Escalade aux Jeux olympiques : le combiné fait débat !
Le 3 août dernier, l’escalade a validé son ticket pour les Jeux Olympiques. La 129e session du CIO avait pour tâche d’évaluer la candidature de 5 nouveaux sports proposés par Tokyo, la ville-hôte des JO en 2020. Cette nouvelle procédure de renouvellement des disciplines olympiques, plus flexible, aura donc souri au surf, au baseball, au karaté, au skate et… à l’escalade ! Seul petit bémol, ce sera sous la forme du combiné.
Après plusieurs échecs de sa candidature, l’escalade a finalement su convaincre les membres du CIO. Et s’imposer dans la grande famille olympique, grâce à une image jeune et une bonne représentativité de ses pratiquants sur les cinq continents. Selon l’IFSC (International Federation of Sport Climbing), “l’escalade comptait 25 millions d’adeptes à travers le monde en 2013. Deux ans plus tard, en 2015, ce nombre était estimé à 35 millions.” Une courbe de progression impressionnante !
Pour Jérôme Meyer, Champion du Monde de bloc en 2008, aujourd’hui très impliqué auprès des instances internationales, si l’escalade fait son entrée aux Jeux, c’est essentiellement grâce à la jeunesse de ses pratiquants. C’est aussi parce que c’est une activité nouvelle – mais très mature d’un point de vue compétitif – qui offre de plus “de belles opportunités, en termes de marketing, de placement de produits et d’audience”.
Le combiné en question
Pour Tokyo, il fallait également un sport susceptible de séduire le public nippon. Et là, l’escalade avait une belle carte à jouer. Ce sport jouit d’une grande popularité au Pays du Soleil Levant, avec un important réseau de salles et une équipe nationale très performante. On l’a encore vu récemment à Bercy, notamment en bloc. Et on compte actuellement 5 Japonais parmi les 10 meilleurs mondiaux au classement provisoire de la Coupe du Monde 2016 de combiné.
Or ce type de compétition – qui, comme son nom l’indique, combine bloc, vitesse et difficulté – est justement le format qui a été retenu par le CIO. Ce qui laisse les observateurs perplexes, car on risque de décerner la médaille d’or olympique à un grimpeur qui n’excelle vraiment dans aucune des 3 disciplines. Pourquoi ne pas couronner chacune des disciplines ?
Bonne question mais ce n’est pas si simple… Comme le rappellent Marco Scolaris, Président de l’IFSC, et Pierre You, Président de la FFME, pour entrer dans la famille olympique, il a fallu composer avec le CIO. Le combiné, “ce n’est pas forcément ce que nous souhaitions au départ, explique Pierre You. Mais il faut se souvenir que le ski alpin est entré au programme des Jeux d’hiver de la même manière. La porte s’ouvre, entrons. Et nous verrons ce qui se passera en 2024 et plus”.
La vitesse, pour ou contre
Plusieurs très forts grimpeurs, dont Jakob Schubert et le récent vainqueur de Bercy en difficulté, Adam Ondra, sont malgré tout très opposés à cette entrée de l’escalade aux JO sous la forme du combiné. Notamment en raison de la présence de la vitesse parmi les épreuves… “La vitesse est une épreuve très artificielle, explique Adam, et n’a rien en commun avec la philosophie globale de l’escalade selon moi”.
La vitesse, parent pauvre des disciplines compétitives, est en effet souvent déconsidérée. Par les compétiteurs eux-mêmes, comme on vient de le voir. Mais aussi par les spectateurs, surtout quand ils sont grimpeurs de longue date. Car elle semble très éloignée de la pratique classique en extérieur. Au contraire, les grimpeurs plus jeunes, qui ont découvert l’activité en salle, ont souvent moins d’a priori. Ils tolèrent mieux sa présence dans le combiné, sur un même plan d’égalité que le bloc ou la difficulté.
Les espoirs placés dans l’escalade olympique
Certes cette entrée de l’escalade aux JO devrait dynamiser plus que jamais un secteur déjà en forte croissance. C’est en tout cas ce qu’estiment plusieurs acteurs importants de la filière. Pour Emmanuel Charruau, co-fondateur du réseau de salles Block’Out (12 salles privées en France et en Nouvelle-Zélande) “la portée médiatique des JO devrait apporter un coup de boost sur le nombre des abonnés. Impossible de le quantifier précisément. Mais le capital sympathie de cette activité est fort, tout comme les valeurs qu’elle véhicule (liberté, écologie, engagement)”.
Un point de vue que nuance cependant Jibé Tribout, ancien grimpeur de haut niveau, gérant d’une entreprise de distribution de marques outdoor (XXL) et patron des salles d’escalade Altissimo Marseille et Metz. “L’escalade croit de façon organique depuis trente ans grâce aux valeurs associés à ce sport. Et, JO ou pas, cela n’y changera rien. Pour le business, de même : ce ne sera qu’un coup de pouce. La croissance viendra plutôt des pratiquants indoor. Car d’ici 2020, le parc de salles mondial aura doublé !”
Des interrogations sur le format du combiné
Par ailleurs, la formule du combiné ne séduit guère Jibé Tribout. “En tant qu’ancien compétiteur, je me réjouis de voir l’escalade aux JO, mais avec un sérieux bémol sur le format. Pour moi le combiné ne représente rien. Le vainqueur sera un pseudo athlète, certes complet, mais pas vraiment le meilleur. Dans aucune des trois disciplines. Pour moi, l’IFSC n’aurait jamais dû accepter cela. Il aurait dû imposer d’avoir les trois disciplines ou rien”.
Ces doutes sur l’opportunité de faire entrer l’escalade aux JO sous la forme du combiné sont actuellement renforcés par le fait que pour l’instant, le format réel des futures épreuves n’est pas encore totalement arrêté. Et qu’il fait encore débat parmi les athlètes et les entraîneurs. D’où une petite sensation de flottement. Pendant les Championnats du Monde à Bercy, l’IFSC a toutefois montré qu’il continuait à réfléchir et à avancer. Ainsi, il a présenté aux athlètes et aux entraîneurs deux formules possibles pour les futures épreuves.
Ces documents ne sont que des projets pour l’instant mais montrent les directions que pourraient prendre l’escalade olympique. La première option consisterait à commencer par la vitesse le 1er jour. Éliminer une partie des grimpeurs pour passer au bloc le 2e jour. Puis encore une partie pour ne garder que les 10 meilleurs pour la finale, qui aurait alors lieu en catégorie difficulté, le 3e et dernier jour. La deuxième option consisterait à faire des qualifications et des finales dans chacune des trois disciplines. Et de calculer le classement à partir des résultats obtenus.
Pour Ürs Stöcker, entraîneur de l’Équipe nationale suisse, aucune des deux propositions n’est réellement satisfaisante. Dans la 1ere option, on laisse trop de grimpeurs sur le côté au fil des tours. Dans la seconde, on ne sait pas encore bien sur quels critères se fera le classement (moyenne des résultats, coefficients, etc). Déjà les observateurs du milieu s’interrogent sur le fossé qui risque de se creuser entre les compétiteurs et l’ensemble des pratiquants. Si en plus, la formule retenue pour les JO ne séduit pas les athlètes… On risque d’aboutir à un non-sens. Mais wait and see ! L’IFSC a jusqu’à début 2017 pour rendre sa copie au CIO. Et affiner la réflexion, pour le bien de l’activité et son rayonnement international.
Photos © IFSC, © FFME/AgenceKros – Remi Fabregue, (c) Altissimo et Ürs Stöcker
L’escalade devient vraiment n’importe quoi et quand je vois « de belles opportunités, en termes de marketing, de placement de produits et d’audience » je me dis qu’on a perdu vraiment les valeurs première d’un sport qui se voulait en marge des sports traditionnels. Pourtant je suis jeune et j’ai appris à grimper assez récemment en salle mais quand je vois que maintenant la plupart des grimpeurs ne mette même plus les chaussons dehors je trouve ça dommage. Il est loin le temps ou la vie à la « Edlinger » faisait rêver…
Pour moi, et ça le restera toujours, la salle c’est pour l’entrainement de l’escalade l’hiver et l’escalade c’est entraiment pour l’alpinisme, qui je l’espère, ne deviendra jamais une compétition.
Je penses qu’une solution acceptable serait de pondérer les trois épreuves de coefficients différents, par exemple: 20% vitesse , 40% Bloc et 40% difficulté. Cela permettrais au meilleurs grimpeurs mondiaux d’avoir une grande chance d’être devant sans enlever l’espoir au adepte de la vitesse qui devrons pour gagner devenir de fantastiques grimpeur.
Pour ce qui est de la remarque de Jérôme Meyer: « de belles opportunités, en termes de marketing, de placement de produits et d’audience », elle est nulle et montre bien la compromission que cette oligarchie « fédérale » dont Jérôme fait parti, plus intéressée par leur postes et leur pouvoir que par ce sport magnifique. Ils n’ont pas compris que l’escalade est plus qu’un sport, c’est une manière de vivre et de voir le monde et que montrer l’escalade au yeux du monde lors de JO, de cette manière, n’est pas un bon service à rendre à l’escalade, surtout qu’elle n’en a pas besoin!!!
Un article sur le combiné sans un mot pour Manu Cornu, qui a accroché le podium à Bercy notamment grâce sa superbe performance en bloc…. « pseudo-athlète » ? Vous êtes un peu injustes !
Merci pour votre commentaire. Ce n’est pas nous qui employons le terme « pseudo athlète » mais une des personnes que nous interviewons dans le cadre de cet article. Quant à Manu Cornu, il sera très prochainement question de lui dans un des articles de La Fabrique verticale 😉
Même si l’escalade évolue vers une direction qui s’éloigne de mes valeurs, cela m’est égale puisque la falaise sera toujours au même endroit. Par contre, je suis licencié à la Fédé et je commence à m’interroger sur l’investissement de mon argent car il est de moins en moins réinvesti dans l’équipement et le conventionnement avec les particuliers. De plus, l’escalade de vitesse est assez difficile et coûteuse à mettre en place. « Au contraire, les grimpeurs plus jeunes, qui ont découvert l’activité en salle, ont souvent moins d’a priori. » Je viens de découvrir que je suis vieux!
Le débat est sur Grimpisme aussi http://www.escalade.pro/news/jo-vitesse-combine-sondage/ et dans les commentaires, il y a une proposition qui me parait intéressant : le combiné par équipes nationales : chaque pays doit présenter une équipe de trois grimpeurs/grimpeuses : 1 vitesse + 1 diff + 1 bloc…
Ce qu’il faudrait c’est tous simplement reformer la vitesse, et modifier cela en un mitigé diff/vitesse un peu comme en psicoblock, on garde le système moulinette mais avec une voie plus dure et différente à chaque fois, et le système d’élimination en duo .
le choix 1 est complètement improductif, il laisserait trop de grimpeurs sur le carreau, le choix 2 me semble plus judicieux avec des points par discipline qu’on additionne (ce qui a été fait à Bercy je crois ?). malgré le fait que la vitesse en l’état me laisse dubitatif, je suis contre la proposition d’un coefficient en fonction de la discipline, de plus in fine sur le podium sera obligatoirement un grimpeur de bloc ou de diff car la vitesse n’est q’un aspect physique beaucoup plus facile à travailler que les deux autres disciplines !!
il est de notoriété publique que les grimpeurs de vitesse sont allés à la vitesse pour récupérer des médailles car plus faciles à obtenir du fait d’un faible concurrence …
c’est le fait que la voie ne change pas pour la vitesse qui fait rejeter cette discipline par la communauté car toutes les richesses de l’activité ont pour le coup disparues !!
tout le monde a conscience que l’escalade de vitesse apporte un plus technique pour l’escalade mais qui en fait ?
en comparaison tout le monde sait que la force est le facteur limitant n°1 en escalade mais qui en faisait jusqu’il y a peu ? 10% des grimpeurs ? 20% ? Ce sont les salles qui ont démocratisé c’est aspect et ont permis à un grand nombre de le pratiquer
je pense ce sera pareil pour la vitesse mais il faut que la vitesse change, le fédé a une vision trop dogmatique et crispée sur le sujet mais a plus réussi à braquer la communauté !!
la vitesse c’est limite pas de l’escalade, c’est un autre sport en tout cas.
Tout dépend de la définition que vous faites de l’activité « escalade » 😉
S’il est que l’escalade de vitesse est le résultat d’une pure création de pratique compétitive (en Russie, bien avant 1980), n’oublions pas que la notion de vitesse a toujours été partie intégrante des disciplines de montagne (alpinisme)… qu’elle en fait toujours partie (record de l’ascension de l’Eiger, par exemple)… et que l’escalade est bien issue de ces disciplines. Ainsi, pour faire référence au record de l’ascension du Nose au Yosemite, devrait on considérer que ce n’est pas de l’escalade ?