CAMP4 Vercors : un événement festif et pédagogique
Pour sa 9e édition, CAMP4 Vercors a joué à guichets fermés, avec près de 450 personnes inscrites. Du 22 au 26 aout, Pont-en-Royans a donc vu ses ruelles investies par des grimpeurs et slackeurs, venus des 4 coins de la France pour participer à un événement unique en son genre. La Fabrique verticale était de la fête, se laissant irrésistiblement gagner par l’ambiance atypique et l’esprit de partage.
Au plus fort de la canicule qui a touché la France fin août, sans doute aspirions-nous plutôt à nous mouler dans un congélateur, désespérant de trouver nulle part des conditions potables pour grimper. Mais allez savoir pourquoi, c’est sous ce dôme de chaleur et dans cette atmosphère émolliente qu’a germé l’idée – à première vue baroque – de rejoindre Pont-en-Royans, pour l’édition 2023 du CAMP4 Vercors. Et bien nous en a pris !
La genèse de CAMP4
Le concept de CAMP4 existe depuis plusieurs années maintenant. Comme l’explique Nils Guillotin, cadre technique à la FFCAM, “c’est Henri Luc Rillh qui l’a développé, au début à Fontainebleau, au nom de la fédération. En fait, il voulait vraiment s’inspirer du fameux CAMP4 historique du Yosemite, pour sa convivialité, son esprit de partage.” Et c’est aussi ce qu’on retrouve à Pont-en-Royans, où le focus est mis sur le camp de base, qui est à la fois un lieu de vie et le point de ralliement pour toutes les activités offertes.
CAMP4, c’est donc un événement labélisé développé par la FFCAM, au départ à destination des jeunes mineurs des clubs. Mais petit à petit, les jeunes grandissant, il s’est ouvert à une plus large population et a essaimé dans le Vercors. C’est ce que raconte Romain Gendey, un des piliers de l’organisation : “On est rentrés d’un CAMP4 Bleau où on avait participé avec les gamins du club et j’ai appelé Simon Destombes, un copain guide qui habite la région, et je lui ai dit, il faut faire la même chose ici !”. La machine était lancée, avec une première édition en 2015.
Un concept à la fois festif et pédagogique
“ L’idée, c’était déjà de faire un événement dehors, avec une partie vraiment sur l’escalade”, s’enthousiasme Romain Gendey. “Au début on n’avait même pas de bloc, comme on a maintenant sur le camp de base. Très vite, on s’est dit qu’il fallait à la fois étoffer les propositions. Le contenu sur les activités verticales et la dimension culturelle aussi. Dès le départ, on a proposé des ateliers parce que je trouvais que c’était vachement bien de pouvoir emmener les gens sur des spécificités auxquelles ils n’ont pas toujours accès. Par exemple les grandes voies ou le trad’.”
Et force est de constater que, sur cette édition 2023, des activités, il y en a eu ! Le soir, concerts, spectacles de cirque, projections et rencontres culturelles… Et la journée, place à la verticalité et au vertige. Outre les highlines tendues au-dessus de la Bourne, les participants pouvaient à leur guise découvrir un parcours de bloc urbain spécialement tracé dans la ville, se laisser tenter par du deep water en short à fleur, se challenger les biceps sur un contest de bloc… Ou encore s’inscrire à l’un de ces fameux ateliers proposés en extérieur.
Car le terrain de jeu exceptionnel du Vercors offre beaucoup de possibilités, depuis l’initiation aux grandes voies jusqu’à l’apprentissage des techniques de l’escalade traditionnelle (pose des coinceurs et escalade en fissure). Mais aussi la découverte des courses d’arête, le perfectionnement en falaise, le dry tooling, le bivouac en paroi ou encore les techniques de secours et de réchappe… “Ici, raconte Nils Guillotin, ce dont je suis particulièrement fier, c’est qu’au fil des années, on a vraiment peaufiné les ateliers. On arrive à amener entre 130 et 140 personnes par jour sur des ateliers en plein air encadrés. Donc c’est assez énorme.”
CAMP4 : un indéniable rôle éducatif à jouer
Ce qui est vraiment riche pour les participants, c’est la diversité des pratiques proposées. “Ils aiment ou ils n’aiment pas. Mais au final, cela élargit leur culture du milieu de la verticalité”, souligne Romain Gendey. Pour ces grimpeurs qui arrivent parfois des salles, cela crée une ouverture et cela permet aussi de les sensibiliser à toute une série de problématiques : la surfréquentation des sites, les comportements en falaise, le respect des équipeurs, les questions environnementales, etc. En un mot, il s’agit aussi de leur transmettre les codes. Mais en restant dans une ambiance festive et bon enfant.
“ Moi, je compte beaucoup sur le discours des cadres au cours des ateliers ”, insiste Romain Gendey. Car au-delà de la dimension festive, CAMP4 Vercors a aussi vocation à transmettre, en favorisant le partage d’expérience tout en brassant les publics. “ L’intérêt c’est qu’on fait se croiser les populations, la highline, l’escalade. Ce sont deux mondes différents. Mais il y a le même mode de vie, le même mode de pensée et ce même rapport au vide…”. Au final, comme le souligne Nils Guillotin, “ce qui nous paraît le plus important, c’est de donner les clefs au pratiquant, pour pouvoir aller en extérieur de manière safe.”
Des professionnels bénévoles au service des participants
L’une des particularités de CAMP4, c’est d’abord le mélange des populations de grimpeurs et de slackeurs, de tous âges et de tous niveaux, issus de clubs ou non. Mais par ailleurs la diversité des intervenants représente un réel atout pour une telle manifestation. Parfois guides ou moniteurs brevets d’état, ils font le choix d’encadrer bénévolement sur l’événement afin d’apporter toute leur expertise dans les différents ateliers. C’est le cas d’athlète de renommée internationale, tel que Cédric Lachat. Grande classe !
“L’encadrement est réalisé par des bénévoles et par des professionnels, souligne Nils Guillotin. On a des diplômés fédéraux et aussi, grâce à Petzl, un soutien de taille, avec la présence de membres du team”. Citons par exemple Nailé Meignan, Championne de bloc jeunes en 2021 ou encore Benjamin Ribeyre, guide de haute-montagne et ancien membre du Groupe Excellence Alpinisme National de la FFCAM. Entre autres ! Car toutes les générations sont représentées, avec par exemple Michel Piola qui intervient sur l’escalade traditionnelle.
La dynamique d’équipement générée par CAMP4
Le territoire du Royans profite aussi indirectement d’une telle manifestation. Pour Romain Gendey, “c’est une synergie, en fait. Parce que quand on est arrivés, la grande période de Presles était un peu passée. Il y avait peu de grimpeurs dans le coin, à part Bernard Gravier et Simon Destombes. On a essayé de créer une dynamique. Et petit à petit le visage du Vercors a changé.”
De très forts grimpeurs et alpinistes se sont aussi installés dans cette région, comme Seb Ratel, Quentin Chastagnier, Cédric Lachat. Et aussi beaucoup d’autres professionnels de l’escalade et d’encadrants. “C’est un atout pour le territoire qui est beaucoup plus intéressant que le simple tourisme”, souligne Nils Guillotin. Car avec le soutien de la FFCAM, beaucoup de secteurs ont été équipés, et surtout rééquipés, en amont de CAMP4. En particulier grâce aux stages héritage ouvreurs.
La problématique des déconventionnements
La dynamique initiée par CAMP4 Vercors a aussi permis, indirectement, d’œuvrer à la réouverture de sites interdits ou déconventionnés. “ Le cas de Pont-en-Royans est un très bel exemple, résume Nils Guillotin. Parce que c’est un club avec des moniteurs et des élus qui ont une forte sensibilité pour l’escalade à l’extérieur (Quentin Chastagnier, Anne Richter, Pascal Mollard, Remi Allier, etc). Il y a cette culture là. Or ils se sont retrouvés à ne plus pouvoir aller en club sur des sites. Ils pouvaient garder une pratique de salle. Mais pas insuffler cette dynamique de l’extérieur à leurs adhérents.”
Ainsi la FFCAM a énormément travaillé avec la Drôme pour pouvoir reconventionner des sites le plus rapidement possible. Ils ont mis en place avec le service Sport et environnement de la Drôme une convention qu’on appelle un accord de gestion des sites naturels. Récemment, la communauté de communes du Royans a voté lors d’un conseil communautaire la prise de compétence de l’escalade. Donc des conventions vont être signés très prochainement. L’objectif ? Rouvrir tous les sites qui posent problème. Une bonne nouvelle pour tous les amoureux du rocher !
Photos (c) La Fabrique verticale, sauf mentions