Escalade et dépression
Nous savons tous qu’aller grimper à la salle nous fait du bien. Oui, mais pourquoi ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre un groupe de chercheurs allemands. Ils ont formulé l’hypothèse que l’escalade, en particulier le bloc en salle, pourrait avoir un effet thérapeutique sur les personnes souffrant de dépression. Et les résultats de l’étude sont détonants !
Méthodologie
L’étude, menée par des chercheurs de l’Université d’Erlangen, en Allemagne, s’est déroulée sur une période de 8 semaines et a porté sur une cinquantaine de participants (la moitié suivait un programme unique de thérapie mêlant prise en charge psychique et activités physiques, l’autre moitié servait de groupe de contrôle).
La “thérapie par le bloc” consistait en une “prescription” de 8 semaines de salle, à raison d’une séance de 3 heures par semaine. Les patients étaient placés par groupe de 12 sous la supervision de deux thérapeutes qui avaient suivi une formation spécifique “Escalade et dépression” dans un institut autrichien.
Chaque séance démarrait par une phase de méditation de pleine conscience. Ensuite le thème de la séance était donné, suivi de quelques consignes de gestion psychologique pour aborder les blocs ou les jeux proposés. Les participants étaient invités à s’engager dans de nouvelles expériences (par exemple, faire du bloc les yeux bandés).
Ensuite, la séance se poursuivait librement autour du bloc, les participants travaillant un projet à la salle, par petits groupes, accompagnés par leur thérapeute. Chaque séance se terminait par une méditation de pleine conscience et par un dialogue et un partage d’expériences, au cours desquels chacun formulait en quoi le vécu de cette séance pouvait être utile et intégré à sa vie de tous les jours.
Traitement scientifique des résultats
Pour mesurer la gravité de la dépression dont souffrait chaque participant et son évolution au cours de l’expérience, les chercheurs ont utilisé un questionnaire appelé BDI-II (en français Inventaire de Dépression de Beck). Ce questionnaire est composé de 21 questions concernant l’état dans lequel se trouve le patient avec 4 degrés de réponses possibles donnant des scores différents selon l’intensité du ressenti (par exemple : (0) Je ne me sens pas triste / (1) Je me sens triste / (2) Je suis tout le temps triste, et j’ai du mal à le supporter / (3) Je suis tellement triste et malheureux que je n’arrive plus à le supporter).
Pendant les 8 semaines de “thérapie par le bloc”, les résultats ont indiqué un effet positif de la pratique sur le groupe qui grimpait. Leur score au BDI-II s’est amélioré de 6,27 points, tandis que le groupe contrôle ne progressait que de 1,4 points. L’étude a aussi montré que les participants qui avaient les symptômes de dépression la plus sévère montraient des signes d’amélioration plus nets que ceux qui avaient des symptômes de dépression plus minime.
Résoudre un problème
Pourquoi la pratique du bloc a-t-elle un tel effet dans le traitement de la dépression ? Les auteurs de l’étude pensent que cela aurait quelque chose à voir avec l’activité physique proprement dite. Comme le montrent d’autres études publiées sur le sujet, maintenir une activité physique (course à pied, fitness…) aurait une influence positive sur les symptômes de la dépression. Mais l’escalade va plus loin, en raison de sa forte dimension mentale.
C’est pourquoi les auteurs insistent sur son efficacité et précisent : “La pratique du bloc peut être un outil tout à fait pertinent dans le traitement thérapeutique de la dépression.” Le bloc permet d’adapter le niveau de challenge en fonction des capacités physiques de la personne et plusieurs personnes de niveaux variés peuvent faire du bloc ensemble, en essayant des passages différents, sans se sentir dévalués ou trop sollicités.
Autre avantage du bloc : les auteurs de l’étude formulent l’hypothèse selon laquelle le bloc pourrait accroître le sentiment de sa propre efficacité et donc l’estime de soi, en confrontant l’individu à des problèmes gestuels plus ou moins complexes et en lui permettant de les résoudre assez rapidement. Charge bien sûr au thérapeute qui accompagne la personne en cours de traitement de lui trouver des passages ni trop faciles ni trop difficiles, demandant des essais mais plaçant la personne en situation de réussite !
La dimension sociale
L’activité physique joue donc bien un rôle, comme on le voit, dans le traitement de la dépression, mais c’est d’autant plus flagrant si cette activité est pratiquée régulièrement et surtout en groupe. Or la dimension sociale du bloc n’est plus à démontrer. Sa popularité découle d’ailleurs en grande part de son haut degré d’interactions sociales, ne serait-ce déjà par le biais de la parade !
La thérapie par le bloc joue grandement sur cet aspect. Les participants s’encouragent les uns les autres, travaillent les blocs ensemble et échangent des méthodes. Ils finissent même par s’applaudir les uns les autres quand ils réussissent ! L’étude a montré une augmentation significative dans les stratégies d’adaptation et une tendance à la diminution de la sensibilité interpersonnelle.
Une autre hypothèse mise en avant est le degré de concentration nécessaire à la pratique du bloc. Quand on fait du bloc, il faut avoir l’esprit tourné vers ce qu’on est en train de faire, il faut être pleinement présent ! Or l’un des principaux symptômes de la dépression est la rumination mentale, sur laquelle la thérapie par le bloc a montré son efficacité, ainsi que les exercices de méditation de pleine conscience proposés en amont des séances.
Contrairement à d’autres sports, comme la course à pied ou le vélo par exemple, le bloc n’est pas seulement un challenge physique mais aussi cognitif et émotionnel, mettant en jeu toutes les ressources de l’individu. Le bloc, et l’escalade en général, combine toutes sortes de facteurs et requiert beaucoup de concentration. Ce sont des activités qui suscitent aussi des émotions intenses (la peur, la fierté, l’anxiété, le plaisir…).
Le bloc en salle devenant de plus en plus populaire, il semble logique d’utiliser son développement à des fins positives de thérapie, que ce soit dans la prise en charge de la dépression ou d’autres maladies mentales. Plusieurs hôpitaux psychiatriques en Allemagne utilisent déjà l’escalade dans leur approche thérapeutique mais jusqu’à présent peu d’études avaient étudié ses effets.
Super article. Je me permets de faire suivre votre article à la CPAM pour demander le remboursement de mon abonnement à la salle de bloc Casamur. Je vous tiens informé de leur réponse !
Et mes honoraires…
C’est sympa. On mesure l’effet mais le pourquoi reste spéculatif
Tout à fait Julien.
Excellent article ! Merci
Merci pour cet article. En tant que bloqueur et psy, je ne puis qu’y souscrire!
En France aussi on utilise l’escalade dans les hôpitaux psychiatriques… Mais cette activité est plutôt menée par des psychomotriciens.
Je ne connais pas de psychomot qui utilise l’escalade en psy en Rhône-Alpes mais des infirmiers et des intervenants APA. Nous organisons même tous les ans une compètition réunissant plus de 100 personnes.
Vraiment très intéressant! Merci de ce partage!
Par ailleurs, est qu’ils se sont interrogés aussi sur l’escalade en voie?
ah ah je comprends pourquoi je passe mon temps dans les salles obscures
ou alors je suis très stressé et je ferai bien d’aller consulter un psy
biz à tous les grimpeurs (ses) en manque de pof !
Je ne pense pas être en dépression mais il est vrai que dès que je pose mes mains sur les prises, je pense à rien d’autre! Mon esprit est uniquement concentré sur comment je vais arriver en haut et c’est très agréable! J’ai remarqué ceci dès la 1ère fois et j’adore cette sensation! Pendant 2h les soucis de la vie n’occupe pas mon esprit et je m’en délecte. En dehors de l’aspect physique, je sors d’une cession plus légère!