réponses

  1. Louis dit :

    Superbe article, très intéressant !
    Une remarque cependant on préfère l’expression procédés de fabrication plutôt « process de fabrication » 🙂
    Comme toujours bravo pour cet article !

  2. Pascal dit :

    Merci de m’avoir fait revoir et entendre mes anciens collègues. Dommage que le chapitre sur le traitement thermique ne soit pas dans le chapitre fabrication, c’est le point délicat et crucial.

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