Comment sont fabriqués les mousquetons ?
La Fabrique Verticale poursuit ses investigations et, après les cordes, a voulu savoir comment étaient confectionnés les mousquetons. C’est donc vers un fabriquant historique de matériel de montagne que nous nous sommes tournés, Simond, dont le savoir-faire n’est plus à démontrer. “Et en plus, il est français, monsieur !”. Ni une, ni deux, direction la Vallée de Chamonix pour une petite visite guidée…
C’est toujours plaisant de revoir le Mont-Blanc, les Aiguilles de Chamonix, la vallée de l’Arve ! Et quand on peut ajouter une petite touche culturelle à cette escapade vers les sommets enneigés, pourquoi se priver ? L’occasion est trop belle ! On m’objectera qu’on peut trouver mieux, dans le genre bucolique, que les ateliers d’une usine de mousquetons ou le bruit des machines en production…
Certes, certes, mais on vous doit un aveu. À La Fabrique Verticale, on cumule deux tares congénitales : “grimpeurs passionnés” et “geeks de matos”. Autant vous dire que la conception d’une dégaine ou l’assemblage d’un mousqueton à vis, ça nous fait vite rentrer en surchauffe. De quoi frôler l’extase devant ces chaînes de montage, héritières d’une longue tradition de travail du métal !
Une histoire de famille
Simond, c’est une véritable institution. Basé au pied du Mont-Blanc, aux Houches, Simond fabrique du matériel de montagne depuis 1860. À l’origine, les frères Simond étaient spécialisés dans l’outillage agricole et les cloches. C’étaient des forgerons mais aussi des cristalliers. Et l’exploration du Massif du Mont-Blanc, à la recherche de “fours” remplis de précieux minéraux, les a logiquement conduits à développer du matériel affecté à cette activité.
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, Chamonix devenant peu à peu la capitale mondiale de l’alpinisme, la famille Simond poursuit parallèlement son ascension. Le père (François), puis le fils (Claudius) et enfin le petit-fils (Ludger) n’ont de cesse d’innover pour donner aux alpinistes et aux grimpeurs le meilleur matériel possible : font alors leur apparition les premiers mousquetons légers et tubulaires (1948), les crampons rigides (1972), les manches de piolets déportés…
En 1986, alors que les ateliers Simond sont encore situés au pied du glacier des Bossons, sortent les fameux Cliff, des mousquetons révolutionnaires pour l’époque, en Zicral, et ergonomiques, s’il vous plaît ! À La Fabrique Verticale, nous ne sommes d’ailleurs pas peu fiers d’en posséder encore quelques vieux exemplaires que nous bichonnons comme des reliques (Arg ! Tout cela ne nous rajeunit pas…).
La technologie au service des grimpeurs
Mais trêve de nostalgie, Simond aujourd’hui, c’est 1800m² au pied du Mont Blanc, dédiés à la production de piolets, crampons, mousquetons et autres appareils d’assurage. Les produits en métal sont tous assemblés à la main en France, ce qui garantit un parfait contrôle qualité. Dans cet univers métallique, des machines issues de la forge traditionnelle côtoient des technologies d’usinage plus futuristes.
Nous avons ainsi vu fonctionner une toute nouvelle machine à 5 axes dont Simond vient de faire l’acquisition. Elle permet un travail de précision en 3D : le contournage du plan de joint sur les ébauches de forge à chaud des mousquetons. En termes plus simples, il s’agit d’enlever un très léger rainurage qui subsiste sur les mousquetons forgés à chaud après leur sortie du moule, et ce pour éviter une usure prématurée de la corde.
Depuis son rachat par Wichard en 2004 (leader mondial de l’accastillage de bateau), puis par Decathlon en 2008, Simond a vu croître ses capacités en termes de Recherche & Développement. L’entreprise s’est élargie à d’autres catégories de produits (cordes, harnais, chaussons, crashpads, sacs à dos, habillement, poutres d’entraînement, etc…), parfois en partenariat avec d’autres fabricants (comme Cousin, Entre Prises, Andrea Boldrini…), mais toujours avec un travail de conception préalable en interne et l’élaboration d’un cahier des charges spécifique.
Chez Simond, travaillent en permanence 8 ingénieurs et designers, tous jeunes, tous montagnards ou grimpeurs ! Ils planchent sans cesse sur de nouveaux produits axés verticalité, en lien avec un chef de produit, David Caude. Ce très fort grimpeur s’est notamment illustré en 2003 lors des Championnats du monde d’escalade à Chamonix, en terminant sur la 3e marche du podium ! Autant vous dire que si l’ambiance est studieuse dans le bureau d’étude, on y parle aussi beaucoup escalade à la pause et ce n’est pas pour nous déplaire…
De la conception à la réalisation
Tout commence donc aux Houches, au sein du département Recherche & développement. Les échanges sont permanents entre le chef de produit, les ingénieurs et les designers, avec beaucoup de coopérations croisées. Leur problématique : couvrir tous les besoins des grimpeurs et innover en gardant à l’esprit la notion de sécurité, l’idée étant aussi de sortir des produits accessibles, commercialisation chez Decathlon oblige 😉
Le chef de produit construit une gamme globale, en fixant une contrainte de base de prix et un cahier des charges. Le projet est alors lancé et c’est le designer qui fait un premier jet, dans une logique esthétique et technique d’abord, sans tenir compte du prix. L’ingénieur définit ensuite les composants et les process qui vont être utilisés. Différents prototypes sont alors produits et testés en situation (vous avouerez que le terrain de jeu du Massif du Mont-Blanc, tout proche, s’y prête plutôt bien !).
Selon les produits, l’ingénieur et le chef de produit peuvent s’appuyer sur la compétence d’un sous-traitant. En tout état de cause, une date buttoir est fixée, qui correspond à l’implantation en magasin, et un rétro-planning se met donc en place, piloté par l’ingénieur, avec des enjeux de rentabilité et des compromis permanents à faire entre la dimension créative et les problématiques de l’industrialisation.
Avant le lancement de la production à grande échelle, dans le cadre du plan de validation, des tests de normes sont effectués dans un laboratoire en interne, pour vérifier que le matériel est bien conforme à la législation, avant de demander son homologation. S’y ajoute toute une batterie de tests spécifiques à Simond, comme par exemple pour les mousquetons des tests d’endurance d’ouverture et de fermeture des doigts (plus de 50 000 clics à endurer).
Le laboratoire de l’ENSA, tout proche, est aussi un partenaire de choix pour Simond pour passer le matériel au banc d’essai !
L’exemple des mousquetons Spider
Lorsque l’usine Simond a ouvert ses portes à La Fabrique Verticale, nous ont été révélées les dernières avancées de son département R&D. Ce jour-là, François Antichan, futur guide de haute-montagne et ingénieur chez Simond, travaillait à une évolution des dégaines Spider. L’idée : améliorer la prise en main et redessiner le nez, afin de régler au passage un problème rencontré en production, un souci de bavure lié à la présence du logo Simond avec l’aigle sur les ébauches de forge.
De fil en aiguille, nous parlons de leur philosophie, lors de la conception d’un mousqueton : depuis les tracés de forme sur ordinateur jusqu’aux prototypages qui vont permettre les tests terrain. Toute la difficulté étant de trouver la forme qui convient le mieux aux mains de la plupart des grimpeurs pour un bon confort de manipulation, la section la plus adaptée pour gagner en résistance et l’aspect le plus sympa graphiquement. Quand ergonomie et esthétique se rencontrent, il s’agit de ne pas perdre de vue non plus la dimension économique !
D’une manière générale, tout un travail de réflexion est mené sur la prise en main des mousquetons, avec des tests à l’aveugle sur divers prototypes, ainsi que sur des modèles déjà présents sur le marché. L’attention est aussi portée sur la sensation de plus ou moins grande dureté ou de souplesse des doigts et sur le bruit qu’ils émettent quand ils se referment. Bref, une belle prise de tête, mais pour la bonne cause : sortir le produit qui séduira le plus possible les grimpeurs !
Dans les entrailles de l’usine
Nous descendons ensuite au cœur de la production. C’est assez bruyant. L’occasion de voir des mousquetons en cours d’assemblage (des Goliath à vis, ce jour-là, sur la chaîne de montage) et de discuter, en s’éloignant des machines, des différents process de fabrication (le pliage ou la forge à chaud qui permet l’évidage et la réalisation de formes plus complexes). Pour les Goliaths, c’est la méthode du pliage qui est utilisée.
La barre de métal arrive dans la machine, elle est ensuite découpée en tronçons de la longueur requise, qui sont eux-mêmes cintrés pour les mettre à la forme du corps du futur mousqueton. Les étapes de mise en forme et d’estampage sont faites aux Houches, avant que les mousquetons ne descendent plus bas dans la vallée de l’Arve pour subir diverses opérations : traitement thermique, tonnelage, anodisation, etc.
Les mousquetons, fermés dans des cages par lots pour garantir une parfaite homogénéité, reviennent ensuite aux Houches pour la partie la plus cruciale : l’assemblage. Montage du doigt sur le corps, rivetage, redressage et contrôle qualité : autant d’opérations très manuelles qui requièrent beaucoup d’attention.
Toutes ces étapes sont effectuées sur chaque mousqueton un par un par des ouvriers spécialisés, qui s’assurent qu’aucune fissure n’est présente sur le corps du mousqueton et que le doigt est bien riveté. On est bien loin des idées reçues parfois véhiculées dans le monde de l’escalade et des mousquetons tous fabriqués en Asie pour de raisons de rentabilité, pour le meilleur et parfois le pire 😉
Les mousquetons peuvent alors quitter l’usine et arriver en magasin, puis entre vos mains, pour assurer votre sécurité !
Belle entreprise dynamique et innovante
bravo!
je grimpe toujours avec mes cliff !!!! 😉
Bravo à toute l’équipe… et aussi pour la créativité!!!
merci Lucas ! 🙂
Bonjour, je cherche à acheter des doigts de mousqueton (doigts fils), uniquement le doigt!
Pouvez vous si cela est possible où je pourrais acheter ce matériel.
Merci par avance.
réponse en mp