Quel héritage en escalade après les Jeux de Paris 2024 ?

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Le décor est planté. Le mur qui va accueillir les épreuves d’escalade des Jeux de Paris 2024 a fière allure au Bourget. Une question demeure toutefois. Quel héritage en escalade vont laisser ces Jeux ? Quel impact pour le territoire en termes de murs d’escalade et de possibilités d’accueil pour les jeunes ? La Fabrique verticale est partie à la rencontre de ceux qui oeuvrent en coulisses, au-delà de la seule dimension sportive. Rencontre.

À quelques semaines des Jeux, les avis sur l’événement divergent. D’un côté, les enthousiastes ! Ils soulignent la beauté des installations que l’on doit au fabricant français EP Climbing, ainsi que les réelles chances de médailles françaises, avec comme fer de lance la grimpeuse réunionnaise Oriane Bertone. De l’autre, les sceptiques ! Ils relèvent une certaine baisse de l’engouement du public et s’interrogent sur la face cachée des Jeux et le nettoyage social en cours… Mais alors quel héritage en escalade ? De quoi peut-on rêver ? Faut-il rêver ?

Sans prendre partie pour l’une ou l’autre tendance, on peut toutefois s’interroger sur les retombées escomptées pour la Fédération. Tout d’abord, bien sûr, sur le plan des résultats sportifs et des médailles. Mais aussi ensuite sur celui du nombre de nouveaux licenciés que vont générer les Jeux et la forte exposition de l’escalade. Enfin, au-delà de ce décompte, quels bénéfices tangibles et intangibles peut-on attendre des Jeux pour l’escalade et pour les territoires hôtes ? Quel impact à l’échelon local ?

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Les installations des compétitions au Bourget, récemment dévoilées, ne feront pas partie de l’héritage laissé par les Jeux en escalade © Jan Virt/IFSC

La parole aux cadres de la Fédération

Ce sont ces questions que nous avons posées à Damien You, Directeur haute performance et programmes olympiques à la FFME, et à Pierre-Henri Paillasson, Directeur technique national. Un grand merci à eux pour leur disponibilité et les réponses à nos interrogations concernant notamment les notions d’inclusion, de développement social par le sport et d’infrastructures à l’issue des Jeux. Ceci est le 3e volet de notre série consacrée aux Jeux après l’impact pour les salles d’escalade et pour les fabricants.

Héritage en escalade : les retombées pour la Fédération

Une chose est sûre. Plus les Français brilleront aux Jeux, meilleures seront les retombées pour la FFME. Pas besoin d’être grand clerc pour arriver à ce constat. Au-delà de la dimension sportive, les Jeux sont clairement très politiques pour les cadres en place. Nous n’avons donc pas été très surpris des réponses que nous ont apportées le DTN sur les chances de médailles françaises et les retombées potentielles du point de vue du nombre de licenciés.

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Le 30 mai ont été publiées les 1eres photos du mur des Jeux olympiques © Jan Virt/IFSC.

Fort logiquement Pierre-Henri Paillasson ne se mouille pas trop 😉 “Nous ne savons pas exactement à quoi s’attendre. Car l’effet JO après Tokyo a été perturbé par un nouvel épisode COVID, au moment de la prise de licence fin septembre. Mais notre nombre de licenciés a tout de même augmenté depuis Tokyo. Plus que lors des autres Olympiades. Il y aura donc certainement un effet JO sur le nombre de licenciés, surtout si les Français brillent en escalade”.

Quant aux résultats sportifs, Damien You, directeur des Équipes de France, les envisage ainsi. “Je ne ferai pas de pronostics. Car je n’ai pas de boule de cristal. Et ça met une pression supplémentaire aux sportifs dont ils n’ont pas besoin. On sait aussi qu’aux Jeux, il y a des surprises dans les deux sens. C’est à nous et aux grimpeurs d’aligner les curseurs pour que chacun puisse exprimer tout son potentiel le jour J. Les médailles seront la conséquence de tout le travail effectué avec constance chaque jour depuis plusieurs saisons, dans plusieurs domaines”. CQCD.

Les capacités d’accueil dans les clubs

L’engouement pour l’escalade en France est fort. Un constat facile à faire. Par exemple si l’on observe la vitesse à laquelle les places pour les JO se sont vendues. Ou encore l’exposition médiatique dont jouissent les athlètes français en ce moment. Nul doute que ce sera un appui fabuleux pour ceux qui seront qualifiés et qui défendront leurs chances à la maison. Pour l’heure, seuls Bassa Mawen et Oriane Bertone sont sûrs de participer.

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Mais lors de la 1ere épreuve des Series de qualification Olympique (OQS) à Shanghaï, Paul Jenft (4e), Sam Avezou et Zelia Avezou (8e) ont pris une belle option. Affaire à suivre, donc, à Budapest, du 20 au 23 juin, pour le cumul des deux épreuves. C’est la dernière chance de décrocher son ticket pour venir ensuite concourir à Paris et faire briller les yeux des gamins.

Après, s’il est à peu près certain que le nombre de pratiquants, déjà en plein essor du fait de l’augmentation des salles privées, va augmenter encore après les Jeux, surtout si les Français sont performants, on peut s’interroger sur la capacité qu’auront ensuite les clubs à accueillir de nouveaux licenciés au niveau fédéral. C’est tout l’enjeu. La question de l’héritage en escalade des Jeux se pose d’abord à ce niveau-là.

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“On a encore besoin de structures d’escalade de qualité qui proposent un terrain de jeu adapté”, reconnaît Damien You. Et d’ajouter : “Même si certaines comme à Valence (avec le club Mineral Spirit) ou à Troyes (avec le club Devers Troyes) sont très bien pour l’accueil de tous les publics, du débutant au très haut niveau. J’espère que ça permettra de s’orienter massivement sur ces modèles avec un encadrement compétent.” On l’espère, en effet.

Des murs pour tous ?

Beaucoup de jeunes vont rêver devant les images d’escalade aux Jeux. Et vont dans le sillage de l’événement avoir envie de démarrer l’activité. Tous n’auront pas forcément le potentiel pour parvenir un jour à haut-niveau. Pour autant, la découverte d’une activité physique comme l’escalade, vectrice de valeurs et de bienfaits pour la santé n’est pas à négliger. C’est d’ailleurs une dimension que les acteurs du milieu n’oublient pas. Ni les instances politiques, en déclarant grande cause nationale la prévention en santé publique par l’activité physique.

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L’escalade est un sport tendance, convivial et bon pour pour la santé (c) Climb Up

Encore faut-il se donner les moyens de cette politique ambitieuse et encourager le sport à tous les niveaux en offrant aux publics visés des infrastructures adaptées. Si l’escalade n’est plus réservée à une élite, le maillage des murs en France à l’échelon des collectivités locales doit pouvoir permettre une telle démocratisation du sport. Or trop de territoires sont encore laissés sur le bord de la route. Outre le manque de SAE, le manque d’encadrants dans les clubs est aussi un frein au développement de nouveaux adhérents pour la Fédération.

C’est d’ailleurs une problématique prise très au sérieux par le DTN Pierre-Henri Paillasson. “Le travail principal avec les clubs, en ce qui concerne l’accueil de nouveaux adhérents, est en place depuis de nombreuses années. Il s’agit du plan national de structure artificielle d’escalade (PNSAE). C’est un programme d’aide aux clubs et aux collectivités pour la construction de nouveaux murs d’escalade.

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Le récent mur de Briançon, qui accueille le Mondial de l’escalade, a une face très dévers mais aussi des profils plus verticaux, accessibles à tous

Le maillage des murs en France vs la falaise

“Ce plan a permis à la Fédération de passer de 40 000 adhérents à 120 000 en 25 ans, rapporte Pierre Henri Paillasson. Ce programme « un club, un mur » est le socle du développement de la FFME. Il s’accompagne de différentes mesures pour suivre la structuration de ces nouveaux clubs”. Sur le papier, c’est beau. Dans la pratique, il y a encore sans doute des efforts à faire. C’est en tout cas un peu le sentiment qu’on a à La Fabrique verticale, pour vivre dans une région encore peu dotée en SAE. La Corse est clairement un parent pauvre.

De plus, cette politique a aussi fait dire aux détracteurs de la Fédération que beaucoup d’argent a été mis dans le développement des murs et de l’Olympisme au détriment de l’entretien des sites naturels. Ceci est peut-être un débat qui déborde le cadre de cet article. Mais dont la portée n’échappe pas aux cadres de la Fédération.

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Escalade dans la voie Ying Yang à Presles, rééquipée lors d’un stage Héritage ouvreurs de la FFCAM (c) Simon Destombes

Ainsi, comme le souligne le DTN, “il faut nous attendre à une augmentation importante du nombre de grimpeurs dans les années à venir. Un certain pourcentage de ces néo pratiquants va aussi s’orienter vers la pratique en extérieur. [Donc] la FFME se met actuellement en ordre de marche pour gérer ce nouveau challenge. Il nous faut accompagner ce mouvement vers l’outdoor, en terme de sécurité des sites de pratique et de protection de l’environnement.”

L’héritage en escalade pour les territoires hôtes

Les Jeux Olympiques vont donc être un accélérateur du développement de l’escalade. Peut-être en extérieur. Plus probablement indoor, dans un 1er temps. “Les Jeux sont une opportunité pour orienter des choix d’investissement que certains décideurs ont saisie pour permettre la construction de nouvelles SAE”, explique d’ailleurs Damien You.

Si on peut raisonnablement penser que cette édition des JO va insuffler une dynamique au niveau des collectivités pour se doter de structures à même d’accueillir de nouveaux pratiquants, quid de l’héritage immédiat pour les territoires hôtes en Île de France ? En fait, le site du Bourget qui accueille l’escalade pour les Jeux ne va garder que les murs d’échauffement, qui ont été montés dans un gymnase proche du lieu de la compétition. C’est déjà ça ! C’est déjà une forme d’héritage en escalade.

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Les murs d’échauffement situés au Gymnase Marie Paradis au Bourget © Jan Virt/IFSC.

“Cet héritage, une SAE de niveau international en bloc et régional en difficulté et vitesse, va permettre à la Fédération d’installer un club sur ce site, s’enorgueillit le DTN. Actuellement la FFME bénéficie d’un plan de développement de l’Agence nationale du sport Impact 2024. Ce qui va permettre de rendre opérationnel ce club, en formant ses dirigeants ainsi que ses encadrants”.

Les murs d’échauffement resteront à demeure

Mais à l’exception de ces murs d’échauffement réalisés par la société Pyramide, les autres magnifiques installations ne seront donc qu’éphémères. “Le mur de la compétition a été loué, explique Pierre Henri Paillasson. Donc il ne restera pas comme héritage à un club de la Fédération. En revanche il me semble qu’un des effets des jeux, sera aussi une augmentation du nombre des collectivités qui voudront construire des équipements d’escalade”.

SAE

On l’espère, en effet. “Certaines ont déjà compris l’intérêt de cet équipement. Et ils ne regrettent pas leur investissement. Car un mur d’escalade de niveau national ou international, génère à chaque fois un des plus gros clubs de la commune. Car s’il est bien géré, il s’auto finance et est générateur d’emploi”. Bref, c’est un investissement rentable.

Héritage en escalade : qui finance les murs ?

Puisqu’il est question d’argent, une des questions qui s’est logiquement posée à la fin de l’entretien a été celle des financements. Car qui paie les travaux pour les structures mises à disposition des athlètes lors des Jeux ? Et quel budget cela représente-t-il ? Tout d’abord il faut dire que des travaux ont été réalisés sur les structures utilisées par les pôles France et certains pôles espoirs pour construire ou améliorer des structures et outils d’entrainement.

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Le Pôle de Voiron, un lieu pour accueillir des stages de préparation (c) Christophe Angot

Ces investissements en amont des Jeux de Paris 2024 ont été faits dans la logique de donner aux athlètes français les moyens de leurs ambitions. On a quand même souvent vu des Français préférer aller s’entrainer à Innsbruck et déploré cet état de fait, pour ne pas se réjouir des efforts menés. “Sur la partie haute performance qui concerne les athlètes de l’Équipe de France, l’Agence Nationale du Sport est le financeur numéro 1. Avec l’appui ponctuel de collectivités”, précise Damien You.

“Ces travaux seront ou sont déjà au bénéfice de l’ensemble des Équipes de France. Ensuite ce qui est purement sur les JO, c’est le comité d’organisation des JO (le COJO) qui finance avec ses partenaires”. Quant au prix qu’auront coûté les murs, nous restons sur notre faim… Pas de réponse claire. Comme toujours, quand on parle argent 😉

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