Le 11 mai, et après ? Des habitudes à changer en escalade ?
La sortie du confinement est prévue pour le 11 mai. Mais la vie d’avant, ce n’est pas pour “tout de suite et probablement pas avant longtemps”, a précisé Édouard Philippe. Qu’en penser en tant que grimpeur ? Quel impact sur l’activité ? Et si cette crise sans précédent était l’occasion de changer un certain nombre d’habitudes ? Réflexions sur la pratique, dans l’attente des annonces du gouvernement demain à 15h…
Emmanuel Macron l’a annoncé dans son discours du 13 avril : la sortie du confinement est prévue pour le 11 mai prochain. Mais dans la foulée, Édouard Philippe a tempéré les ardeurs. Les Français ne retrouveront “pas tout de suite et probablement pas avant longtemps” leur “vie d’avant” cette crise du Covid-19.
Dans le domaine du sport, les choses se décantent, mais lentement… Ainsi, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a précisé jeudi dernier que la reprise des compétitions était “un sujet majeur”, après avoir déclaré la veille que le sport “ne serait pas la priorité” du gouvernement lors du déconfinement. Mais lors de ce rétropédalage, elle a aussi indiqué qu’il fallait toutefois rester “lucide et patient”.
Alors qu’en penser en tant que grimpeur ? Parmi les infos qui ont fuité (en particulier suite à une réunion qui s’est tenue au Ministère des sports vendredi dernier), les Français devraient pouvoir “courir, marcher et rouler en extérieur dans des conditions normales à partir du 11 mai”. Oui, mais grimper ? Et l’accès à la pratique ne va-t-il pas être donné dans un premier temps aux seuls encadrants (guides et BE/DE), puisqu’il y aura là un enjeu économique ?
Au niveau national, ce printemps 2020 restera certainement gravé dans les mémoires comme un traumatisme général. Mais après, à titre individuel, qu’en sera-t-il ? Parce que clairement, même si on est autorisé à retourner grimper en falaise, on ne reprendra pas le cours de nos vies avec la même “insouciance” qu’avant. Et si c’était l’occasion de changer un certain nombre d’habitudes ?
Le 11 mai, une fausse date-buttoir
À La Fabrique verticale, nous avons déjà commencé à évoquer les enjeux et perspectives de la levée progressive du confinement pour les grimpeurs. À première vue, il semble que la reprise en salle ne soit pas pour tout de suite. En tout cas, pas avant la mi-juin ou la mi-juillet (date de réouverture possible des lieux accueillant du public type bars, restaurants, salles de spectacles, musées ou cinémas). Et sans doute pas avec l’ambiance conviviale qui faisait tout le charme des salles de bloc…
Encore faudra-t-il que les gérants de salle et les directeurs de réseaux d’escalade prennent la décision de rouvrir… Contacté par La Fabrique verticale, Olivier Marinx, qui dirige les salles Altissimo, nous a ainsi indiqué : “Je suis pour une fermeture totale jusqu’au déconfinement total. Déconfiner à moitié ne marchera pas d’autant plus que nous avons un seuil de rentabilité. Rouvrir et acceptez un nombre limité de gens, c’est s’enterrer à coup sûr : plus de chômage partiel, plus de report de loyer, de mensualités, etc…, des charges comme avant mais un CA réduit de moitié, voire plus”.
Quid de l’escalade en extérieur après le 11 mai ?
Pour ce qui concerne la reprise en extérieur, les pratiquants se posent de plus en plus la question. Car comme beaucoup de sports outdoor, l’escalade doit pouvoir s’envisager de manière raisonnée. En tout cas, dans un certain respect des gestes barrières, même si ce n’est peut-être pas aussi simple qu’on le croit… Bref attendons les annonces précises du Ministère des Sports, pour savoir à quelle sauce on va être mangés.
Car il faudra peut-être plus qu’une simple lettre ouverte émanant de passionnés et la pression des professionnels type guides de haute-montagne ou moniteurs d’escalade, pour que le gouvernement prenne le risque de donner libre accès à des espaces, dont par nature, il est délicat de contrôler la fréquentation et le respect des règles, ne serait-ce que celles de bon sens.
Toutefois, on peut aussi imaginer une libéralisation de l’accès aux espaces de pratique en outdoor. La responsabilité du respect des gestes barrières et de consignes de distanciation sociale étant alors laissée aux pratiquants. En Allemagne, qui a entamé son déconfinement avant la France, mais qui a aussi été moins touchée par la pandémie, l’accès aux falaises est à nouveau autorisé…
Quid des changements d’habitude ?
D’un point de vue général, cette période étrange et inédite aura été, pour le plus grand nombre d’entre nous, une magnifique occasion (tant aux niveaux professionnel que personnel) de :
- Rompre avec notre petit train-train
- Refaire un bon gros cycle de prépa physique
- Revoir nos priorités et profiter (vraiment) de l’instant présent
- Resserrer les contacts avec nos proches
- Relativiser et comprendre que la santé n’est pas acquise et que la mort fait partie de la vie
- Réaliser que Netflix et les jeux vidéos ne sont pas les seules occupations possibles
- Réfléchir à l’axe stratégique à donner à notre activité professionnelle après le confinement (avec la crise économique qui se profile)
Évidemment, après le 11 mai, ce sera de la responsabilité de chacun de poursuivre (ou pas) ces bonnes habitudes prises pendant le confinement. Alors, bien sûr, il faudra reprendre le rythme, ce qui ne sera pas évident. Mais avec une nouvelle énergie, de nouvelles envies, nouvelles aspirations…
L’après 11 mai : des changements aussi dans nos vies de grimpeurs ?
Des pistes de changement se dessinent aussi dans nos pratiques de grimpeurs. Et vont peut-être d’ailleurs s’imposer d’elles-mêmes. Car comment imaginer que nous allons reprendre le chemin de l’escalade comme avant ? D’ailleurs, est-ce vraiment souhaitable ?
Allons-nous continuer comme avant ? C’est-à-dire à :
- Voyager à l’autre bout du monde, et même simplement en Europe, pour satisfaire égoïstement nos désirs de grimpeurs, au mépris du bilan carbone ?
- Participer à de gros rassemblements de grimpeurs, qui (qu’on le veuille ou non) impactent forcément l’environnement ?
- Continuer à aller tous grimper dans les mêmes sites comme des moutons (Margalef, Céüse, Bleau, pour n’en citer que quelques uns) ?
En conclusion
Bien sûr, toutes ces questions sont volontairement (et un tantinet) provocatrices. Mais elles sont surtout, pour l’instant, sans réponse. Et tous les scénarios sont envisageables, du plus positif au plus sombre. Surtout tant qu’il n’y a ni traitement, ni vaccin. Ni d’ailleurs de visibilité sur la durée d’immunisation post-infection par le Covid-19.
Rappelons que c’est là-dessus que s’appuie l’espoir de voir se développer au sein des populations une immunité de groupe. Car plus que jamais, le spectre d’une deuxième vague plane au-dessus de nos têtes. Dans ce cas là, on s’acheminerait vers une période rythmée par les déconfinements et les reconfinements. En mode stop and go. Et il est clair dans une telle perspective que l’escalade en soi ne sera(it) peut-être pas la principale préoccupation…
Merci pour toutes ces infos utiles concernant l’escalade. Vivement les prochaines infos avant le 11 mai.
bien cette reflexion sur notre impact environemmental…
Bonjour,
je ne comprends pas bien pourquoi un certain nombre de grimpeurs sont si prompts, à la faveur du confinement, à faire cette introspection sur le prétendu impact de notre pratique en falaise. Cela ressemble à une pulsion sacrificielle. Que dire des sports comme le foot, sans parler des sports mécaniques ? Pensez vous que le milieu de la F1 a la même démarche que vous ? Et si l’escalade outdoor venait à être réglementée voire interdite, pensez vous que l’impact de l’escalade en salle soit moindre ?
C’est d’autant plus regrettable que cela vient de grimpeurs écoutés et respectés, qui ont une surface médiatique, et dont les propos engagent qu’ils le veuillent ou non toute la communauté des grimpeurs.
La FFME semble avoir trouvé opportun d’annoncer pendant cette phase de confinement qu’elle dénonçait les conventions de transfert de responsabilité : n’ont-ils pas été encouragés par cet air du temps introspectif ?
L’impact carbone d’un grimpeur qui va à Rocklands ? Est-il pire que celui d’un touriste qui va en Afrique du Sud ? Que représentent ces trajets par rapport aux voyages d’affaire ?
Peut-être qu’il est temps de se montrer plus circonspect qu’introspect…
Je penche, pour ma part, du côté de la remise en question, non seulement de notre manière de vivre notre passion commune – l’escalade, mais aussi l’alpinisme et la randonnée – mais aussi du sport en général, tous les sports.
Il y a un énorme distingo à faire, entre par exemple le fait d’enfourcher son vélo en bas de chez soi et de partir pour une aventure de 20 ou 100km, idem à pieds ; et, à l’opposé, de rouler 200 bornes en voiture pour se rendre au pied d’une montagne, ou d’une couenne de 20 mètres (oui mais… un must!), ou sur un circuit automobile ou un terrain de sport collectif.
Encore plus fort : un voyage de plusieurs milliers de km, en avion, simplement pour fouler des neiges plus élevées que chez nous… sans parler du désastre humain qui en découle, et c’est sans doute l’aspect le plus important.
N’est-ce pas là une bonne définition d’une sorte de « tourisme d’altitude »? Qu’est-ce qui distingue notre attitude de celle des touristes, que l’on a coutume de décrier si justement ?
J’espère, naïvement peut être, que les fédérations sportives, et à la suite les pratiquants, se poseront des questions fondamentales. Je crois qu’il est grand temps.
Et pour ma part, je suis prêt à ajuster ma pratique à de nouvelles exigences, écologiques, mais aussi morales.
Développer l’équipement de nouveaux sites pour répartir la fréquentation. Mais avec les nouvelles peu réjouissantes annoncées par la Fédération….