Les coordos pour les nuls : le B-A Ba des blocs en coordination
En quelques années, les blocs en coordination, aussi appelés de manière générique “coordos”, sont devenus monnaie courante dans les salles. La Fabrique verticale est partie à la rencontre de plusieurs ouvreurs ou grimpeurs internationaux, afin de connaître leurs petits trucs pour mieux réussir ces mouvements dynamiques très aléatoires. Apprenez le B-A Ba des blocs en coordination.
Le bloc en salle évolue vers des mouvements de plus en plus complexes. Les ouvertures proposées s’inspirent des compétitions. C’est pourquoi elles ne nécessitent plus seulement de la force en tenue de prise, en blocage ou en compression. Il faut aussi être capable d’exprimer cette force dans des séquences de mouvements qui s’enchainent sans temps d’arrêt sur les prises. Il faut être capable de grimper en coordination. On parle d’ailleurs de “coordos”.
Aujourd’hui, il est difficile de faire une séance de bloc en salle sans rencontrer une de ces fameuses “coordos”. Pour simplifier il s’agit d’un passage dynamique où plusieurs actions motrices sont à réaliser en même temps ou presque. Tout ceci mettant en jeu les bras et/ou les jambes simultanément, c’est un petit jeu qui demande beaucoup de sensations, de précision et bien sûr de coordination !
Comme le soulignent Mathieu et Arthur Ternant, athlètes tout deux engagés sur les Coupe du Monde de bloc depuis plusieurs années et ouvreurs à leurs heures perdues, toute la difficulté de ce type de mouvement est liée à l’aléatoire. “Il ne suffit plus d’être fort physiquement… Réaliser une coordination à vue n’est pas chose facile. C’est dur d’avoir dès le premier essai le bon timing et la bonne intention”.
Qu’est-ce qu’une “coordo” ? Aka les coordos pour les nuls
Comme le note Jacky Godoffe, ouvreur depuis de nombreuses années et auteur de plusieurs livres sur la question, le concept de coordos peut finalement s’expliquer assez simplement à un néophyte. Ou aux grimpeurs old school que nous sommes à La Fabrique verticale 😉 En gros, “c’est un mouvement, et le plus souvent une série de mouvements, qui imposent d’aller d’une prise de départ à une prise d’arrivée en accélérant. Il va donc falloir le ou les réaliser en prenant des risques”.
Sur le papier, ça a l’air simple. Dans la réalité, ça devient tout de suite plus complexe ! Car cela nécessite souvent plusieurs tentatives avant de trouver le bon timing. Et selon Pierre Broyer, qui officie lui aussi en compétition internationale et aussi pour plusieurs grands salles privées, “les ouvreurs essaient souvent de créer des mouvements dynamiques où les grimpeurs transitent sur plusieurs prises avant de pouvoir s’arrêter dans une position.” Et c’est cette stabilisation qui va être cruciale.
Quels sont les grands types de coordos ?
En général, on parle de “coordos” au sens large pour qualifier ces grands types de passages. Mais en réalité, il existe plusieurs familles de mouvements qu’on pourrait rassembler sous cette dénomination. Pour Jacky Godoffe, il y en a, en gros, 7, qui “regroupent l’ensemble des qualités qu’on peut solliciter à travers des ouvertures : tirer, pousser, presser, tordre, ralentir, accélérer, tourner”.
Dit comme cela, cela peut sembler assez abstrait. Mais concrètement, on retrouve derrière cette série de verbes des grands classiques. Par exemple les skates (courses sur les volumes), les jetés canne à pêche (prise d’élan avec un bras ou une jambe qui sert de balancier), les jetés en plusieurs temps (double, triple….). Les plus complexes mêlent bras et jambes alternativement ou en même temps et varient de deux à parfois quatre, cinq ou six mouvements successifs pour aller d’une prise à l’autre… Et enfin s’arrêter sur la suivante.
Car toute la difficulté est bel et bien de s’arrêter. À la réception, on va parfois devoir par exemple coordonner la saisie d’une grosse verticale plate avec la pose d’un pied sur un volume, une prise ou une micro, pied et main d’un même côté, en bout de course. Ou s’arrêter avec une spatule derrière un volume… Ou encore agir en retournant les mains, en repoussant les paumes, comme dans un human flag, etc. Bref, c’est riche et complexe ! Et ça semble infini.
Mais comme le résume Pierre Broyer, il n’y a finalement pas tant de cas de figures que cela. En fin de compte, on pourrait dire qu’“il y a les coordinations de force, qui consistent à pousser ou tirer de façon explosive pour atteindre les prises suivantes. Et des coordos en timing, où ce qui est compliqué, c’est de trouver la ou les positions dans le mouvement pour stabiliser la position d’arrivée.”
D’autres exemples de coordos
Les coordinations vitesse zéro ne sont pas de grands mouvements. Mais elles imposent d’arriver sur la prise cible quasiment au point mort, c’est-à-dire précisément à l’équilibre en jouant avec la mobilité de bassin et l’équilibre. Pour Jacky Godoffe, une déclinaison intéressante de ces mouvements sont les coordinations doigts, en jouant sur la force contact. “Ce sont souvent de petits mouvements mais au lieu de jouer sur l’équilibre à l’arrivée, cela demande de la force dans les doigts pour s’arrêter.”
D’autres mouvements du même type peuvent être assez spectaculaires. Ce sont par exemple ceux où on se balance, tout le corps en mouvement, les pieds dans le vide, sur un gros bac en toit, avant d’aller se poser sur un volume situé en face. Comme une sortie filée en gymnastique. On pourrait appeler ça une balançoire mais le terme consacré est plutôt une lambada. Car c’est un mouvement de bassin destiné à prendre la bonne trajectoire, un peu comme dans la fameuse danse où on bouge le bassin pour donner de la fluidité 😉
Progresser dans les coordos
En demandant conseil à ces différents grimpeurs et ouvreurs pour progresser dans les coordos, nous avons été frappés, à La Fabrique verticale, par la simplicité des exercices proposés. Et pourtant, en les essayant, nous nous sommes rendus compte que ça fonctionnait plutôt bien !
Voici donc quelques pistes :
- Prendre un bloc en dessous de son niveau max et essayer de l’enchaîner le plus rapidement possible
- Se forcer à faire des mouvements statiques sans s’arrêter sur les prises, pour progresser dans cette palette de mouvements
- Essayer de simuler des mouvements de coordination alors même qu’ils ne sont pas obligatoires dans un bloc d’un niveau bien maîtrisé
- Apprendre à déclencher le mouvement d’abord en partant d’une position confortable, ou même du sol au début.
- Pour les coordinations de jambes, s’entrainer à marcher, dynamiser et courir sur de bons volumes, pour prendre en confiance.
- Afin d’éviter d’être limité uniquement par le physique, les coordinations de jambes sont généralement plus pédagogiques.
- Répéter, encore et encore un même mouvement, jusqu’à comprendre le passage.
- Puis passer à un autre type de mouvement, c’est-à-dire aussi faire de la nouveauté, régulièrement
La bonne approche mentale
Enfin, une des clefs les plus importantes pour progresser dans ce type de mouvement est sans conteste de les aborder sans a priori. Avec une bonne ouverture d’esprit. Car on peut être vite tenté de penser que “ça n’est pas de l’escalade”. Ou que “ça ne sert à rien pour la falaise”. Bref que “ce sont juste des blocs pour les jeunes, façon parkour ou ninja warior”. Le tout avec une pointe de dédain, tout en étant conscient qu’on n’est pas forcément capable de les faire 😉
Le plus simple est de commencer par essayer des passages pas trop durs dans ce style. Il faut être patient et accepter de jouer. “Commencer par faire du facile et monter progressivement”, comme le conseille Arthur Ternant. Mais en tout état de cause, “s’engager à fond dans le mouvement”. Car, pour Jacky Godoffe, “si vous vous découragez immédiatement, c’est no way… Car c’est l’essence de ce type de mouvements d’être risqué”.
Donc par définition il faut accepter de s’engager. “Il y a beaucoup à comprendre dans ce type de mouvement. Par exemple que la ligne droite est rarement la meilleure solution.” Ce type de mouvement permet de mieux comprendre comment son corps peut se déplacer dans l’espace de manière à la fois rapide et précise, avec fluidité. Sitôt qu’on a intégré les paramètres trajectoire, vitesse de déplacement et relâchement, on réalise parfois un bloc avec facilité. C’est fou ! Alors qu’on a pu faire des dizaines d’essais infructueux auparavant !