Stratégies anti-froid pour doigts et orteils des grimpeurs en hiver
Les températures baissent drastiquement en hiver. Pourtant pour certains d’entre nous la saison froide ne sonne pas la fin des sorties en falaise. Au-delà des grimpeurs atteints du syndrome ou de la maladie de Raynaud, nous sommes tous sujets aux douloureuses sensations de refroidissement de nos doigts et orteils ou à l’onglée lorsque nous grimpons par temps froid. Alors, pour continuer à grimper en hiver sans avoir froid aux doigts et aux orteils et profiter de la « collance », suivez ces quelques conseils de Caroline Milenkovic Messin, naturopathe spécialisée dans l’accompagnement des sportifs de montagne.
Des mécanismes naturels de protection contre le froid l’ hiver
Lorsqu’il fait froid, en hiver, notre corps met en place des processus de régulation thermique. Par la vasoconstriction, le diamètre des vaisseaux sanguins diminue. Par conséquent, la circulation dans les tissus périphériques est limitée au profit du centre regroupant nos organes vitaux. Nos doigts, nos orteils, nos oreilles ou notre nez sont les premiers impactés.
De plus, la vasoconstriction est également à l’origine d’une augmentation de la viscosité sanguine, ralentissant d’autant plus la vitesse de circulation. En réponse au froid, le corps augmente le tonus musculaire avec des contractions désynchronisées, les frissons musculaires. Ces réactions consomment beaucoup de glycogène, les réserves énergétiques de glucides de notre organisme.
Planifier sa sortie et protéger ses mains et ses pieds
Choisir une face sud bien ensoleillée, peu exposée au vent et loin d’étendues d’eau pour limiter l’humidité, choisir son créneau horaire, s’habiller selon le système 3 couches avec des vêtements techniques adaptés sont des conseils déjà proposés par La Fabrique Verticale. Un échauffement complet et progressif et des mouvements dynamiques des bras et des mains sont tout autant indispensables.
Veillez également à bien couvrir votre tête, une zone importante de déperdition de chaleur. Utilisez un bonnet fin ou sous-casque et ajoutez un bandeau pour protéger d’avantage vos oreilles si besoin.
Au-delà de l’aspect sécuritaire, des gants d’assurage isoleront vos mains du froid pendant les temps au sol. N’hésitez pas à glisser dessous les sous-gants en soie que vous utilisez lors de vos sorties ski pour un apport de chaleur supplémentaire.
Ne posez pas vos gants sur le rocher lorsque vous grimpez, enfouissez-les dans votre sac, ou mieux, dans votre doudoune ou celle d’un assureur compréhensif si vous la retirez pour grimper. Même conseil pour vos chaussons à glisser sous votre doudoune pendant les phases d’assurage. Ou entre deux essais en bloc.
Des stratégies efficaces et éprouvées
Si vous avez l’habitude de porter vos chaussons pieds nus, essayez les chaussettes en nylon, la matière des bas et des collants. Très fines, elles ne devraient pas vous gêner dans vos sensations et apporter une isolation contre le froid. Ajoutez des guêtres pour protéger vos chevilles exposées.
Pendant l’assurage, couvrez-vous bien pour ne pas refroidir vos muscles et vos extrémités. Troquez les chaussures basses d’approche contre des chaussures de rando montantes et fourrées, et ajoutez des chaussettes chaudes que vous retirerez au moment de grimper.
En hiver, des chaufferettes dans les gants, un sac à magnésie chauffant ou des chaussettes peuvent également apporter un confort thermique non négligeable. Par temps très froid, les après-skis sont une option très appréciable !
L’alimentation anti-froid en hiver
La consommation d’énergie est augmentée par la thermorégulation en hiver. Donc adaptez vos apports alimentaires en conséquence. Ne partez pas à jeun, prévoyez un repas riche en glucides avant la sortie. La richesse en lipides n’a pas démontré de meilleures performances en terme de résistance au froid. Ne surchargez pas votre repas en graisses afin de faciliter votre digestion.
Consommez régulièrement des glucides pendant la séance sous forme de fruits secs ou d’une boisson de l’effort pour épargner vos réserves de glycogène.
Vous pouvez en préparer simplement à partir d’1litre d’eau chaude non bouillante, 2 cuillères à soupe de miel, un jus de citron pour la vitamine C. Ajoutez également du gingembre qui a la propriété d’augmenter la thermogénèse (1).
Enfin, le froid limite la sensation de soif, n’attendez donc pas pour boire. 2-3 gorgées toutes les 20 minutes vous éviteront la déshydratation et vous permettront de réchauffer vos mains au contact de la tasse chaude.
Mangez chaud !
Afin de limiter la dépense énergétique liée à la digestion, mangez chaud ! Le thermos sera votre meilleur allié, en format bouteille ou boîte repas. Ainsi, soupes et purées à base de légumes, féculents et quelques légumineuses bien tolérées vous apporteront glucides, vitamines, minéraux et protéines pour la satiété. Cette pause réchauffante sera à coup sûr la bienvenue !
De plus, les oméga-3 présents dans les poissons gras, les œufs de poules nourries aux graines de lin et les huiles végétales de lin, cameline, et colza par exemple, fluidifient le flux sanguin. Ils améliorent ainsi l’irrigation des muscles et des extrémités par temps froid.
Enfin, limitez le tabac, la caféine, et l’alcool qui augmentent le phénomène de vasoconstriction.
Hiver : la phytothérapie en renfort
L’usage du Ginko Biloba est reconnu pour traiter les troubles de la circulation périphérique. Car son effet tonique dilate les vaisseaux sanguins grâce à des composés actifs, les polyphénols. Même si trop peu d’études scientifiques ont été menées sur le sujet, elles démontrent quand même un effet bénéfique avec une diminution du nombre de crises sur des sujets atteints du phénomène de Raynaud (2) (3). Sur des sujets sains, le bénéfice est significatif sur l’augmentation de la microcirculation dans les doigts (4). A choisir en extrait standardisé afin de garantir la composition de la préparation.
De plus, l’ail a démontré ses effets sur la fluidification du flux sanguin et la vasodilatation des vaisseaux périphériques. Les études portent sur des sujets atteints de pathologies cardio-vasculaires (5). Mais aussi sur des sujets sains. Ainsi, une augmentation significative de la microcirculation cutanée a pu être mesurée sur ce dernier groupe (6). Les sherpas l’utilisent depuis des décennies pour les ascensions en haute altitude. Alors, consommez-le cru et fraîchement écrasé au quotidien pour bénéficier de ses propriétés.
Se frictionner
Enfin, appliquez un baume chauffant ou une préparation à base d’huiles essentielles en friction vigoureuse 1h avant la sortie sur les groupes musculaires les plus sollicités ainsi que les pieds et les mains. Car cette préparation vous permettra d’activer la circulation sanguine et de stimuler les récepteurs thermiques de la peau.
Par ailleurs, les huiles essentielles de gaulthérie couchée (Gaultheria procumbens wintergreen), de cannelle de Ceylan (Cinnamomum zeylanicum) ou de thym à thujanol (Thymus vulgaris CT THUJANOL) diluées à 15% dans une huile végétale sont particulièrement indiquées. Vous apprécierez leur effet chauffant surprenant !
Attention, l’usage des huiles essentielles est contre-indiqué aux femmes enceintes et allaitantes ainsi qu’aux enfants de moins de 6 ans. En cas d’antécédents médicaux, de pathologies ou de traitement en cours, référez-vous à un professionnel de santé.
Cet article est proposé par Caroline Milenkovic Messin, grimpeuse et naturopathe spécialisée dans l’accompagnement des sportifs de montagne.
Sources
(1) Westerterp-Plantenga M, Diepvens K, Joosen AM, Bérubé-Parent S, Tremblay A. Metabolic effects of spices, teas, and caffeine. Physiol Behav. 2006 Aug 30;89(1):85-91. doi: 10.1016/j.physbeh.2006.01.027. Epub 2006 Mar 30. PMID: 16580033.
(2) Muir AH, Robb R, McLaren M, Daly F, Belch JJ. The use of Ginkgo biloba in Raynaud’s disease: a double-blind placebo-controlled trial. Vasc Med. 2002;7(4):265-7. doi: 10.1191/1358863x02vm455oa. PMID: 12710841.
(3) Choi WS, Choi CJ, Kim KS, Lee JH, Song CH, Chung JH, Ock SM, Lee JB, Kim CM. To compare the efficacy and safety of nifedipine sustained release with Ginkgo biloba extract to treat patients with primary Raynaud’s phenomenon in South Korea; Korean Raynaud study (KOARA study). Clin Rheumatol. 2009 May;28(5):553-9. doi: 10.1007/s10067-008-1084-9. Epub 2009 Jan 22. PMID: 19159999.
(4) Jung F, Mrowietz C, Kiesewetter H, Wenzel E. Effect of Ginkgo biloba on fluidity of blood and peripheral microcirculation in volunteers. Arzneimittelforschung. 1990 May;40(5):589-93. PMID: 2383302.
(5) Kiesewetter H, Jung F, Pindur G, Jung EM, Mrowietz C, Wenzel E. Effect of garlic on thrombocyte aggregation, microcirculation, and other risk factors. Int J Clin Pharmacol Ther Toxicol. 1991 Apr;29(4):151-5. PMID: 2071264.
(6) Jung EM, Jung F, Mrowietz C, Kiesewetter H, Pindur G, Wenzel E. Influence of garlic powder on cutaneous microcirculation. A randomized placebo-controlled double-blind cross-over study in apparently healthy subjects. Arzneimittelforschung. 1991 Jun;41(6):626-30. PMID: 1930351.
Crédits photos : Caroline Milenkovic Messin