Cannabidiol (CBD) : produit miracle ou effet de mode ?
Le Cannabidiol (CBD) est devenu très tendance en France. Marketing oblige, on le trouve sous différentes formes : infusion, huile pour le vapotage, gouttes, gummies, cosmétiques… C’est pourquoi beaucoup de sportifs – et même de grimpeurs – se tournent vers cette substance active, de type cannabinoïde, dérivée du chanvre. Mais quels sont les effets ? Est-ce dangereux ? La Fabrique verticale fait le point.
Le Cannabidiol (CBD) est un un composant chimique dérivé d’une plante, le chanvre, de son nom scientifique Cannabis sativa L. Comme on le sait, la culture de cette plante est largement répandue depuis la nuit des temps, dans les régions tempérées et tropicales. En particulier en tant que drogue, pour l’usage récréatif qui en est fait. Mais aussi plus largement, pour les fibres textiles qui en sont extraites et dont les utilisations sont multiples (vêtements, cordages, isolation, etc.). Ou encore pour ses graines, dont on fait une huile.
Très en vogue, le Cannabidiol (CBD) a fait son apparition dans le commerce dernièrement. Il est utilisé à des fins médicinales et thérapeutiques. Il est considéré comme un composé prometteur dans le domaine du sport pour aider les athlètes à gérer les blessures, l’anxiété, le stress ou les troubles du sommeil. Et contrairement au THC (tétrahydrocannabinol ou Δ9-THC), principe actif présent dans le cannabis et la marijuana, le CBD est en vente libre et n’a pas les mêmes effets euphorisants.
Est-ce une drogue ?
Le CBD vendu en France est extrait d’une variété de cannabis autorisé à la culture car contenant moins de 0,3% de THC. On peut donc acheter librement et légalement du CBD. Ce n’est bien sûr pas le cas du cannabis, qui lui est classé parmi les drogues. D’ailleurs, c’est l’une des drogues les plus consommées au monde, y compris par les grimpeurs. Que ce soit sous forme d’herbe (sommités florales et feuilles séchées) ou sous forme de résine, autrement appelée haschisch (solide compressé composé des parties résineuses de la plante).
Concrètement, le Cannabidiol (CBD) est une substance psychotrope mais n’est pas considéré comme un stupéfiant. Pour autant, la Mildeca (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) reste prudente et circonspecte, estimant tout de même que cela reste une substance qui “peut avoir des interactions avec d’autres molécules. Notamment avec des médicaments de type anti-épileptiques, anticoagulants, ou immunosuppresseurs”. D’ailleurs, les réglementations concernant son utilisation varient d’un pays à l’autre.
Quels sont les effets attendus du Cannabidiol (CBD) ?
Les officines vantant les mérites du CBD sont nombreuses. Comme elles se plaisent à le souligner, les indications sont prometteuses. En théorie, il peut être utilisé pour traiter divers symptômes. Par exemple la douleur chronique, l’anxiété, la dépression, l’inflammation, les troubles du sommeil, etc. C’est pourquoi, en raison de ses propriétés anti-inflammatoires et analgésiques supposées, nombreux sont les sportifs qui se tournent vers cette “plante miracle”. Les grimpeurs commencent aussi à l’utiliser, dans le sillage d’Adam Ondra, qui en a d’ailleurs parlé dès 2017, soulignant le bénéfice-risque.
Adam Ondra n’est pas le seul à faire la promotion du CBD. “J’adore utiliser la pommade au CBD après l’entrainement, sur mes muscles et sur mes doigts qui en ont vraiment besoin ! » a par exemple déclaré la grimpeuse professionnelle Alex Puccio sur son compte Instagram.
Car le CBD pourrait aider dans le cadre de la récupération. Après un entrainement intense, par exemple. Également pour améliorer le sommeil ou le aider à gérer le stress la veille d’un événement. Ou encore pour soulager des douleurs quand on revient de blessure. Au passage, notez que l’Agence mondiale antidopage autorise désormais la prise de cannabidiol (CBD) dans le sport de haut-niveau. Alors qu’elle a maintenu tous les autres cannabinoïdes sur sa liste des interdictions.
Effets sur la santé : les limites du cannabidiol (CBD)
Pour autant, les effets du cannabidiol semblent en réalité limités. Si le produit a des vertus apaisantes, elles sont modestes. Une large étude a récemment montré une absence de différence versus placebo dans une cohorte de 144 patients atteints de cancers. Rien de révolutionnaire donc… D’ailleurs, les produits contenant du CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques.
Bref, “on est davantage ici dans une logique économique que dans une réelle stratégie autour de la santé même si cela se raccroche parfois à des allégations scientifiques, mais sans aucun fondement démontré”, comme l’explique le Pr Nicolas Authier, médecin psychiatre et addictologue, Chef de service de Pharmacologie médicale et du Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur du CHU de Clermont-Ferrand.
Cannabidiol (CBD) et sport : plante miracle ou effet de mode ?
Difficile à dire ! Certes, des études précliniques sur des modèles animaux suggèrent que le CBD pourrait être utile en raison de ses propriétés anti-inflammatoires, analgésiques, anxiolytiques, neuroprotectrices et de son influence sur le cycle veille-sommeil. Malheureusement, presque aucune donnée clinique n’est disponible sur le CBD dans le contexte de l’exercice. Ceci rend son utilisation dans le sport encore prématurée. Car actuellement, on ne dispose que d’un nombre limité d’essais cliniques. Et ces essais ont été menés sur des populations non sportives.
Comme le montre cette étude, si le CBD n’entraine pas de dépendance, il possède des propriétés qui n’ont pas été évaluées de manière adéquate dans le domaine du sport. De plus, peu de contrôles qualité sont effectués sur les produits mis sur le marché. Et certaines formulations de CBD contiennent du THC à des taux supérieurs à la réglementation. Attention aux produits de mauvaise qualité qui peuvent donner lieu à un test de dépistage positif. Par conséquent, tout ceci ne permet pas de conseiller aux sportifs et aux grimpeurs d’utiliser ce cannabinoïde.
Le cannabidiol, est-ce dangereux ?
Dernière question, et non des moindres. Car on est en droit de s’interroger sachant que la recherche a si peu de recul sur le sujet. Surtout que les produits sont vendus librement dans le commerce. Si, en effet, le CBD a peu d’effets sur la performance sportive et la récupération, tout au plus peut-on se dire qu’on peut facilement faire l’économie de ce genre de substances. Car alors, le CBD est surtout dangereux pour le porte-monnaie !
Mais si en plus, il s’avère que le produit est nocif, ça devient plus problématique… Or il semblerait que la consommation de CBD soit susceptible de provoquer des effets indésirables, comme le montre cette étude de 2019 : des troubles gastro-intestinaux (diarrhées, vomissements, perte d’appétit) mais aussi des troubles de la vigilance (somnolences, vertiges, léthargie) ou encore des poussées de fièvre. En particulier lorsque le produit est consommé à forte dose.
Enfin, il semblerait que les risques liés à la voie fumée du CBD soient “établis”. C’est ce qu’a confirmé la Midelca en décembre 2021. “En particulier, de nombreux éléments cancérigènes proviennent de la combustion des substances organiques.” Dernière mise en garde, d’ordre éthique cette fois-ci ! “Les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion (…) et faire ainsi la promotion du cannabis, dont la consommation peut être source de dépendance et altérer le fonctionnement cérébral”.