Nolwen Berthier : “Peut-on performer à tout prix aujourd’hui ?”

Alors que la quête de performance occupe une place croissante dans l’escalade, une nouvelle génération de grimpeurs professionnels met sa notoriété au service d’une pratique responsable. Ambassadrice Patagonia, ex-membre de l’équipe de France et figure du haut niveau (9a+), Nolwen Berthier en fait partie. Avec Une voie pour la nature, sa première web-série documentaire, elle invite à “repenser notre rapport au vivant”. Nous l’avons rencontrée à Fontainebleau, lors du 8ᵉ Women’s Bouldering Festival, où elle était mentor.
Ta web-série Une voie pour la nature sort en novembre. Qu’est-ce qui t’a poussée à mêler escalade et écologie ?
Nolwen Berthier : La biodiversité est en voie d’extinction. En tant que grimpeur, on est témoin d’une nature magnifique mais très fragile. A côté de ça, mon métier d’ingénieure en environnement m’a permis de rencontrer des personnes qui œuvrent à sa protection. J’avais envie de partager leurs savoirs. C’est comme ça qu’est née l’idée de mêler voies et voix d’experts. Aujourd’hui, je pense qu’il faut redéfinir ce que signifie “performer” en escalade, pour que ce soit compatible avec notre environnement.

Nolwen Berthier, c’est donc un travail collectif, autant pour les sportifs pros que pour les amateurs ?
Nolwen Berthier : Clairement. Peut-on vraiment performer à tout prix aujourd’hui ? Et si l’on doit se fixer des limites, lesquelles, et selon quel cadre ? Pour avancer, on a besoin d’explorateurs, de gens qui testent et cherchent des alternatives. J’ai l’impression que c’est le cas dans notre communauté.
En tant qu’humains, nous avons la responsabilité de donner une voix aux espèces qui n’en ont pas.
En tant que grimpeuse professionnelle, te sens-tu investie d’un rôle éducatif ?
Nolwen Berthier : Peut-être… J’ai la chance d’avoir un pied dans les deux mondes : celui de la salle, avec mon passé en compétition, et celui de la falaise. On les oppose souvent. Car ils n’ont pas les mêmes valeurs. Mais si je peux être utile pour réconcilier les deux, comme je viens de l’un et que j’ai basculé vers l’autre, c’est avec plaisir !

Au WBF, Nolwen Berthier, tu étais mentor. As-tu l’impression de passer le flambeau à une nouvelle génération ?
Nolwen Berthier : Oui, je pense. À Fontainebleau, on a grimpé ensemble lors des ateliers collectifs. C’est top d’échanger au pied des blocs avec d’autres passionnées, de partager des tips, notamment sur la morpho — ce qui me concerne directement, vu ma taille (rires). Ce type de festival permet de donner la parole à des minorités qui ne se sentent pas toujours représentées. Au fond, il s’agit de réfléchir ensemble à “comment on aborde l’escalade” pour inventer une autre vision de la grimpe.
Justement, quels gestes simples recommandes-tu pour intégrer plus de conscience écologique dans l’escalade ?
Nolwen Berthier : Il y a deux niveaux. D’abord l’impact individuel : ne pas poser son sac sur les plantes, rester sur les sentiers d’approche, éviter la grimpe nocturne pour limiter la pollution lumineuse, limiter les cris pour respecter la faune, essuyer ses chaussons pleins de sable pour ne pas éroder les parois… C’est avant tout une question de conscience. Ensuite, le collectif : en tant qu’humains, nous avons la responsabilité de donner une voix aux espèces qui n’en ont pas. Et pour ça, nous devons garder une curiosité sur ce qui nous entoure.

Tu évoquais aussi une certaine volonté de faire taire les “rumeurs de bas de falaise”, notamment sur le côté morpho. Pourquoi était-ce important ?
Nolwen Berthier : Oui, c’était dans le cadre d’un article sur les cotations et l’influence de ces dires qui nous orientent vers un projet… ou nous en détournent. Je pense à certaines voies réputées trop morpho, comme Marcellus Wallace, à La Saume. Beaucoup s’empêchent de les essayer, alors que ce sont souvent des projections de grimpeurs qui n’ont pas ma taille. Parfois, des solutions existent. Même si elles modifient un peu la difficulté ou la cotation. Franchement, faut y aller et les tenter !
Nolwen Berthier : un dernier conseil ?
Nolwen Berthier : Faites un pas de côté ! Puis posez-vous la question que je pose à chaque intervenant de la web-série. “Si la nature pouvait parler, que nous dirait-elle ?”
Propos recueillis par Mia Pérou
Journaliste et vidéaste, Mia Pérou est spécialisée dans la presse magazine et les longs formats outdoor. Passionnée d’escalade et plus largement d’aventures aussi bien verticales qu’horizontales, elle a collaboré avec des médias aussi variés que Ouest-France, Télérama, MK Sport ou Les Others.