Escalade, EPI : Quand renouveler son matériel ?
Quand dois-je renouveler mon matériel de sécurité ? C’est une question que tous, grimpeurs, nous nous posons périodiquement. Et qui recouvre plusieurs enjeux. D’une part en raison du prix des différents éléments composant notre sac, qui peut être élevé. D’autre part et surtout, parce qu’une partie de ce matériel a un rôle déterminant pour notre santé. C’est le cas du harnais, de la corde, des mousquetons ou du casque pour ne citer que quelques exemples d’EPI.
D’un point de vue légal, tous ces instruments font partie de ce qu’on appelle des EPI. EPI pour Équipements de Protection Individuelle. Au même titre que les chaussures de sécurité ou les harnais que l’on trouve dans certains milieux professionnels, ils sont soumis à un usage et une réglementation bien précise. C’est ce que nous vous proposons de passer en revue dans cet article.
Les EPI : Cadre légal et règlementaire
EPI et normes
Plusieurs types d’équipements font partie de la classe des EPI : Ce sont des équipements qui sont destinés à être portés ou tenus par une personne, conçus pour la protéger contre des risques concernant sa sécurité ou sa santé. Ou tout composant interchangeable desdits équipements indispensables à leur fonction de protection. Ce sont aussi des systèmes de connexion conçus pour relier les équipements évoqués précédemment à un autre dispositif ou un point d’ancrage sûr (non permanent).
En escalade, entrent dans le domaine des EPI : harnais et casque bien sûr. Dispositifs de freinage ou bloqueurs, poulies. Cordes dynamiques, cordelettes, sangles et anneaux. Connecteurs ou encore coinceurs et pitons. La fabrication, puis la mise en marché de ce type de matériel est par conséquence encadré de façon très précise.
Sur le plan réglementaire tout d’abord, des normes fixent les exigences de sécurité pour chaque matériel. Les cordes dynamiques par exemple doivent avoir des propriétés fixées par la norme EN 892. Résistance à un certain nombre de chute normalisées, allongement statique, glissement de la gaine ou encore force de choc font ainsi partie des critères définis par cette norme.
Pour les harnais, c’est la norme NF EN 12277+A1 qui est en vigueur. Les mousquetons, selon qu’ils sont destinés à être utilisés dans un contexte de travaux sur corde ou qu’ils sont à usage sportif, vont répondre à la norme EN 362 ou EN 12275. Etc.
Droit du travail et code du sport
L’utilisation, mise à disposition et gestion des EPI est ensuite définie par différents articles du code du travail ou code du sport. Par exemple, l’article R4312-9 du code du travail fixe le cadre de mise à disposition ou location des EPI. L’article R4313-16 définit quant à lui les opérations de gestion et de suivi des EPI. Enfin, la norme NF S72-7011 précise les méthodes de gestion (identification, contrôle et suivi) et les rapports entre le propriétaire et l’utilisateur des EPI.
En pratique, salles d’escalade ou clubs, établissements scolaires où l’escalade est pratiquée sont tous à la même enseigne : Ils désignent une personne compétente qui sera responsable des contrôles. Ce responsable est chargé des opérations d’identification et marquage du matériel. Il tient à jour un registre dans lequel sont regroupés les fiches de vie de chaque matériel, les notices fabricants et où sont consignés les opérations de contrôle.
Lorsqu’on se place dans un cadre privé, les impératifs de sécurité sont identiques et ce principe de contrôle est indispensable à intégrer pour une bonne gestion de notre matériel.
Tout commence par l’achat du matériel
Si pour harnais ou système d’assurage par exemple, les achats se font naturellement dans des magasins spécialisés dont l’achalandage s’effectue par des circuits « officiels », on peut parfois être tenté de s’approvisionner par d’autres voies : Qui n’a pas été tenté par acheter un simple maillon rapide chez un négociant de bricolage ? Qui n’a jamais été intrigué par des prix imbattables proposés sur le marché gris ?
Et pourtant, en matière d’EPI, la règle d’achat est simple : Les équipements doivent obligatoirement disposer d’un marquage CE. Une notice doit accompagner le matériel (ou pouvoir être chargée). Et elle doit comporter des indications relatives à son usure. Ce sont les conditions indispensables à une acquisition sereine, pour du matériel, doit-on le rappeler, dont votre vie dépend.
Le contrôle des EPI
Vérification de routine
Effectué tout d’abord de façon routinière, à chaque utilisation du matériel, ce contrôle permet de prendre conscience d’un certain niveau d’usure (par exemple une gaine de corde érodée) ou de dysfonctionnements qui apparaissent peu à peu avec le temps (par exemple, un mousqueton dont le doigt ferme moins bien). Cette vérification concerne évidement les dégaines en place dans les voies !
Il est simple à réaliser puisqu’il s’agit de vérifier quelques paramètres de façon visuelle ou par manipulation. Les débuts et fins de séances, lorsque vous sortez ou rangez le matériel sont particulièrement propices à cette observation.
Contrôle approfondi
Un événement exceptionnel doit quant à lui susciter une vérification plus systématique. Et, en fonction des observations, conduire à agir sur le matériel (par exemple sur la corde comme on le verra plus loin), ou le mettre au rebus.
Plusieurs types d’évènements sont considéré comme exceptionnels :
- Tout d’abord un choc ou une chute importante. L’AFNOR définit celle-ci comme « une chute susceptible d’avoir créé une déformation permanente du matériel ou une détérioration ». Donc, dans ce type d’événement, votre expérience est essentielle pour évaluer le caractère « important » de la chute. Car un vol de 10 mètres survenant en haut d’une voie déversante, et bien dynamisé, aura certainement moins d’impact sur la corde qu’une chute de 2 mètres en grande voie, directement sur le relais et stoppée brutalement.
- Ensuite un contact avec un agent chimique (huile, agent corrosif, huile, solvant) ou l’exposition à des températures non conformes aux prescription du fabriquant. Ce type d’événement, en particulier sur les éléments textiles (harnais, sangles, cordes), doit conduire le plus souvent à placer le matériel au rebus.
- Enfin toute utilisation d’un des EPI en dehors de celles définies par la notice. Cela paraît évident. Mais ce n’est pas forcément une bonne idée que d’aller grimper sur une corde qui a servi à sortir votre voiture d’une ornière. Plus sérieusement, si une corde doit servir pour tirer une voiture, elle ne doit absolument plus être stockée au même endroit que les cordes servant à grimper, pour éviter tout risque de confusion.
Enfin, il est bon de prévoir, chaque année ou lors de la reprise de l’escalade après une longue période, une vérification systématique de l’ensemble de votre sac.
Contrôle des EPI, en pratique
En résumé, si lors d’un contrôle vous constatez un défaut, la première action à réaliser est de sortir le matériel concerné du circuit d’utilisation, afin de pouvoir, dans la mesure de vos possibilités, réaliser un contrôle complémentaire. Suite à ce contrôle approfondi, deux options se dégagent :
- Une action est possible (par exemple mettre une goutte de lubrifiant sur le doigt d’un mousqueton ce qui lui permet de se fermer à nouveau normalement). Vous pouvez alors remettre le matériel en question en service.
- Il n’est pas possible de remédier au problème (l’articulation du doigt du mousqueton est faussée et il ne se ferme plus). Alors le matériel part au rebus.
En tout état de cause, le moindre doute persistant, confirmé éventuellement par l’avis d’un grimpeur plus expérimenté doit vous conduire à placer le matériel au rebus.
Les points de contrôle des principaux EPI
Voici quelques indicateurs qui pourront vous servir lors de vos contrôles, en fonction du type de matériel. Pour chacun sont indiqués les signes qui doivent conduire à le mettre en quarantaine ou au rebus
Harnais (durée de vie maximale : 10 ans à partir de la date de fabrication)
Mise en quarantaine
- Dégradation ou absence de parties comme des mousses, ou des éléments en lien avec l’ergonomie.
- Coupures, brûlures légères au niveau des points encordement
Mise au rebus
- Coupures, brûlures sur sangles porteuses
- Coupures, brûlures sur coutures.
- Déformation des boucles, ou mauvaise fermeture
- Non blocage des sangles
Corde, cordelettes (durée de vie maximale : 10 ans à partir de la date de fabrication ; ou 5 ans stockage + 10 ans utilisation)
Signes d’alerte
- Usure marquée de la gaine, laissant apparaître l’âme.
- Présence de brûlure rigidifiant la corde
- Désolidarisation de la gaine de de l’âme
- Zones de souplesse différentes
- Hernie ou grosseur ponctuelle
Selon le lieu de détérioration, par exemple une usure de la gaine en extrémité, il est en général possible de couper un morceau et continuer à utiliser le restant de la corde, en prenant en compte la réduction de sa longueur.
Connecteurs. Mousquetons et maillons rapides (durée de vie non limitée)
Mise en quarantaine
- Corrosion légère
- Mauvais retour du doigt relâché doucement (retour incomplet ou non retour)
- Sur mousquetons de sécurité, mauvais fonctionnement du verrouillage
- Sur maillon rapide, difficulté de vissage manuel
Mise au rebus
- Déformation permanente
- Corrosion grave
- Axe de doigt abîmé ou desserti
- Mauvais contact du doigt avec le corps
- Usure du corps, entaille ou gorge liée au frottement de la corde supérieures à 1 mm
- Présence de fissures
Systèmes de freinage
Mise en quarantaine
- Corrosion légère
- Déformation
- Élément manquant
- Problème de fonctionnement
Mise au rebus
- Déformation permanente
- Corrosion grave
- Usure prononcée
- Fissures
Casque (durée de vie maximale : 10 ans à partir de la date de fabrication)
Mise en quarantaine
- Déformation réduite, locale de la calotte
- Fissure réduite surface extérieure calotte
- Problème fermeture jugulaire
- Fonctionnement système de réglage
- Disparition mousse ou rembourrage
- Problème de fonctionnement de la boucle
Mise au rebus
- Déformations permanentes, fissures extérieur ou intérieur calotte
- Coupures ou brûlures des sangles ou coutures
Coinceurs / coinceurs mécaniques
Mise en quarantaine
- Câble effiloché
- Sertissage desséré
- Corrosion légère
- Fissure réduite
- Grippage ou mauvais retour des cames
- Fonctionnement asymétrique des cames
Mise au rebus
- Déformation permanente du câble ou du corps
- Corrosion profonde
- Glissement câble dans sertissage
- Fissures