La voie de la souplesse

Vous avez du mal à monter les pieds ? À talonner très décalé dans les rétablissements ? À placer une pointe derrière une arête ? À lolotter très haut dans les colonnes ? Vous manquez sans doute un peu de souplesse ! Et à quoi vous servent toutes vos séances de force sur la poutre ou le pan Güllich, si une fois dehors, vous êtes raides comme des passe-lacets, incapables d’utiliser vos pieds ?

Très emblématique des années 80 où le travail de la grenouille et du grand écart faisait partie intégrante de la préparation des grimpeurs comme Edlinger ou Berhault, la souplesse est un peu passée de mode. Pourtant, même si ça peut sembler anachronique, réviser ses classiques pour gagner en flexibilité n’est pas une si mauvaise idée…

D’ailleurs les entraîneurs des Équipes nationales de bloc ne s’y trompent pas, en incitant leurs athlètes à creuser de ce côté-ci de la préparation. Udo Neuman, entraîneur de l’Équipe d’Allemagne de bloc, a fortement incité Jan Hojer à entraîner cette qualité et en France comme en Autriche, on a vu également plusieurs forts grimpeurs travailler leur ouverture de bassin et globalement leur souplesse entre deux séances de gestuelle ou de pan Güllich, afin d’être plus performants en compétition où il n’est pas rare de voir des ouvertures conduisant à des gestuelles incongrues nécessitant une bonne flexibilité.

Jacob Schubert fait la démonstration qu'en compète de bloc, un peu de souplesse ne nuit pas !

Jacob Schubert fait la démonstration qu’en compète de bloc, un peu de souplesse ne nuit pas !

Le bloqueur anglais Ned Feehally est un adepte forcené de la poutre (et il n’y a pas de hasard : il travaille pour Beastmaker ;-). Il a toutefois conscience que la force dans les doigts n’est pas la panacée, comme en témoigne cet article, très pertinent, publié sur son blog, où il insiste sur la nécessité de développer de bonnes qualités de souplesse, parallèlement à la puissance :

“De bonnes qualités de souplesse vous permettent de placer votre corps dans des positions incongrues et de tirer le meilleur parti possible des prises de mains qui vous sont données. Une bonne souplesse dans les jambes vous permet :

– de placer les pieds exactement là où il faut les monter
– de mettre le maximum de poids dessus une fois que vous les avez montés

Plus de poids sur les pieds, c’est moins de poids pour les doigts et donc moins d’effort à fournir. C’est aussi simple que ça ! CQFD.

Ce n’est pas très difficile d’améliorer la souplesse. En fait, je pense que c’est même la méthode la plus facile pour progresser en escalade. J’entends si souvent des grimpeurs se plaindre qu’ils n’arrivent pas à monter les pieds là où ils le souhaiteraient… Alors qu’il suffit de quelques assouplissements réguliers !

Le haut du corps

On n’a pas besoin de beaucoup de souplesse dans le haut du corps, à part peut-être au niveau des épaules pour les croisés. Le mieux est d’utiliser le stretching pour la récupération, après les grosses sessions, pour éviter d’avoir les épaules trop enroulées vers l’avant. Évitez les étirements avant la séance, car il a été montré que ça réduisait l’influx et avait un impact très défavorable sur la force maximale que l’on pouvait produire ensuite.

Le bas du corps

Plus on peut développer la souplesse du bas du corps, mieux c’est pour l’escalade. Bien évidemment, soyez raisonnable dans le développement de la souplesse. Il est souhaitable de ne pas travailler la souplesse à froid, sous peine de blessure. Faites-le après un échauffement général consciencieux, et si vous avez le temps, après une douche ou un bain chaud.

Développer la souplesse ne vous prendra qu’une demie heure par-ci par-là et vous pourrez répéter ça assez fréquemment dans la semaine (2 à 3 séances par semaine en phase de maintien, tous les jours en phase de développement). Commencez par les groupes musculaires qui vous demandent le plus de travail. Faites 20 à 30 secondes d’étirement, suivis de 10 secondes de relâchement et répétez le tout 3 fois. Allez-y progressivement, en respirant calmement et mettez en tension sans jamais arriver à la douleur”.

Ce qu’il faut absolument proscrire : étirer un muscle blessé, faire des temps de ressort et bloquer la respiration !

Quelques exemples d’assouplissements

La pince
Debout, jambes tendues, tentez de toucher vos pieds avec vos mains. Gardez le dos bien droit et cherchez à venir plaquer le buste le long de vos cuisses. Idéal pour progresser dans les crochetages de pointe derrière une arête, quand le pied et la main se retrouvent tout proches, ou pour optimiser les séquences en toit les pieds devant, quand vous allez chercher avec la main une prise où vous avez préalablement placé la pointe.

Le grand écart facial
Au sol, écartez les jambes, tendues, de chaque côté du tronc et dans le même alignement. Cet exercice très classique permet d’assouplir les adducteurs et de gagner en ouverture de bassin. Cela vous aidera si vous grimpez en dalle pour aller pointer un pied très désaxé ou en dièdre pour progresser en appui en écart sur les mains et les pieds.

La grenouille
Assis dos droit, jambes fléchies, les deux pieds joints. Cherchez à toucher le sol avec vos genoux. Cette posture développe la souplesse des hanches et des adducteurs. Elle vous permettra de mieux vous plaquer au rocher dans les parties en dalle mais aussi de mieux monter les pieds quand il s’agira de charger sur de tout petits grattons, en ouverture.

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8 réponses

  1. David dit :

    Bonjour ! Excellent encore une fois ! Quand tu parles de stretching pour le haut du corps : ça veut dire quoi par exemple ???

    • Olivier dit :

      Merci ! Dans la partie que tu cites, stretching est employé dans son sens général. Ceci dit, si lors de la récupération, les étirements passifs sont les plus couramment employés, la technique de stretching peut être appropriée s’il s’agit de regagner en amplitude, mais alors plutôt lors de séances dédiées.

  2. Mercier dit :

    Sujet très intéressant qui m’interroge par rapport à mes vieux cours de staps au sujet justement des différents type de souplesse. J’ai vu que en escalade travailler la souplesse dynamique est important et vous ne proposez que du passif. Alors le dynamique utile ou pas ?

    • Olivier dit :

      Dans cet article, où nous retranscrivons le témoignage du bloqueur anglais Ned Feehally, il est en effet principalement question d’étirements passifs. Et vous avez tout à fait raison, il est aussi bon de cultiver sa souplesse active, en particulier au niveau du bassin, puisque c’est grâce à elle que l’on pourra par exemple monter un pied sur une prise très haute. Dans cette optique, des techniques comme le stretching ou des étirements dynamiques ont leur place, dans des séances dédiées.

  3. Emmanuel dit :

    Les etirements avant la seance ne sont pas efficaces ?
    On en fait souvent en meme temps qu’on se chauffe sans trop connaitre les effets.
    Specialement des etirements en exemple ici..
    Vous avez un bouquin sur la souplesse les etirements et l’escalade a nous conseiller ?

    • Olivier dit :

      Il semble qu’il y ait consensus sur l’hypothèse suivante : les étirements pratiqués avant une séance, technique statique ou PNF (stretching), sont plutôt contre productifs pour la performance, en particulier de force ou d’impulsion. Toutefois, l’escalade requiert une amplitude articulaire (bassin, chevilles, épaules) qui peut être importante (en particulier en bloc). Aussi l’échauffement doit-il comporter des mises en action de ces articulations, pour les préparer à travailler dans de grandes amplitudes. La plupart du temps, une mobilisation par des mouvements naturels (cercles de plus en plus amples), est suffisante.

  4. Charles dit :

    Bonjour et merci pour la qualité de votre contenu comme toujours 🙂
    Savez-vous sur quel compet a été prise la photo de Jacob Schubert utilisée pour votre illustration ? SI vous avez un lien de vidéo je suis preneur 🙂
    Merci

  5. Benoit dit :

    Article très intéressant mais la j’avoue que des photos seraient intéressantes pour les assouplissements proposés. « La Grenouille » me fait penser à cette position de Yoga qui la aussi fait travailler l’ouverture de bassin mais la j’ai du mal à visualiser celle proposée ^^

  1. 12 octobre 2017

    […] ne le dira jamais assez : la progression en escalade passe aussi par le développement de la souplesse ! Et pour gagner en souplesse, rien de tel que le Yoga, qui est un complément idéal à […]

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