Écoresponsabilité : l’industrie de l’Outdoor lave-t-elle plus vert ?
Pour quiconque a arpenté les allées du salon ISPO 2020, s’il y a une chose qui n’a pas pu passer inaperçue, c’est la posture environnementale adoptée par de plus en plus de marques. À vrai dire, le discours de l’ écoresponsabilité était martelé à chaque détour de stand. Alors, stratégie marketing ? Greenwashing ? Ou réelle prise de conscience écologique ? Chacun aura son avis sur la question !
À part vérifier l’état de santé économique des marques à l’aune de la taille et de la beauté des stands, ISPO est aussi l’occasion de fouler des kilomètres et des kilomètres de moquette soyeuse ! Plus sérieusement, c’est pour La Fabrique verticale une formidable source d’inspiration sur les nouveautés et les tendances. Et cette année, les maîtres-mot semblaient être environnement, écoresponsabilité et développement durable.
Certes, on ne peut que se féliciter de cette tendance et des initiatives qui en découlent. Même si cela semble s’apparenter un peu plus à du greenwashing qu’à une déclaration d’amour à la nature… Car l’engagement des marques dans cette démarche écologique est-elle vraiment spontanée ? Ou plus prosaïquement dictée par des préoccupations mercantiles ?
Vous avez dit greenwashing ?
Finalement ce tropisme éco-responsable ne dérive-t-il pas tout simplement du changement de comportement des consommateurs ? Et des exigences de plus en plus marquées qu’ils imposent en termes d’impact écologique et de durabilité des produits ? La question mérite d’être posée.
Des consommateurs mieux informés et de plus en plus exigeants
Ainsi, une récente étude menée en Europe centrale a montré que les habitudes de consommation des pratiquants de sports outdoor avaient fortement changé au cours des deux dernières années. En effet ces pratiquants au fort pouvoir d’achat font montre d’une volonté croissante de dépenser plus intelligemment leurs deniers. Et ils s’orientent de préférence sur des produits eco-friendly et durables.
C’est en tout cas particulièrement le cas des Allemands, qui sont prêts à investir entre 8 et 20 euros de plus sur un produit, à qualité et performances équivalente, si ce dernier peut se prévaloir d’une démarche éco-responsable. Il faut savoir qu’en moyenne, c’est autour de 600 à 650 euros qui sont investis annuellement par un pratiquant de sport outdoor européen pour son matériel. Et jusqu’à 1382 euros par an en Autriche !
Des initiatives louables
Pour autant, même si ce n’est qu’une goutte d’eau, et une goutte d’eau qui ruisselle de stratégies marketing, les initiatives des marques restent louables. En un mot, c’est toujours ça 😉 Ainsi l’élimination progressive des produits chimiques perfluorés et polyfluorés (PFC) appliqués aux produits imperméables fait partie de la stratégie de fabrication de plus en plus de marques : Black Diamond, Patagonia, Mammut…
L’économie circulaire et le réemploi de matériaux recyclés est aussi au cœur des préoccupations des fabricants. La Sportiva par exemple évolue vers des vêtements fabriqués totalement ou partiellement avec des matières et des rembourrages obtenus à partir de la réutilisation du polyester recyclé, issu de bouteilles en plastique en fin de vie. Chaque veste réalisée avec cette méthode utilise environ 35 bouteilles recyclées. Voilà qui contribue à la sauvegarde de la planète.
Des marques telles que Maloja ou Looking for wild ont adopté également des démarches intéressantes, en optant pour des circuits courts en terme de production. Et des matières qui privilégient le style et le confort, tout en respectant l’écologie. Autre point fort de la petite marque française, un programme d’éco-réparation, pour réparer un petit accro ou un bouton pression défectueux. Un peu dans la même mouvance que le programme Worn wear de Patagonia.
Sourcing et écoresponsabilité
Par ailleurs, Polartec (le leader des solutions textiles innovantes qui travaille avec les principaux fabricants du marché) a lancé cette année la technologie Power Air Ultra Léger. Une révolution en termes de durabilité ! Ce process permet d’encapsuler les fibres pour limiter les pertes au fil des lavages. Car la pollution des eaux avec les lavages fréquents de nos vêtements est énorme !
Son concurrent direct, l’américain Primaloft s’engage lui aussi dans une démarche éco-responsable, avec une technique de fabrication brevetée permettant de réduire de près de 48 % ses émissions carbone : P.U.R.E. (pour Produced Using Reduced Emissions, « Fabrication engendrant moins d’émissions »). Un process qu’on retrouve dans la gamme Patagonia.
Écoresponsabilité : vous en voulez encore ?
Plus original, Picture Organic Clothing a présenté sur le salon ISPO des produits bio-sourcés assez surprenants. Certes ce n’est pas une marque de grimpeurs à proprement parler. Mais sa démarche est intéressante. Ainsi la Demain Jkt et la Welcome Jkt sont des vestes imperméables dont les membranes sont produites à partir de polyester recyclé (jusque-là rien d’ébouriffant) mais aussi d’huile de ricin et de résidus de canne à sucre (plus inattendu). Ce qui a valu à la marque clermontoise un award.
Enfin, Mountain hardwear n’est pas en reste en termes d’ écoresponsabilité, avec sa doudoune Ghost Whisperer UL. Blanche, elle a cette couleur car elle n’a pas eu de processus de teinture. Un choix écologique qui rejoint la tendance fashion Black & white, par ailleurs largement visible sur ISPO 2020, comme nous vous le disions au retour du salon.
Bref, membranes bio-sourcées, recours à des fibres alternatives, économie circulaire, l’industrie de l’outdoor semble faire feu de tout bois. Ce qui, encore une fois, nous est apparu comme une bonne chose. Une question demeure toutefois : est-ce que ce sera vraiment suffisant pour sauver la planète ?
Ne soyons pas naïfs ; la totalité des matériels que nous utilisons pour les pratiques de plein-air finira dans l’environnement ! Que ce soit par suite de l’usure normale sur le terrain (textiles, cordes, semelles, peluches, enductions, etc. ) ou en fin de vie car non-réparables et quasiment impossibles à recycler. Vu la croissance considérable du nombre des adeptes et l’apparition de nouvelles pratiques, il est urgent de sensibiliser tout un chacun sur cette pollution sournoisement ignorée au nom de l’innovation et de la technicité. Nous, pratiquants, mobilisons-nous pour rendre notre demande plus supportable par le milieu dont nous prétendons tellement être les défenseurs.
Bien d’accord, je rajoute que tous les pratiquants de l’outdoor polluent indirectement en achetant des produits dont les matériaux innovants sont issus de la chimie, fabriqués à l’autre bout du monde et donc ont besoin de pétrole pour se retrouver dans nos magasins. L’outdoorien peut se donner bonne conscience, mais il pollue autant que les autres et son empreinte carbone est loin d’être faible. Si on veut moins polluer il faudrait s’habiller comme Gaston Rebuffat, un pull et des knickers en laine.