Romain Desgranges : “Pas de demie mesure !”
Romain Desgranges s’invite ce matin à La Fabrique verticale pour partager avec vous ses secrets d’entraînement et ses objectifs d’avant saison. Entretien à chaud juste avant une petite séance de bourrinage Chamonix style.
Quels sont tes objectifs pour la saison à venir ? Comment s’articulent-ils avec ta pratique en extérieur ?
Mon objectif unique et n°1 est la compétition et les échéances internationales. Du coup entraînement, entraînement et entraînement en résine ! Les compétitions sont en mur, il n’y a pas de secret : il faut faire du mur. Après, pour ce qui est des trips et de la grimpe à l’extérieur, j’y vais de temps en temps, quand mon emploi du temps et mon entraînement me le permettent, je reviens d’ailleurs d’un mois à Joshua Tree en Californie. Mais ça ne me préoccupe pas trop, le rocher ne va pas bouger, il sera toujours là quand j’aurai fini mon aventure de compétiteur, ce n’est pas perdu !
Tu as fini 4e de la Coupe du Monde de difficulté la saison passée, avec la petite frustration de louper le podium d’un cheveu. Qu’est-ce qui t’a le plus manqué à ton avis ?
Eh oui… Au final je réalise quand même ma meilleure saison, mais c’est vrai que lorsqu’on regarde ça de plus près, j’avais les cartes en main pour faire bien mieux. C’est aussi les règles de la compétition : le classement n’est pas au mérite mais à la prestation réalisée. Du coup ça passe par une meilleure gestion de la phase finale, une meilleure adaptation au style des voies, gagner encore et encore en gros physique pour combler cette énorme lacune, être encore plus conquérant, plus compétiteur… plus tout en fait !
As-tu fait évoluer ton entraînement cette année pour l’intersaison et quels sont tes principaux axes de travail et de progression ?
Dans les grandes lignes, mon entraînement reste le même, forcement on y a apporté quelques modifications, mais c’est plus de la cuisine, avec un peu plus de sel et moins de curry… Et comme je te le disais, l’axe principal de cette période est le physique général, le développement des gros muscles. Ce n’est malheureusement pas une légende que je peine à faire 10 tractions d’affilée, alors je “bourrine”, sans les pieds, en baskets, lesté, poutres, pan Güllich, boules, élastique… Tout y passe tant que je force !
Nous sommes encore loin du début de la Coupe du Monde, en quoi consiste ton entraînement actuellement ?
Loin des compétitions, ça veut dire loin de l’escalade spécifique ! Depuis un mois, j’ai repris l’entraînement. Le thème est simple : bourrinage le matin sans mettre les chaussons c’est-à-dire dire exos de tractions, de poutre, abdos, gainages, blocages, pan Güllich, jetés, le tout entrecoupé de bloc en baskets. Et l’aprem, je mets les chaussons (ouf) mais l’idée reste orientée vers le physique avec voies lesté, bloc max, volume de bloc, long, hyper long…
Beaucoup de grimpeurs n’ont pas forcément conscience des doses d’entraînement que tu te mets. Une journée type, concrètement, ça donne quoi ?
Journée type… Alors tu vois, là, il est 9h00, je pianote encore un peu sur mon ordinateur et je ne vais pas tarder à me préparer pour aller au gymnase pour ma séance du matin. Au programme aujourd’hui tractions et poutre lesté entrecoupé de boucles en no foot et exos sur les grosses boules ! Et ça pendant environ 2 h 30. Apres rendez-vous avec les journalistes de France TV à qui je vais présenter le film “Sohigh” qui relate mon aventure en Californie, un petit tour à la maison pour me poser et manger un bout, et retour au gymnase vers 16h pour de l’escalade ! Cet aprem ce sera escalade en blocage 5s dans des boucles de rési, pour finir par de l’escalade/volume histoire de terminer vraiment chiffon, carpette… Et je devrai rentrer à la maison vers 20h30… Un peu de repos et rebelote demain et après-demain et après-après-demain et après après après…
Sachi Amma a fait une belle moisson en Espagne en cochant les 9a+/9b à tour de bras. Adam Ondra n’est pas en reste, sous la houlette de Patxi Usobiaga. Qu’est-ce que ça t’inspire ?
Ces mecs-là sont des machines, ils sont doués et en plus de ça surmutants… Je les respecte pour tout ce qu’ils enchaînent, mais comme je te le disais tout à l’heure falaise et entraînement ne cohabitent pas forcement. Même les deux zigotos, aussi forts soient-ils, le montrent bien : Sachi se consacre à la falaise et lâche donc un peu la compétition ; inversement Adam est dans une phase où il diminue son temps passé en falaise pour se consacrer au mur et être plus performant dans ce domaine bien spécifique… Pas de demie mesure pour moi, je n’ai pas la marge pour ça !