Scarpa Instinct S : Le test de La Fabrique Verticale
Le chausson Instinct S est le dernier né de la famille des Instinct chez Scarpa. C’est une ballerine « pure » dans le sens où elle ne dispose pas de système de fermeture comme les Instinct (lacets) ou VS et VSR (velcro). En ce sens elle semble assez proche de la SR. Mais s’en distingue toutefois sur plusieurs points comme nous allons le voir. C’est donc bien un nouveau modèle à part entière que La Fabrique Verticale a testé pour vous.
Scarpa Instinct S : Conception
Scarpa instinct S : Quel programme ?
Les Instinct S constituent de par leur concept un modèle qui vise à introduire une nuance supplémentaire dans la gamme Instinct. Clairement, le choix de Scarpa dans cette famille est de proposer des modèles aux comportements finalement assez proches les uns des autres… mais différents. Afin de coller au mieux aux styles des grimpeurs qui affectionnent la marque.
En l’occurrence, l’idée a été de créer une ballerine privilégiant les sensations de toucher. Son ADN est bien sûr la performance, la haute difficulté. Et ses terrains privilégiés sont les blocs ou des voies dans lesquels souplesse et adhérence sont requis en premier lieu.
Scarpa Instinct S : Quelle forme ?
Les Instincts présentent donc une silhouette relativement peu cambrée (bien moins par exemple que les Boostic). De même, l’asymétrie est assez légère, bien que présente. Ils sont coupés à partir de la forme « FJ » de Scarpa (cf. Pro Tip en fin de test). C’est-à-dire qu’ils sont plutôt larges sur le tiers avant du chausson, et étroits au niveau du talon.
En ce qui concerne les volumes, on remarque immédiatement que, au niveau de la pointe, l’angle est assez fermé entre semelle et tige.
Ce choix est bien sûr assumé : en situation de grimpe, l’articulation du pouce vient repousser cette partie. La surpression ainsi obtenue est censée augmenter alors la puissance de l’appui.
La tige : matériaux et design
La tige est conçue en microfibre. Recouverte à 90 % de gomme, chausson fini, elle n’est certes pas très visible de l’extérieur. Mais procure une sensation plutôt douce au contact avec le pied.
La partie basse de la tige, de couleur claire, présente une particularité. Le dessous de pied est constitué classiquement de deux nappes courant sur la longueur du pied, assemblées par une couture longitudinale. Mais la liaison avec la partie supérieure de la tige est décalée, côté pouce et côté orteils, vers le haut, afin de supprimer toute gêne ou sensation parasite lors des appuis.
On retrouve ce concept de couture décalée sur la plupart des modèles haut de gamme. Ce qu’introduit ici Scarpa, c’est la dissociation du pouce et des orteils. La partie haute, noire, assure une partie de la compression du pied.
Intercalaire
Les Instincts S disposent d’un intercalaire, en Flexan. Son épaisseur est de 1 mm. Il ne prend pas la longueur totale du pied. Mais plutôt ¾ de la longueur.
Système de tension
On trouve sur ces Instinct S un nouveau système de tension du pied, baptisé CTS-system par Scarpa.
Il se distingue des solutions DTS-Tension ou Bi-Tension, qu’on trouve par exemple sur les Boostic ou Instinct VSR. Et qui ont la forme, grosso modo, d’un fer à cheval plus ou moins large au niveau de l’avant pied. Puis qui remonte vers l’arrière par les côtés du pied.
Pour le CTS-System, la gomme utilisée est la M50, caractérisée par ses qualités élastiques.
Il s’agit donc d’une pièce de gomme à la forme assez complexe. Elle part du gros orteil, passe en s’élargissant par le dessous du pied, s’enroule sur le talon et revient vers l’ avant par l’extérieur. Sa fonction, comme on peut s’y attendre est de reporter les lignes de tension du chausson vers le pouce, particulièrement sollicité lorsqu’il s’agit d’appuyer sur des petites prises.
La semelle
Pour la semelle, la gomme Vibram XS Grip 2. C’est une demi-semelle, choix conforme avec les caractéristiques de souplesse recherchées.
Le talon et la contrepointe
À noter que l’insert utilisé pour former le patch du talon est aussi de la XS grip 2. Ceci afin de maximiser les qualités d’adhérence sur cette partie-là du chausson, aussi. Pour la contrepointe, on a aussi utilisé la M50. Elle est perforée ce qui favorise sa déformation et rend les sensations plus fines.
La nappe de gomme recouvre l’intégralité de l’avant-pied et offre ainsi une surface utile maximale. De façon assez originale, la gomme de contrepointe vient, au niveau de la carre interne et du pouce, se glisser sous la gomme du système de tension. Cela confère un look sympa au chausson. À voir cependant si, dans le temps, les zipettes de contrepointe ne risquent pas de faire se décoller la partie supérieure du pouce.
Le test
Pour ce test, j’ai utilisé les Instinct S en falaise sur des profils peu raides, verticaux et légèrement déversant. Je les ai aussi mis sur le pan, afin de goûter aussi un peu de plastique.
Premiers contacts avec les Instinct
Sur le plan esthétique, on retrouve les codes de la gamme Instinct. Ici, c’est le bleu qui a été défini comme couleur complémentaire du noir. Puis, toujours présents les petits détails comme sur l’anneau de chaussage de dessus de pied.
On retrouve le large élastique pour faciliter l’enfilage des chaussons. Les concepteurs ont imprimé sur celui-ci plusieurs bandes de PU, disposées en chevrons. Leur vocation n’est pas seulement cosmétique. Car elles doivent renforcer l’action de compression de l’élastique, et l’aider à conserver sa forme dans le temps.
Le chaussage
Pour le test, j’ai demandé une paire en taille 39,5 (6 UK). Sachant que ma taille en chaussures de ville est de 41,5. Cela correspond à ce que j’avais pu prendre précédemment lors de tests de modèles Scarpa.
Pourtant, je dois dire que lors des premiers essais, j’ai douté fortement du bienfondé de mon choix !! Impossible de rentrer dans les chaussons sans avoir préalablement enrobé les pieds dans un sac plastique !
En avant donc 2 ou 3 séances de « mise en forme », moulé dans le canapé !! Ce qui m’a étonné alors, c’est que, en dépit d’une très forte difficulté à entrer dans les chaussons, puis de la forte pression sur le pied, les sensations désagréables diminuaient très vite, et pas seulement en raison du reflux sanguin !
Ainsi, même lors des toutes premières séances d’escalade, quoique devant toujours utiliser le plastique pour les rentrer, j’ai grimpé sans ressentir de douleurs ou sensations déplaisantes. C’est à l’issue de 2-3 séances que je n’ai plus eu besoin du plastique pour enfiler les chaussons.
Les Scarpa Instinct S à l’usage
En passant ce nouveau modèle pour moi, force m’a été de constater que le pied se plaçait d’emblée très naturellement dans le chausson. Et surtout que je ne ressentais aucun point de pression ponctuel, facteur rédhibitoire pour moi.
La tension est plutôt forte, et le système CTS remplit bien son office en la distribuant vers le pouce. Aussi, les sensations de précision sont-elles immédiatement au rendez-vous, dès les premiers pas.
Mes sensations lorsque j’utilise un modèle pour la première fois sont en général assez fiables et ne se démentent que rarement par la suite. Avec ces Instinct S, c’est l’adjectif « moelleux » qui m’est venu immédiatement en tête. Et je ne le renie toujours pas.
Par rapport au Boostic ou à l’instinct VSR, les appuis sur les petites réglettes sont moins « crispy». C’est-à-dire un peu moins directs, ou radicaux. Il faudrait pour cela que la partie antérieure de la « toe box » dispose d’un peu plus de tenue, car le pouce a justement tendance à pousser la tige en avant de la gomme dès que la surface d’appui devient minimale.
Ce comportement n’est cependant pas anormal, si on se souvient du programme de cette ballerine. On sait bien que c’est impossible pour un modèle de répondre à toutes les exigences. Et le Instinct S n’a pas pour priorité d’être un spécialiste des micro-réglettes. Ce qui est très appréciable par ailleurs avec ce modèle, c’est sa souplesse, graduelle et bien répartie depuis l’avant du pied jusqu’à la zone du talon par l’intercalaire.
Le positionnement du pied, talon bas, se fait ainsi naturellement sur les bosses. Et la grande souplesse postérieure, permet d’orienter la zone d’appui facilement. Ainsi, l’utilisation sur les gros volumes arrondis, sur les pyramides s’en trouve facilitée.
Bien sûr, la gomme, qui a fait ses preuves, apporte une adhérence irréprochable.
Pas de surprises non plus côté talon qui assure parfaitement son rôle. Tout au plus me suis-je demandé quelle serait la durée dans le temps de la fixation postérieure du patch. Bien que remontant très haut sur l’arrière du pied, il conserve la même épaisseur, ce qui peut créer un point d’accroche chez ceux qui engageraient beaucoup le talon, source de décollement potentiel. À voir donc dans le temps et à l’usage. Quant à la contrepointe, et même si je ne suis pas un foudre de guerre sur ce type d’appuis, j’ai pu apprécier la grande surface d’appui. Qui laisse la place à une grande diversité de positionnements.
Pour conclure
À l’issue de ce test, la conclusion qui s’impose est que le Scarpa Instinct est une réussite. Ce chausson est très souple, mais grâce à la présence de son intercalaire, il pourra sans doute convenir même à des grimpeurs relativement lourds.
Il ne faut pas oublier que c’est une ballerine. Et par conséquent, elle ne peut être ultra-performante dans tous les registres de l’escalade. En l’occurrence, elle trouve sa limite là où les chaussons plus raides excellent, à savoir les appuis sur réglettes ou grattons les plus petits. Mais par ailleurs, que ce soit sur les gros volumes ou le rocher modelé, en adhérence sur les dalles ou en griffé dans les dévers, les sensations apportés par ce modèle sont très bonnes. C’est donc un bon compromis qui a été atteint ici entre confort et efficacité.
Pour ces raisons, le Instinct S devrait rapidement s’imposer comme un des modèles phares de la marque. Car sous des faux airs de simplicité, ce chausson répond à la plupart des exigences de l’escalade moderne, tant sur mur qu’en falaise.
Pro tip : identifier les formes sur lesquelles sont fait les chaussons scarpa
Scarpa comme tous les bons chausseurs, fabrique chaque gamme ou famille de chaussons sur un gabarit qui lui est propre.
Les gabarits disposent donc naturellement de noms de code que l’on peut distinguer (en faisant un petit effort !) sur l’étiquette collée à l’intérieur des chaussons.
- « FV » est la forme adoptée pour les Instinct, Instinct S, VS et VSR
- La forme « FJW » correspond au Instinct wmn, Instinct VS wmn (avant pied fin, talon volumineux).
- Le code « FJ » caractérise les Instinct SR et S (même largeur d’avant pied que forme FV mais talon moins volumineux).