Heritage olympique : un tremplin pour la jeunesse
Jean-Marc Serfaty est Référent Ministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024 et Inspecteur Général de l’Éducation, du Sport et de la Recherche au Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. La Fabrique verticale l’a rencontré pour parler des actions mises en place dans les écoles, collèges et lycées dans le sillage et en amont des Jeux. En bref, de l’heritage olympique.
En charge du dossier des Jeux Olympiques et Paralympiques au Ministère de l’Éducation Nationale, Jean-Marc Serfaty a travaillé conjointement avec le COJO pour mettre en place différentes actions dans les écoles, collèges et lycées. L’idée ? Profiter de la dynamique des Jeux pour retirer de cet événement sportif mondial une valeur ajoutée sur un plan éducatif et pédagogique, pour tous les élèves français. Un sacré challenge !
“L’école a été mobilisée depuis le début dans l’aventure de Paris 2004, explique Jean-Marc Serfaty. Puisque Tony Estanguet, président du COJO, est quand même issu d’une famille de profs d’EPS. Il est d’une famille de profs d’EPS. Et il a baigné là-dedans. Il avait cette culture et cette vision. Il s’est dit : « Si on veut réussir quelque chose, il faut mobiliser les générations futures ». Au delà des Jeux comme spectacle, il a véritablement souhaité qu’il y ait un héritage. Bref que ce soit un tremplin pour demain.”
Heritage olympique et paralympique et éducation nationale
C’est pourquoi différentes actions ont été mises en place par le Ministère de l’Éducation, bien en amont de l’organisation des Jeux. Avec clairement une visée pédagogique ! “On a construit dès la candidature un programme d’héritage pour intégrer la jeunesse. Pour lui faire découvrir à la fois le monde de l’olympisme, le monde du sport, promouvoir les pratiques sportives à l’école, promouvoir les complémentarités éducatives à travers le sport en fonction des tiers lieux, l’école, le club, l’éducation populaire…”.
C’est ainsi que sont nées les 30 minutes d’APQ. En clair, cela signifie que l’Éducation nationale s’est engagée, en collaboration avec Paris 2024 et le mouvement sportif, à ce que chaque élève bénéficie d’au moins 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école élémentaire. “Ma première ambition, raconte Jean-Marc Serfaty, ça a été de dire, il faut tout simplement remettre les profs du premier degré dans l’activité physique. Pour autant, il fallait arriver à proposer quelque chose qui allait se faire dans la cour. C’est ce qui a inspiré ma proposition pour les 30 minutes d’APQ.” Simplissime mais utile !
30 minutes d’activité physique quotidienne
Le projet est parti d’un constat tout simple. L’EPS ne s’enseignait plus assez dans le 1er degré, essentiellement pour des raisons pratiques et de compréhension des attendus des programmes. Les APSA (activités physiques, sportives et artistiques) nécessitent du matériel et des installations qui ne sont pas toujours à proximité des écoles. “Je me suis dit qu’au final, il fallait travailler sur ce qui fonde les pratiques sportives, soit la motricité, se souvient Jean-Marc Serfaty. Une dimension qui a été un peu oubliée. Parce qu’on s’est centré sur les APSA. Celles-ci ne sont guère didactisables par un professeur des écoles. Donc au final on n’en fait pas.”
Les 30 minutes d’activité physique quotidienne se centrent donc sur des éléments simples de motricité, faciles à mettre en place concrètement. À savoir courir, sauter, danser, lancer. Malheureusement il n’y a pas grimper, qui à notre sens aurait toute sa place mais qui nécessiterait aussi des installations et la gestion de la question de la sécurité. En fait le principe des APQ, c’est de trouver une situation de base accessible à tout le monde.
“Je suis parti des travaux sur la littératie physique et les travaux menés par les chercheurs à l’Université ”, explique Jean-Marc Serfaty. La littératie physique se définit par la motivation, la confiance, la compétence physique, le savoir et la compréhension qu’une personne possède et qui lui permettent de valoriser et de prendre en charge son engagement envers l’activité physique pour toute sa vie.
Il n’y a pas d’évaluation
Il n’y a ps d’évaluation dans les 30APQ, seul le plaisir de faire pour soi et avec les autres est un repère.
“J’ai regardé les travaux menés par les Universités de Lille et de Strasbourg. Et je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. Parce qu’au final ce qui sort de la littératie physique, ce sont les habiletés motrices dites fondamentales dans lesquelles les gamins doivent sentir qu’ils progressent et développer de la confiance. Et donc ça se traduit par des d’action – skipping, running, etc. – Il n’y a pas d’évaluation.”
L’idée est de partir d’une situation simple dans laquelle les élèves vont révéler des motricités. Les enseignants, en observant les élèves et en les faisant parler font émerger les bonnes solutions. Les élèves construisent de la confiance. Puisqu’ils réussissent par eux-mêmes et ainsi s’élabore au fur et à mesure une culture sportive. Pour l’enseignant, c’est aussi l’occasion d’introduire de la porosité à travers la situation, de rebondir d’une matière vers une autre. Par exemple les trajectoires en mathématiques au travers d’un lancé. Enfin, c’est un moyen de régulation pour capter l’attention des élèves.
Héritage : label génération 2024
Au-delà de ces actions tout simples mises en place à l’école et pour tracer un trait d’union entre les élèves et les champions qui vont participer aux Jeux de Paris 2024, un label génération 2024 a été créé. Ce programme s’articule autour de quatre objectifs dans une logique d’ heritage olympique.
- Tout d’abord construire des projets structurant en combinant les ressources entre le monde scolaire et le monde sportif.
- Ensuite accueillir les champions à l’école pour en faire des ambassadeurs des valeurs du sport et aussi des ambassadeurs d’autres types de valeurs. “Le sportif c’est la persévérance, explique Jean-Marc Serfaty. C’est la culture de l’effort, c’est le dépassement de soi. Tous ces éléments peuvent fonctionner dans l’école sur les apprentissages scolaires.”
- Évidemment participer à des temps forts qui rassemblent est important dans la logique de l’héritage. Car les Jeux restent une fête populaire. Ainsi la journée nationale du sport scolaire, la semaine olympique et paralympique, les journées olympiques et les journées paralympiques ont été des moments forts pour se rassembler autour du sport et surtout faire unité.
- Enfin optimiser les installations sportives et les rendre accessibles. Faire en sorte que des tiers lieux sportifs qui étaient fermés au monde du sport au prétexte qu’ils étaient dans des établissements scolaires, sanctuarisés, redeviennent utilisables.
Heritage olympique : une politique cohérente
Comme le raconte Jean-Marc Serfaty, “ça a été véritablement les quatre priorités que nous nous sommes données pour essayer de construire un parcours de promotion du sport avec le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. On avait une cible. C’est-à-dire arriver à mobiliser au moins 20% des établissements scolaires. Ce qui est beaucoup. Quand tu parles de 12 millions d’élèves, 20% des 12 millions d’élèves, c’est énorme. On a réussi. On les a dépassés !”
“Oui, on a réussi à construire autour des Jeux un écosystème qui démontre qu’en fait, le sport, c’est un trait d’union. Ce n’est pas quelque chose d’isolé. Certes il y a un côté spectaculaire dans les Jeux. Mais on peut aussi préparer les élèves à accueillir le Monde entier lors de cet événement. Il y a donc une ouverture sur les problématiques de différence, de différence de culture. On parle d’inclusion. Et puis évidemment de parité.”
Ma classe aux Jeux
Des classes de toute la France viendront d’ailleurs assister à des épreuves des Jeux Paralympiques. “L’idée c’était de dire : « Bon, on a fait les Jeux, mais ce serait bien que les enfants participent à la fête ! »”, s’enthousiasme Jean-Marc Serfaty. L’État a fait le choix d’investir 11 millions d’euros pour faire une billetterie populaire. “On a créé le dispositif qui s’appelle Ma classe aux Jeux, avec 200 000 billets qui sont revenus à l’Éducation nationale”.
“Il s’agit de la plus grosse sortie pédagogique qui ait jamais existé dans l’histoire du ministère de l’Éducation nationale. Parce que 192 400 élèves aux Jeux Paralympiques la semaine de la rentrée scolaire, cela va représenter à peu près une quarantaine de milliers d’élèves accompagnés chaque jour. Soit 1600 classes, des groupes de 34 personnes à déplacer de Province ou d’Outre mer !”.
Un casse-tête en terme d’organisation. Ma classe aux Jeux a commencé en mai 2023 pour être livrée en septembre 2024. Il y a tout un parcours, tout un projet pédagogique en amont. “On a associé la semaine olympique et paralympique de 2023-2024 qui était sur la thématique de l’inclusion. Sur la scolarité de l’année scolaire dernière, on a travaillé sur l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.”
Heritage olympique : comprendre le handicap
“Par exemple, je pense à une une très belle initiative qui existait à Tremblay en France entre le Staps de Bobigny, l’Académie de et l’UNSS et l’USEP de l’académie de Créteil et la ville du Tremblay qui sur une journée offraient une découverte des pratiques sportives en situation d’handicap mais aussi permettait aux enfants « ordinaires » de vivre la journée d’un enfant en situation d’handicap.”
Gageons donc qu’au-delà des médailles françaises, qu’on espère nombreuses en escalade, l’heritage olympique se déclinera aussi chez les plus jeunes qui auront vécu ces Jeux de l’intérieur. Et auront travaillé en amont, tout au long de l’année écoulée, sur des problématiques riches de sens. Un pari audacieux ?
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