État des lieux de l’escalade en France

etat des lieux de l'escalade en France

Une grande enquête nationale autour du phénomène escalade vient de paraître. Cette étude, unique en son genre, a été réalisée par l’Union Sport & Cycle pour le compte de la FFME et de l’Union des Salles d’Escalade. Elle vise à décrypter l’évolution des modes de pratique et à définir plus finement le profil socio-économique des nouveaux pratiquants. Un état des lieux de l’escalade en France qui a beaucoup intéressé La Fabrique Verticale.

Le jeudi 26 septembre, l’Union Sport & Cycle, la FFME et l’Union des Salles d’Escalade ont conjointement procédé à la restitution d’une grande enquête nationale sur la pratique de l’escalade en France. En tant que média et acteur historique du milieu, La Fabrique Verticale avait bien sûr été conviée pour cet état des lieux de l’escalade en France, à la salle Climb Up Porte d’Italie.

Cette présentation a ensuite été complétée par une table-ronde très riche d’échanges. En présence de Francois Petit, patron du réseau Climb Up et vice-président de l’UDSE, Aymeric de Rorthays, directeur général des magasins Au Vieux Campeur et Alain Carriere, président de la FFME, le tout animé par Damien Jacquart de l’Union Sport & Cycle.

table ronde escalade climb up

Une explosion des pratiquants

Ces dernières années, la pratique de l’escalade en France a littéralement explosé. On dénombre aujourd’hui près de 2 Millions de grimpeurs, un chiffre qui aurait doublé, estime-t-on, depuis 2014. La moitié d’entre eux ont découvert cette activité au cours des 5 dernières années.

Pour la première fois depuis la période COVID, une large enquête a donc été menée sur l’évolution de ces nouveaux grimpeurs et sur leurs habitudes de consommation. Et plusieurs grandes lignes s’en dégagent. Tout d’abord, une féminisation des pratiquants, puisque 42% des quelques 9000 grimpeurs sondés sont des femmes. Ensuite un rajeunissement du profil des grimpeurs, puisque les 18-34 ans représentent la moitié du panel.

observatoire de l'escalade en france

Les raisons du succès

L’escalade est clairement identifiée comme une pratique addictive. Puisque 84 % des pratiquants déclarent grimper très régulièrement. Ce chiffre est d’ailleurs sensiblement équivalent chez les néo-pratiquants. Autour de 81 %. Comment expliquer un tel succès ? Tout d’abord par le caractère convivial et très accessible de la pratique, surtout en salle de bloc. On peut venir seul et rencontrer du monde. Le matériel nécessaire est minimal, puisqu’une simple paire de chaussons suffit. Enfin, pas besoin d’une longue formation, on est vite autonome.

De plus, le maillage des salles en France permet aux urbains de trouver facilement une salle près de chez eux. Il y a actuellement entre 250 et 300 salles privées en France et il s’en ouvre environ une vingtaine de nouvelles chaque année. Côté clubs, la fédé recense pour sa part plus de 1000 lieux de pratiques, tout type de salles confondus (de la plus petite structure associative aux grands clubs axés compétition), avec 55 nouveaux équipements réalisés au cours de la période 2020-2024.

etat des lieux escalade en France

Des motivations variées

En fait, l’escalade est une pratique qui répond aux attentes des Français. En un mot, un mix entre recherche de socialibilité et quête d’un bien-être physique et mental. Ceci ressort nettement des motivations exprimées. “J’entretiens mon corps” pour 47% des interrogés. “Je recherche l’amusement et la convivialité” pour 46 %. L’aspect communautaire est d’ailleurs très souvent mis en avant, bien plus que la nécessité d’être au contact de la nature, le besoin d’évacuer son stress ou la volonté de se dépasser.

Bien sûr, ces motivations varient avec l’âge. Les plus jeunes favorisent le dépassement de soi et le sentiment d’appartenance à un groupe. Tandis que les séniors sont plus sensibles aux arguments de type santé, qu’elle soit physique ou mentale d’ailleurs, avec une plus nette appétence pour l’escalade en extérieur. Il y a clairement un “effet de tribu” chez les jeunes, qui est souligné par Alain Carriere, président de la FFME. Mais l’escalade se caractérise aussi par sa dimension transgénérationnelle, qui en fait partiellement le succès.

observatoire de l'escalade en France

Les salles d’escalade apparaissent de plus en plus comme des concurrentes des salles de fitness, avec pour motivation pour la clientèle de se sentir bien, mais dans un climat plus convivial qui favorise les échanges entre les blocs puis hors escalade, dans les espaces cosy proposant bar et restauration. Car les salles sont donc aussi des lieux de vie et de rencontre. Du reste, 45% des grimpeurs déclarent y boire régulièrement un verre. Et 65 % participent au moins à un événement festif dans l’année.

État des lieux de l’escalade en France : les salles et les lieux de pratiques

Si le profil des néo-pratiquants est majoritairement un public qui grimpe indoor, 62% des personnes interrogées au cours de cette enquête déclarent aussi aller dehors. Ce chiffre a de quoi surprendre. Mais il s’explique aussi par le panel choisi, qui à 66% est un public licencié à la fédération. Donc potentiellement affilié à des clubs multi-activités proposant régulièrement des sorties à ses adhérents (ski de randonnée, alpinisme, falaise…).

Il faut savoir que cet observatoire de l’escalade, mené avant les JO de Paris, est basé sur un échantillon robuste, avec 8450 grimpeurs interrogés. Une enquête inédite et qui a le mérite d’exister mais qui aurait peut-être mérité une plus forte représentativité des purs grimpeurs indoor, notamment ceux, non licenciés, évoluant dans les salles privées. Il aurait aussi été intéressant de pouvoir inclure les jeunes de moins de 18 ans dans l’enquête, qu’on ne peut malheureusement pas sonder mais qui représentent toutefois 52 % des licenciés à la FFME.

inspiration pour pratiquer escalade

Car il y a fort à parier qu’en ciblant plus directement les jeunes et ce public urbain de néo-pratiquants dans l’enquête, on aurait vu baisser la proportion de grimpeurs déclarant pratiquer en extérieur. Ça reste bien évidemment à démontrer mais c’est en tout cas le ressenti de plusieurs patrons de réseaux de salles français. François Petit, du réseau Climb Up, constate quant à lui que sa clientèle est sensible à la nature. Et il est aussi conscient de la responsabilité sociétale qui incombe au marché.

Les salles : un tremplin pour l’extérieur ?

“Il y a tout un écosystème qu’il faut développer et inspirer, avec des plates-formes de covoiturage pour aller dehors, en lien avec les salles”, explique-t-il. Ou des stages permettant de découvrir l’escalade en extérieur en toute sécurité. Ce type d’initiatives commence à se mettre en place et permet aussi de fidéliser la clientèle dans les réseaux. Mais l’enjeu principal reste déjà de faire passer les grimpeurs d’une pratique uniquement centrée sur le bloc indoor à une pratique plus large incluant aussi de la voie, déjà à l’intérieur.

Car pour Aymeric de Rorthays, des magasins Au Vieux campeur, plus qu’un décalage entre grimpeurs de salles et grimpeurs en extérieur, il y a surtout “un gap monstrueux entre le bloc et la verticalité au sens large”. Car tout est plus compliqué. On change de dimension, avec des problématiques liées à la sécurité. Et ce constat se confirme sur les ventes de matériel. Si le ruissèlement économique lié au boom des salles est très net quand on parle de chaussons, les autres segments type corde et EPI bénéficient moins de l’effet d’aubaine. En revanche, les ventes de crashpads augmentent…

escalade en salle

Habitudes de consommation des grimpeurs

Un des enseignements les plus intéressants de cette étude a trait aux habitudes de consommation de ce nouveau public. Quelles sont les marques privilégiées ? Le matériel le plus souvent renouvelé ? Les lieux d’achat plébiscités par ces jeunes pratiquants ? Sans surprise, le chausson d’escalade arrive en tête. Logiquement, c’est un marché en pleine croissance. Puisque c’est le seul matériel dont on a besoin dans les salles de bloc, que ces lieux sont ceux qui drainent le plus de néo-pratiquants et que les chaussons s’usent très vite en indoor.

101 euros, c’est le budget moyen consacré à l’achat des chaussons. C’est ce qui ressort de l’enquête. Les critères de choix sont divers. Mais au premier rang arrivent le confort (59%) et le prix (44%). Aspect intéressant et qui rejoint les préoccupations environnementales évoquées précédemment, 59 % des pratiquants font ressemeler leurs chaussons, même si c’est d’abord pour des raisons économiques.

Les marques leader sur le marché français sont dans l’ordre La Sportiva, Scarpa et Simond. 82 % des achats se font en magasins spécialisés. Principalement Au Vieux Campeur et chez Décathlon. Auxquels s’ajoutent quelques autres acteurs majeurs, plus les petits détaillants et à la marge les shops présents dans les salles. 12 % des achats se font sur internet, le reste correspondant au marché de la seconde main.

chaussons escalade

Les limites de cet état des lieux

Comme nous l’avons souligné plus haut, cet état des lieux vient combler un vide et permet de se faire une idée de l’évolution du secteur. Quelque chose qui va au-delà des poncifs que l’on a coutume d’entendre (ou même de véhiculer sans trop y réfléchir), du type “boom des salles d’escalade”, “sport tendance” ou “croissance exponentielle de l’activité”. Pour autant, cette enquête a ses limites et n’est pas exempte de biais.

Le premier est l’absence de données chiffrées fiables pour la (ou les) décennie(s) précédente(s). L’Union Sport & Cycle, en lien avec la Fédération et les salles d’escalade, a d’ailleurs comme volonté d’établir un baromètre récurrent pour pouvoir mesurer la progression de l’escalade en France et réellement comparer au fil du temps les variations du marché.

Le deuxième, selon nous, est le panel choisi, qui pour plus de la moitié est issu des rangs de la FFME et devait être âgé de 18 ans ou plus, pour pouvoir répondre à l’enquête. Il ne reflète donc pas totalement l’évolution des grimpeurs fréquentant les grands réseaux. Une étude ciblant la seule clientèle des salles privées, jeune et très urbaine, aurait sans doute donné des résultats sensiblement différents. Par exemple, pour la pratique de l’escalade en extérieur, estimée à 86% dans l’étude et qui de l’aveu de François Petit, tourne autour de 40 % pour les seuls clients de Climb Up. Et qui chuterait peut-être encore plus drastiquement si on s’intéressait aux grimpeurs d’Arkose, BO, VA ou Climbing district…

bloc escalade arkose

État des lieux de l’escalade en France : mais encore ?

Enfin, dernier angle mort, on peut s’interroger sur la non-représentation des grimpeurs non licenciés, grimpant uniquement en extérieur. Certes cette catégorie “historique” constitue probablement une niche. Mais pour autant elle existe encore bel et bien ! Même remarque concernant les adhérents à la FFCAM, qui ont potentiellement un profil socio-culturel légèrement différent des ceux de la FFME.

Enfin, on ne connaît pas dans cette enquête le % de grimpeurs fréquentant des salles indépendantes, en dehors des grandes agglomérations et des grands réseaux de salles de bloc. Leur sous-représentation dans l’enquête est susceptible de donner une vision tronquée du secteur, vu par le seul prisme des grands réseaux de salles à Paris et dans les grandes villes. Sachant que le business modèle des grandes salles parisiennes est difficilement transposable dans des régions à faible densité démographique…

Gageons que l’enquête de l’Union Sport & Cycle saura à l’avenir s’améliorer. Mais ce premier état des lieux nous a néanmoins intéressé ! Affaire à suivre, donc 😉

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11 réponses

  1. Philippe Cappeau dit :

    Bonjour! Il est dommage que les pratiquants non licenciers ne soit pas représentés! J’ai plus de 65 ans, je grimpe uniquement en extérieur depuis 2020 et non licencier depuis, et la grosse majorité de mes binômes réguliers, environ une vingtaines de grimpeurs(ses) ne sont pas licenciers (tranche d’âge entre 27 et 70 ans). Région Drôme /Ardèche

    • Olivier dit :

      bonjour Philippe. Oui effectivement, nous soulevons ce biais dans l’article, dont les auteurs sont d’ailleurs conscients. Néanmoins, il nous paraissait utile de mentionner et saluer cette initiative qui est une première du genre et qui quoique imparfaite, suscitera d’autres études plus exhaustives. Bonne grimpe à vous !

  2. Raban dit :

    Bonjour, grimpeur affilié a une fédé depuis 1989, je trouve cet article très bien structure, intéressant. Je pense qu il faut continuer dans ce sens et développer sur les personnes qui ne sont pas affiliés et qui grimpent en salle privée.
    Bonne grimpe a tout le monde

  3. T'occupes dit :

    Bien qu’étant une bonne initiative, je trouve que les biais avoués de l’étude ne la rende pas assez representative pour être d’une utilité quelconque. Ignorer la FFCAM, les non licenciés, les grimpeurs de falaise qui fréquentent peu les salles me semble être ignorer une énorme partie de la population de grimpeurs. Non tout le monde ne vit pas à Paris scotché à la résine et aux burgers en salle…

  4. Martin dit :

    Bonjour,
    Est-ce qu’il est possible de récupérer cette enquête quelque part pour opprofondir nos recherches ?

    Merci d’avance

  5. valerie LAPLACE CABROL dit :

    Ils sont ou les 2 millions de grimpeurs???? En falaise il est assez rare de voir du monde;ds les faits il s’observe grimpant uniquement en falaise ds le sud de la France(météo propice a la pratique) sur des sites avec beaucoup de voies en 5 et 6(niveau le plus « fréquenté »ds la pratique=étude écore)de surcroît entretenu par les cd grâce au pognon de dingue et souvent le wk(période ou la majorité des pratiquants a le plus de dispo) une faible fréquentation,il est assez rare de croiser plus de 7/8 cordées(max 20 grimpeurs)bien souvent c’est 4/5 cordées max et de temps en temps une collective club (souvent 10/12 cordées max).Même s’il est exact qu’il y a des sites très fréquentés(peri-urbains ou mythiques) beaucoup de SNE sont déserts. PS: faisons une projection large(pour imager la fréquentation SNE)=environ 3000SNE * 25 grimpeurs*2 jours/semaine de fréquentation= 150 000 très très loin des 2 millions de pratiquants,pourtant 2 millions c’est énorme il devrait se voir a moment donné n’est ce pas????

    • Olivier dit :

      Bonjour Valérie
      merci pour votre commentaire. Plusieurs éléments de réponse.
      Ce nombre est le résultat d’une enquête de type déclaratif : 2M de personnes ont déclaré avoir fait de l’escalade au moins une fois dans l’année. On peut tout à fait imaginer que certains ayant fait une fois de la via ferrata pendant les vacances aient pu se déclarer « grimpeurs ».
      D’autre part, cela ne distingue pas les grimpeurs de falaise et de salle : Certaines salles accueillent jusqu’à 1000 personnes par jour…

      • valerie LAPLACE CABROL dit :

        La définition du Larousse du mot pratiquant= »personne qui pratique habituellement(synonyme:couramment,fréquemment,souvent) une activité,un sport », on peut donc raisonnablement supposer que cette enqu^te se donne sa propre définition du mot pratiquant en incluant ds cette « étude » les personnes ayant déclarés avoir fait 1 fois de l’escalade ou autre activité verticale ds l’année re .C’est sur que si tout le monde se l’arrange avec les définitions officielles des mots la réalité risque fort d’^tre tronquée.J’ai pratiqué 2 fois du paint ball ds ma vie,suis un pratiquant de paint ball?1 fois du foot,a de rare occasion de la pétanque, 2 fois aussi du tir a l’arc,2fois du kart ;suis je un pratiquant de ces disciplines?dois je me considérer comme tel,voir même comme un champion(j’ai gagné les 2 courses de kart)????

  6. Salut LFV, merci pour le partage des résultats de cette étude. Et l’analyse. Ou peut-on la retrouver dans son intégralité svp? Merci.

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