Cannabis et escalade : les effets sur la performance
Un récent sondage a été mené auprès de la communauté des grimpeurs aux Etats-Unis, afin de rendre compte de la perception des effets – réels ou supposés – du cannabis sur la performance en escalade et plus généralement lors de son utilisation dans la pratique. Petit état des lieux.
Aux États-Unis, sentir des odeurs de cannabis sur les spots de bloc ou au pied des falaises n’a rien de vraiment surprenant. Et même si tous les grimpeurs ne fument pas, la question sous-jacente est de savoir quel est l’impact réel du cannabis sur la performance.
Que disent les scientifiques ?
Dans la perception générale des grimpeurs, il semblerait que le cannabis ne soit pas assimilé à une substance pouvant améliorer la performance. Ce constat a priori confirme les résultats d’une étude menée en 2003 par le Laboratoire de Toxicologie du département de Sciences Pharmaceutiques de l’Université de Sao Paulo, au Brésil :
En raison de son action ergolytique, l’utilisation de cannabis comme produit dopant sera contre-productive. Le cannabis a des effets immédiats au niveau de la fréquence cardiaque et de la pression sanguine des artères. Le cœur peut même battre deux fois plus vite que la normale. Il se produit aussi une chute de la pression artérielle en posture debout, ce qui peut causer une perte de connaissance. L’utilisation du cannabis et de ses dérivés dans les sports extrêmes peut être réellement dangereuse. Surtout dans la mesure où la perception visuelle, la vigilance et les réflexes sont également modifiés.”
L’Agence anti-dopage canadienne mentionne également les effets dangereux de cette substance, reprenant des résultats mentionnés dans une revue de littérature datant de 2011 :
Le cannabis altère la perception du risque. Et peut potentiellement conduire à des prises de décision mettant en danger la santé du sportif ou de son entourage. Avec une influence négative sur la coordination et le temps de réalisation des mouvements, le cannabis annihile les habilités techniques. Il augmente la probabilité de blessures ou d’accidents, notamment dans les activités nécessitant des manips ou celles où la notion de vitesse est importante.”
Cette étude datant de 2011 fait aussi état des effets relaxants de cette substance qui peuvent permettre à certains athlètes de réduire leur anxiété et d’ainsi mieux gérer la pression. En outre, la consommation de cannabis augmente le temps de sommeil et la récupération, ce qui peut aussi améliorer les performances lorsqu’un athlète doit multiplier les compétitions sur de courtes périodes. Le cannabis est d’ailleurs classé parmi les substances dopantes dans la mesure où il détend l’esprit et améliore la récupération.
Mais l’escalade étant un des rares sports où une erreur d’appréciation lors d’une manip de corde ou à l’assurage peut conduire à la mort, il va de soi que l’utilisation du cannabis n’est guère envisageable lors de sa pratique. Par ailleurs, d’un point de vue éthique, une performance réalisée sous son emprise, dans une voie ou un high ball nécessitant prise de risque, gestion du stress et engagement, reste pour le moins discutable…
Le sondage mené auprès des grimpeurs américains
1462 grimpeurs ont répondu au sondage “Cannabis et escalade”, mené en juin dernier. Le magazine américain Climbing en a publié quelques extraits édifiants. 72% des grimpeurs interrogés pratiquaient depuis moins de 8 ans. 75% grimpaient ou s’entraînaient 2 à 4 fois par semaine. Parmi eux, 65% ne grimpaient jamais après avoir consommé du cannabis, ce qui est plutôt rassurant. Mais 37% n’étaient pas dérangés par la présence de fumeurs à la falaise. Plus troublant, 46% se sentaient à l’aise assurés par quelqu’un qui avait consommé du cannabis, si celui-ci était un grimpeur de confiance, sachant en temps normal assurer. Et 6% ne prêtaient pas attention au fait de savoir si leur assureur avait consommé du cannabis ou non…
Une minorité de grimpeurs interrogés ont reconnu fumer eux-mêmes au cours de leur pratique de l’escalade. Parmi les bénéfices attribués à cette consommation, on retrouve les facteurs mis en évidence par l’agence de lutte contre le dopage. Par exemple une réduction de la douleur, une baisse de l’anxiété et une meilleure récupération. Mais paradoxalement, on trouve également des facteurs pour lesquels la recherche scientifique a montré que le cannabis avait un impact négatif. Comme la motivation, la coordination et la concentration.
Effets positifs ou délétères ?
Ces quelques témoignages de grimpeurs sont assez instructifs. Et mettent bien en évidence le caractère dopant de leur conduite. “Je peux mieux déconnecter mon esprit. Et ça me permet de m’entraîner plus dur”. “Ça me rend plus créatif dans la recherche des méthodes. J’essaie les choses sans expectative. Quand j’ai fumé, les prises me semblent plus grosses. Ou moins douloureuses pour la peau”. “L’escalade est essentiellement un sport mental. Mes voies les plus dures, je les ai enchaînées quelques minutes après avoir fumé”. “Généralement je ne grimpe pas après avoir fumé. Mais j’aime bien fumer quand je m’entraîne, notamment en muscu ou pour le travail du gainage. Je trouve que je parviens à faire plus de répétitions.”
Ces autres témoignages, toujours issus du sondage, font eux état d’effets délétères. “Cela réduit ma détermination”. “J’ai tiré trop fort et je me suis blessé”. “J’étais tellement fasciné par les prises que je trouvais trop belles que j’ai complètement oublié de grimper”. “Fumer me rend benêt. Je n’arrive plus à décrypter une séquence même basique”. “Le cannabis influe sur ma lucidité. Je n’ai plus une vision claire des choses quand je grimpe”. À noter qu’assez curieusement, aucun des grimpeurs interrogés n’évoque les effets du cannabis sur le comportement alimentaire. Pourtant l’accroissement de la sensation d’appétit, peu compatible avec la gestion du poids, est une préoccupation assez courante dans le milieu de l’escalade…
Considérations éthiques
Le dopage sportif a été défini ainsi en 1963 lors d’un Colloque Européen sur le dopage: “Est considéré comme dopage l’utilisation de substances et de tous moyens destinés à augmenter artificiellement le rendement en vue ou à l’occasion de la compétition, ce qui peut porter préjudice à l’éthique sportive et à l’intégrité physique et psychique de l’athlète”.
Le cannabis, ou marijuana, figurent sur la liste des produits prohibés du Comité International Olympique depuis le 28 avril 1998. L’Agence Mondiale Anti-Dopage (WADA) inclut elle le cannabis dans sa liste de produits interdits depuis 2004. Toutefois, les cannabinoïdes ne sont interdis que lors des compétitions. Et les tests de dépistage ne peuvent se faire qu’à ce moment-là.
“Si le cannabis influe sur les performances, devrait-il selon vous être classé parmi les substances dopantes, comme c’est le cas aujourd’hui ?” À cette question un tantinet provocante, 90% des grimpeurs interrogés ont répondu non. Notamment dans le cadre d’une pratique non-institutionnelle, en salle ou en falaise. Seuls 10% ont jugé qu’en effet, son influence était patente sur la performance. Et qu’il devait être proscrit aussi bien en extérieur qu’en compétition. Et ce pour des raisons éthiques, au même titre que les corticoïdes, l’EPO ou la testostérone.
Quel article ridicule… La photo de la fille qui grimpe sur le poteau électrique ressemble à un classique argumentaire anti drogue, on ne sait pas d’ou sort la photo et la légende est tellement risible!!
Le cannabis substance dopante!!! le jour où la fatigue vous aidera a perfer, on s’appelle!
Cher Tonio
je pense que le cannabis peut-être une substance dopantes pour certaines personnes
pour la plupart des gens En effet ça a un effet relaxant mais certaines personnes très nerveuse ont besoin du cannabis pour se calmer…
@tony, pas besoin d’accabler les gens… et surtout quand on est pas en accord avec leur avis !
Je trouve aussi que la photo de la « grimpeuse tchèque » prête à rire. Pourtant, l’ensemble de l’article (comme toujours bien écrit) soulève des points importants comme l’action sur le sommeil et la récupération, ou encore le manque de concentration sur la sécurité.
La drogue n’est bizarrement pas une affaire de globalité. Je connais des personnes avec qui je grimpe qui sont bien plus sérieuses et concentrée après un petit pétard. Tout dépends de « qui » et de « comment », car chacun réagit différemment face au cannabis.
Personnellement, je trouve que la MJ peut être une entrave au bon fonctionnement d’un binôme d’escalade, en jouant notamment sur la confiance de l’autre, et la gestion des effets psychotropes ! Après en terme de récupération et de détente, c’est une drogue que je pense bénéfique, qui diminue effectivement l’anxiété et approfondit le sommeil.
A chacun d’y trouver son compte ou non, mais si qui que ce soit à un doute sur la sécurité, alors il faut rester sage ^^