Patxi Usobiaga : éleveur de champions ?
Avec de nombreux titres à son palmarès et une bonne brochette de 9a/9a+ en falaise, Patxi Usobiaga aurait pu tranquillement raccrocher les chaussons en fin de carrière et se la couler douce au Pays Basque. Mais il a choisi une toute autre forme de reconversion : entraîneur ! Parmi ses petits protégés, Adam Ondra, qu’il a mené cette année vers un doublé historique : Champion du Monde de bloc et Champion du Monde de difficulté. Entretien.
Coacher quelqu’un comme Adam, c’est un vrai challenge, il est déjà tellement fort ! Sur quels aspects as-tu joué pour le faire encore progresser ?
Adam est vraiment un grimpeur très talentueux, c’est indéniable. Il est à la fois fort et technique, avec un style d’escalade super efficace, très dynamique. En résumé, on pourrait dire qu’il est le grimpeur parfait. Malgré tout, il y a toujours des pistes pour progresser et dans son cas, après avoir développé tous ses talents naturels, il était clair que s’il voulait continuer à avancer, il était temps de changer d’approche. Nous avons commencé à discuter à analyser tous les aspects de son escalade, ses forces et ses faiblesses. Il suivait déjà un plan d’entraînement, qui était très intense mais pas optimal. Nous avons modifié pas mal de choses, des points de détail dans la périodisation ; nous avons aussi inclus de nouveaux exercices et commencé à voir comment il intégrait tout ça. À partir de là, on a pu construire son entraînement et se concentrer sur les résultats.
Qu’est-ce qui a changé ?
C’est vrai qu’Adam a développé beaucoup de force et surtout de résistance ces derniers temps, et en raison de cela, son style s’est légèrement modifié. On était habitué à le voir avancer comme un fou dans les voies parce qu’il avait la sensation d’être très vite pété. Maintenant, il grimpe toujours vite, mais ce n’est pas aussi exagéré qu’avant. Ça a été un des objectifs que nous nous étions fixés. L’autre objectif était d’élaborer une planification dans laquelle il pourrait avoir un méga pic de forme, être à 200% juste le jour J, par exemple le jour de la finale des Championnats du Monde. Et cela passait par une périodisation précise.
Comment se passe le coaching à distance ?
Avec Adam, comme avec les autres grimpeurs que j’entraîne, j’aime avoir des retours au moins une fois par semaine durant la période de préparation. Mais dès que les compétitions ont débuté, nous nous sommes parlé presque tous les jours. J’avais vraiment besoin de savoir comment il se sentait, afin de décider si nous avions des réajustements à faire ou m’assurer qu’il était bien sur les rails. J’aime bien ce système de coaching à distance, on apprend beaucoup l’un de l’autre. Avec Adam, l’objectif était de l’amener à son meilleur état de forme le jour des Championnats du Monde. Avec d’autres grimpeurs, l’objectif peut être tout simplement de progresser et de repousser leurs limites. J’ai envie qu’ils soient autonomes et qu’ils apprennent eux-mêmes à gérer leur entraînement, qu’ils fassent leur propre soupe.
Quelle place as-tu laissé à la falaise dans l’entraînement d’Adam ?
Nous avons commencé en février et nous nous sommes fixés un premier objectif : une grosse semaine de falaise au Pays basque, dédiée au à-vue. C’était un premier test pour voir comment marchait l’entraînement. Il avait 3 mois de préparation dans les bras quand il est arrivé à Bilbao et il a enchaîné tout ce qui lui est tombé sous la main, y compris des 9a à vue. Je me suis dit qu’il était prêt. L’entraînement fonctionnait, il se sentait bien. C’est vrai que cette année, il n’a pas beaucoup grimpé sur le rocher, mais il faut prendre en compte le fait qu’il vient de commencer ses études et qu’il a décidé de consacrer cette année à la compétition. À part cette semaine de falaise, les seuls moments où il a pu grimper sur le rocher ont été juste avant ou juste après une compétition. Je suppose qu’après la fin de la Coupe du Monde, il voudra sans doute voyager un peu et je pense qu’il n’a pas fini de nous surprendre avec quelques nouveaux projets hard-core.
L’entraînement d’Adam est-il plus basé sur la qualité ou sur la quantité ?
C’est un compromis entre les deux. Adam est un professionnel, très impliqué dans sa préparation, ce qui signifie qu’il peut s’entraîner jusqu’à 4 heures par jour, avec généralement deux séances à la clef, et cela 4 à 5 fois par semaine. Les week-ends sont toujours open, dédiés à l’escalade dehors. Il y a actuellement une tendance très marquée vers l’entraînement qualitatif, par opposition à l’entraînement old-school, basé sur la quantité. Je dois dire que je ne suis pas tout à fait d’accord parce qu’il y a différents moments dans un calendrier. Par exemple, au début de la préparation, le volume est super important pour avoir de bonnes bases, une bonne résistance musculaire afin d’encaisser tout ce qui va suivre. C’est une règle fondamentale de l’entraînement, sans quoi le surentraînement et les blessures risquent de survenir. La capacité d’entraînement, c’est d’ailleurs une des premières choses que je teste quand je commence à coacher quelqu’un.