Comment sont conçues les prises d’escalade ? Réponse d’un shaper !

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Vous grimpez régulièrement en salle. Compressez les volumes. Serrez fort les réglettes. Bref vous aimez maltraiter la résine ! Et parfois elle vous maltraite 😉 Mais vous êtes vous déjà demandé comment naissaient les prises d’escalade que vous concassez allègrement ? Ou qui vous explosent les avant-bras ? Pour répondre à ces épineuses questions, La Fabrique verticale est partie à la rencontre d’un shaper, Christophe Picard !

Christophe Picard n’est pas un perdreau de l’année. Loin s’en faut. Ce ne sera pas lui faire injure que de dire ça. Car il grimpe et œuvre de longue date dans la prise d’escalade, avec bonheur. D’abord aux US, chez Voodoo climbing, où il a fait ses premières armes. Puis en France, pour une petite marque aujourd’hui disparue qui fournissait la salle ArtBloc à Nice. Il travaille désormais pour la société Volx, où il shape prises et volumes.

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Créée en 1996, la société Volx s’est imposée rapidement comme un des tous premiers fabricants de prises d’escalade français.

Du made in France innovant et ancré dans l’Histoire

À l’origine du nom Volx, il y a une célèbre falaise provençale, véritable laboratoire du geste, qui fut le berceau dans les années 90 d’un des tout premiers 8c+ de l’hexagone. Le Super plafond, plutôt bien baptisé si on en juge par son inclinaison, a en effet vu s’affronter les Ben Moon, Jibé Tribout, Patrick Edlinger… Et quoi de mieux que le nom de la grotte qui l’abrite, pour symboliser l’esprit d’une marque de prises d’escalade made in France !

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Pour la petite histoire, les grimpeurs de la jeune génération ne négligent pas leurs classiques, comme ici Seb Bouin

Depuis, dans le monde de l’escalade et dans celui de la prise, de l’eau a coulé sous les ponts, bien sûr. Certes, Volx est resté attachée à cette recherche du mouvement pur, esthétique, sauvage. Mais avec une attention toute particulière portée au design et à l’ergonomie de ses modèles. Et c’est sans doute la raison pour laquelle La Fabrique Verticale a eu envie de se rendre à Savigny, siège de la société, pour voir comment étaient shapées ces fameuses prises et volumes aux formes délirantes !

De l’idée à la préhension

C’est donc au cœur des Monts du Lyonnais, dans un doux paysage vallonné, que nous avons pu assister à l’élaboration d’une prise d’escalade. Et discuter avec Christophe de tout le processus créatif qui conduit aux préhensions que vous serrez ensuite comme des morts de faim ! De son passé de géologue, puis de tailleur de pierre, Christophe a conservé le goût de la belle forme, minérale et épurée, qu’il sculpte aujourd’hui dans la mousse.

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Goût qu’il cherche à faire perdurer dans ses créations, tout en inventant des shapes qui induisent de beaux mouvements et suscitent de la perplexité chez le grimpeur ou l’ouvreur. Bref des prises qui soient à la fois subtiles et esthétiques ! Dont il faut chercher l’angle optimal. Parmi les shapers qu’il admire, on trouve sans surprise Ian Powell de chez Kiltergrips, Rob Mulligan de Voodoo Climbing ou Chris Neal de Capital climbing.

Car au niveau prises, Christophe est resté très marqué par la culture américaine, avec un goût particulier pour ses formes gigantesques. No limits ! La mode des gros plats et des gros volumes, il l’a vu arriver des US, où l’apport du PU a révolutionné le marché, d’abord dans une logique de résistance à la casse. Puis dans une logique d’ergonomie, d’arrondissement et d’élargissement des préhensions. Du délire à l’état pur !

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Des formes esthétiques

Plus près de nous, parmi les shapers que Christophe admire, c’est l’ouvreur et shaper Manu Hassler, de la société suisse Flathold, qui lui vient immédiatement à l’esprit. Là encore pour l’esthétique des formes. Et bien sûr le surdoué français de la sculpture, Brice Anziutti, aujourd’hui patron de ArtLine après avoir passé quelques années chez Volx, justement ! La boucle est bouclée…

Mais parmi les principales sources d’inspiration de Christophe, il y a surtout Bleau, qu’il fréquente assidûment. Et plus généralement, n’importe quel “beau bout de caillou qui recèle une préhension originale ! C’est étonnant comme la forme inspire la préhension”, explique Christophe, qui “recherche le danger” quand il shape. C’est dire s’il pousse les courbes à leurs limites !

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“L’idée vient comme un flash”, en voyant une prise ou en repensant à un mouvement déroutant. Mais après, il faut la fixer, en la mettant sur le papier tout d’abord. Puis après maturation, en la sculptant dans de la mousse polyuréthane. On dégrossit la forme à la scie, puis avec une rape et enfin, avec des gouges pour creuser la préhension. Ou à l’aide d’une dremel pour créer de fines rainures. Une fois la prise achevée, on la lisse au papier de verre, d’abord grossier, puis de plus en plus fin. Et on prévoit l’emplacement de la vis. Dire qu’au départ il y avait juste une esquisse !

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De la mousse à la coulée

Une fois l’étape de la sculpture terminée, il y a en encore du travail. Avec tout d’abord toute la phase de moulage. Le silicone rentre en service ! Ce matériau permet d’élaborer un moule qui accueillera le mélange sable/résine/colorant et catalyseur. Mais une fois ce moule opérationnel, rien n’est fait ! Toutes les étapes de la fabrication nécessitent ensuite un certain savoir-faire.

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On entre dans l’univers de la chimie. Choix des bonnes résines, dosage sable/résine/catalyseur, la bonne recette est chasse gardée. La fabrication est rationalisée. Puis confiée aux artisans de chez Volx, bardés de gants et de masques, parfois même de tee-shirts Iron Maiden, comme Gilles, fan de hard rock ! Coulée, séchage, démoulage, ponçage et finitions, emballage, expédition… Il y a du taf. Le tout pour que vous puissiez vous défouler avec amour sur les prises !

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9 réponses

  1. Vinz dit :

    Et les doubles textures genre cheetah, flathold… c’est deux coulées de résine !? 🤔🤔

    • Olivier dit :

      Non, un surfaçage (sorte de vernis) est réalisé sur la forme de mousse PU qui est ensuite moulée : la partie non surfacée conserve alors le grain, la partie surfacée n’en n’a plus.

  2. Ugo dit :

    Quelle mousse utilisez vous creer des prises ?

    • Olivier dit :

      La mousse polyesther ou clark foam est à notre connaissance la plus fréquemment utilisée, en particulier pour la facilité avec laquelle on peut la travailler. Bon shapes 😉

  3. Couderc dit :

    Bonjour, au sujet de la. Mousse polyester, quelle densité, grain etc, faut-il prendre en compte ? Je n’arrive pas à trouvé la bonne mousse… Merci d’avance…

    • Olivier dit :

      Alors comme c’est la mousse qui fait le grain, les shapers en utilisent plusieurs (variables selon les shapers).
      Les mousses utilisées pour shaper les surfs (Clarkfoam) ou proches sont bien appréciées car elles se travaillent très bien.
      Il vous faudra sans doute faire différents essais (en demandant des échantillons auprès de vendeurs de mousse polyester) afin de déterminer laquelle produit le grain que vous préférez.

  4. Tristan dit :

    Bonjour, je commence tout juste à me renseigner sur la création de prises , on est basé dans le golf de Guinée et on ambitionne de créer entre autre, un mur d’escalade.
    J’espère pouvoir trouver le nécessaire ici pour créer nos prises en passant un minima par l’import (#empreintecarbone).

    C est le premier article que je feuillette avec intérêt et je vois qu’Olivier semble très réactif alors je me permet ma petite question de débutant.
    La résine utilisée est de quel type? Le catalyseur est le durcisseur de la resine ? Les températures nécessaires au séchage ne doivent pas être trop élevées j’imagine.

    • Olivier dit :

      Salut
      Alors la résine est le plus souvent du polyester : c’est celle qui attaque le moins les moules en silicone, tout en étant suffisamment « rigide ». Le sable est le plus fin possible : du sable servant dans les verreries va très bien. Mais du sable de plage, bien séché convient également (il ne faut pas oublier que de toute manière, le sable n’est qu’une charge : c’est bien le moule qui fait le grain, et donc la mousse utilisée au départ pour faire les formes.
      Oui le catalyseur est le durcisseur de la résine. Et pour ce qui est des températures de séchage, entre 15 et 20° ça joue bien. Je n’ai pas les valeurs exactes en tête, mais la polymérisation est d’autant plus rapide que la temp. est élevée : il faut donc qu’il ne fasse pas trp chaud, pour avoir le temps de couler la résine dans tous les moules.

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