Généalogies du vide #5 : Le Yosemite avant le Yosemite

Après la Seconde Guerre mondiale, la vallée du Yosemite, en Californie, devient l’un des centres névralgiques de l’escalade mondiale. Sous l’impulsion de John Salathé puis de Royal Robbins ou de Warren Harding, le style “Big Wall” fait des émules. Mais bien des années plus tôt, le Yosemite était déjà le berceau de l’escalade américaine. Suite de nos Généalogies du vide, une chronique proposée par Guillaume Guémas, de la chaîne YouTube Style Alpin.
Dès 1934, Jules Eichorn, Bestor Robinson et Richard Leonard sont les premiers à gravir les Higher et Lower Cathedral Spire, premières voies de grande envergure dans la vallée du Yosemite. Fondé en 1892 par John Muir, le Sierra Club regroupait alors des amoureux de la nature californienne, décidés à protéger le massif de la Sierra Nevada et ses nombreuses vallées. Parmi ses membres, l’escalade et l’alpinisme commencent à faire leur chemin. D’autant que la région compte de nombreux sommets !
Toutefois, les techniques sont encore très rudimentaires. Et il faut l’arrivée d’un grimpeur expérimenté et rompu aux techniques alpines pour faire décoller l’escalade californienne. Robert Underhill sera cet homme providentiel. Originaire de la côte Est, membre du club alpin des Appalaches, il a beaucoup grimpé dans les Alpes avec sa compagne Miriam O’Brien et de grands guides comme le chamoniard Armand Charlet.
Le Sierra Club
À l’été 1931, il est invité par le président du Sierra Club. Il fait office d’instructeur pour l’assurage, le pitonnage et les manœuvres de corde auprès des jeunes grimpeurs du groupe. Parmi eux, Jules Eichorn, Norman Clyde ou Bestor Robinson. Le 16 août, les deux premiers seront de l’aventure pour la première de la face Est du Mont Whitney, 4421 mètres. C’est le plus haut sommet des États-Unis continentaux (hors Alaska). Une voie qui deviendra iconique et qui préfigure la difficulté ainsi que l’exposition des big walls.

Le Yosemite avant le Yosemite
En 1933, Eichorn, Robinson et Richard Leonard s’entraînent régulièrement sur une petite falaise près de Berkeley, dans la baie de San Francisco. Richard a alors une intuition qui va changer la manière d’envisager les escalades difficiles. Peu convaincu par le mantra selon lequel “le premier de cordée ne doit jamais tomber” alors en vigueur dans les Alpes, il propose de se préparer à cette éventualité en répétant les scénarios.
Il organise avec ses compagnons des séances de vol sur leur rocher école pour mieux comprendre les mécanismes d’assurage en tête. Et ainsi apprendre à dynamiser la chute d’un leader ! Une technique qu’ils jugent indispensable de maîtriser avant de s’attaquer à la Higher Cathedral Spire (120m, 6a). Un projet très difficile pour l’époque surtout avec le matériel disponible ! Un matériel qu’ils firent d’ailleurs venir directement d’Allemagne. Notamment les pitons encore assez peu utilisés.

Ils réussiront leurs projets au Cathedral Peak en 1934, ouvrant la voie à de toutes nouvelles possibilités. Celles d’escalader les grandes parois granitiques du Yosemite. Jusqu’alors considérées comme impossibles. Pour que la boucle soit complète, leurs héritiers des années 1950 inventeront de nouveaux outils et des techniques innovantes, qui viendront, elles-mêmes, révolutionner la philosophie des grimpeurs dans les Alpes. À suivre 😉
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Journaliste indépendant et créateur de la chaîne Youtube Style Alpin, dédiée à l’histoire de l’alpinisme, Guillaume Gunémas est passionné par l’histoire des sports outdoor. “J’aime rendre la lumière aux récits parfois oubliés et aux grandes heures de la conquête des cimes !”