Le transfert de la force dans l’escalade
En ces temps perturbés, il devient difficile d’avoir des certitudes. Mais tout de même. Oui, on peut légitimement escompter retourner grimper dehors. Même si on n’a pas d’échéance précise. Forcément, ce retour au rocher s’accompagnera de certaines attentes, au-delà même du plaisir de toucher à nouveau le caillou. Car le confinement aura été l’occasion pour bon nombre d’entre nous de faire un bon stage de préparation physique. Parfois avec des moyens réduits. Mais on peut supposer que cela aura permis de progresser dans certains compartiments.
Il y aura des attentes donc. Des attentes de concrétisation. Étant donné les restrictions de libertés auxquelles nous aurons dû faire face, elles ne devraient pas s’imposer comme prioritaires. Dans un premier temps du moins, mais rapidement…
Où l’on commence à parler de transfert
Oui mais voilà. Certains le savent déjà. D’autres vont en faire l’expérience cruelle. Le transfert des acquisitions physiques vers l’escalade ne se produit pas aussi directement et systématiquement que ça.
Il y a une répercussion des progrès physiques sur tous les aspects de la pratique, qui sont en interrelation étroite : la technique, les coordinations… Par exemple, beaucoup en ont fait l’expérience : quand on prend de la force dans les doigts à la suite d’un cycle de poutre, douce est la sensation que les prises de notre projet ont grossi. Douce est la sensation de pouvoir les serrer plus fort… Au dépend du poids que l’on devrait continuer à diriger vers les pieds…
Cette problématique du transfert est d’ailleurs une des pierres d’angle autour de laquelle tout préparateur physique digne de ce nom articule sa réflexion lors de l’élaboration d’une planification.
Ainsi, pour reprendre la terminologie classique, au cours de la phase d’entraînement, on va passer par des périodes où l’entraînement va progressivement passer de « général » à « spécifique ».
Certains préparateurs physiques, comme Frédéric Aubert, distinguent préparation physique dissociée, associée ou intégrée. Ce mode d’expression reflète mieux selon nous les conditions d’organisation de l’entraînement.
Quoiqu’il en soit, ce que l’on recherche in fine, c’est une transférabilité optimale des qualités physiques acquises au cours de l’entraînement, vers la pratique spécifique.
Quelles stratégies pour optimiser le transfert ?
En gros on peut considérer deux stratégies qui vont s’opposer :
- Soit on consacre lors de la période d’entraînement beaucoup de temps et d’énergie à développer telle ou telle qualité athlétique. Le prix à payer sera alors une difficulté plus grande à traduire ces progrès en escalade. Il y aura assurément un décalage temporel entre le pic de forme athlétique et la période de concrétisation (en termes de croix).
- L’autre option consiste à agir le plus tôt possible pour intégrer les qualités physiques acquises. L’inconvénient est ici que les gains athlétiques se font plus lentement, avec cependant des gains de performance spécifique plus rapides.
Comment optimiser son entraînement en confinement ?
Le confinement nous a placé de fait dans la première de ces configurations, à des degrés divers (car certains ont la chance de de pouvoir grimper sur un pan personnel).
La question est donc de trouver comment orienter notre entraînement, de sorte à optimiser les acquis et pouvoir ensuite les exploiter au mieux et au plus vite lorsque nous grimperons à nouveau dehors.
En d’autres termes quelles couleurs donner à nos séances ?
On va se placer dans le cas de figure le plus répandu pendant ce confinement. À savoir que l’on ne peut pas grimper et que la variété des outils à disposition pour l’entraînement est bien plus réduite que d’habitude.
D’une certaine manière cette contrainte s’avère être une opportunité en ce sens qu’elle nous pousse à renouveler les exercices standardisés, à réinventer de nouvelles procédures qui permettent d’introduire un peu de diversité.
Mais pas question de le faire n’importe comment. Le point de départ de la réflexion est toujours de déterminer quels exercices faire qui produiront des effets plus facilement transférables à notre pratique spécifique.
Chacun doit donc prendre en considération ses propres besoins (prendre de la force en bras, de l’endurance en doigts, de la souplesse) et les caractéristiques de sa pratique habituelle (bloc, difficulté, profils verticaux ou plus ou moins déversants, voies longues, courtes.
L’objectif est ensuite de créer des jeux d’entraînement qui soient les plus « fonctionnels » possibles.
Quelques exemples
Cas de figure 1 : Comment travailler bras et doigts alors que je n’ai qu’une barre de traction ?
Les exercices classiques, tout le monde les connaît : on va faire des tractions, des blocages à un ou deux bras, selon son niveau.
Une première idée consiste à décaler les mains dans l’axe vertical, soit grâce à un élastique, soit à une cordelette attachée à la barre
On retrouve ainsi une certaine forme de spécificité de l’escalade. En effet, il est assez rare d’avoir les deux mains situées à la même hauteur lorsqu’on déclenche un mouvement. Cela entraîne une dissymétrie des efforts. Et un travail particulier des chaînes musculaires.
Une deuxième idée est de « remettre » un appui de pied (chaise, swissball). Cela a pour conséquence de placer le corps en dévers et donc de trouver des angles de traction plus spécifiques, qui en l’occurrence vont engager les trapèzes de façon plus prononcée (chose que permettent bien les trx).
Troisième option : introduire une contrainte liée aux points d’appuis, afin de solliciter plus les doigts. En enroulant une serviette autour de la barre, on va mettre en jeu la chaîne de muscles qui intervient pour équilibrer le corps. Comme lorsqu’on tracte sur deux plats et qu’on risque d’être éjecté à tout instant.
Quatrième option : Varier les sollicitations énergétiques. Il s’agit d’exploiter la barre au maximum, sur toute sa longueur en concevant un enchaînement de mouvements (tractions, mains serrées, écartées ou décalées, blocages, jetés), de déplacements (écartés, ramenés), dont la durée s’apparente à celle d’une voie ou d’un bloc. L’exemple visible sur cette vidéo s’appuie sur une poutre, mais est transposable sur une simple barre.
Cas de figure n°2 : Comment rendre mes exercices de gainage plus spécifiques ?
Être capable de tenir 5 minutes en planche sur les coudes est certes intéressant. Mais cela reproduit-il les contraintes de l’escalade ?
Non, pas vraiment ! En escalade nous sommes tout sauf immobiles. Et le gainage va nous permettre de fixer le bassin, alors même qu’on déplace un bras ou une jambe.
On peut donc tenter de reproduire cela en introduisant déséquilibres ou pertes d’appuis.
Si on possède une barre, on a là un outil super pour reproduire des pointés de pieds vers des prises, voire des griffés.
En Conclusion
Le but n’est pas de singer la pratique réelle. Mais plutôt, après l’avoir analysée, de s’en inspirer pour créer des exercices dont les patterns moteurs, l’intensité, la durée s’en approchent. Ceci avec le matériel dont on dispose.
Analyse puis imagination. Alors faites-vous confiance et laissez parler votre créativité !
Tout le monde doit effectivement s’attendre à re-grimper telle une boule de pétanque!
Hihihi
Mais on regrimpera et ce sera déjà pas mal 🙂
Bon et puis on ne se fait pas trop de soucis pour vous 2 !
Préservez-vous ! Et à bientôt on espère
Bises