Entrainement chez les jeunes : à quel âge commencer à forcer ?
On assiste à une véritable explosion de petits prodiges qui, à force d’investissement, cassent les standards en falaise. Et percent très tôt en compétition. Attention toutefois, l’enfant n’est pas un adulte en miniature. Et transposer tel quel l’entrainement des adultes à ces jeunes générations n’est pas exempt de risques. La Fabrique Verticale fait le point.
Certains jeunes réalisent aujourd’hui des performances ahurissantes. Ils évoluent dans des cotations qui étaient réservées jusque là à des grimpeurs de haut-niveau. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. D’un point de vue anthropométrique : un excellent rapport poids/puissance et des doigts de petite taille. D’un point de vue physiologique : un métabolisme produisant moins d’acide lactique à l’effort et une récupération plus rapide.
D’un point de vue psychologique enfin, on constate une totale absence d’inhibitions qui leur permet d’essayer sans complexe des voies ou de blocs dont les cotations représentent des barrières inconscientes pour bien des adultes. Performances qu’ils reproduisent en compétition sans se poser de questions, en se surclassant parfois chez les seniors.
Jusque-là, tout va bien. Mais le revers de la médaille, quand on creuse au-delà de ces performances hors norme, c’est qu’on constate, sur de nombreux jeunes grimpeurs qui veulent suivre la trace de ces Ashima et autres mutants en culotte courte, des dommages qui peuvent s’avérer irrémédiables, sur des organismes encore en pleine croissance. Tous ces jeunes ne franchiront pas forcément le cap du 9a et ne monteront pas sur des podiums. Alors, parents, entraîneurs, de grâce, un peu de mesure dans les charges d’entraînement !
Des contraintes de l’entraînement sur la croissance
Les blessures les plus classiques chez les jeunes grimpeurs qui suivent un régime d’entraînement intensif sont des lésions de surmenage. Celles-ci touchent les tendons, les os, les articulations. On trouve notamment des fractures de fatigue et des lésions au niveau des plaques de croissance des doigts. Parfois même des ruptures de poulie… Ces lésions précoces sont liées d’une part à un entraînement inadapté et d’autre part aux spécificités corporelles des jeunes.
Les jeunes grimpeurs sont en effet en pleine croissance et les contraintes d’un entraînement trop poussé disproportionnées au regard de leurs caractéristiques physiques. Leurs cartilages sont mous et il y a souvent un décalage marqué entre leur développement musculaire et leur maturation osseuse. En moyenne, la croissance osseuse se termine vers 16 ans chez les filles et vers 18 ans chez les garçons.
Comme l’explique Volker Schöffl, médecin de l’Équipe d’Allemagne d’escalade, “Chez les adolescents, le cartilage de conjugaison permet la croissance osseuse, il ne faut donc pas le traumatiser outre mesure. L’escalade sur petites prises, la préhension “arquée” ainsi que le pan Güllich sont à éviter. Ce dernier outil ne devrait pas être utilisé trop tôt, ou alors en douceur. Car il expose le cartilage de conjugaison de la phalange intermédiaire à des tensions énormes : la croissance peut alors être altérée, voire stoppée. L’articulation peut également être atteinte (déformation et gonflement).”
Escalade et croissance : les bonnes pratiques
Les exercices très intenses (type Pan Güllich, entraînement lesté, etc) ne devraient jamais être envisagés sur des grimpeurs n’ayant pas fini leur croissance. Tant que les enfants n’ont pas atteint la puberté, il est déconseillé d’envisager un entraînement uniquement basé sur la force. Cela ne signifie pas qu’il faut l’exclure mais cela doit s’envisager de manière très raisonnée et contrôlée (pas de charge additionnelle, travail à poids de corps, nombre de séries et de répétitions réduits). Privilégier au maximum un travail en endurance, à intensité moyenne. Le métabolisme des enfants y est particulièrement adapté.
Il est plutôt souhaitable d’enrichir le bagage gestuel et de faire varier les situations d’escalade. Ce doit d’ailleurs être des priorités pour tout parent ou entraîneur en charge d’enfants et de pré-adolescents. Toujours explorer la dimension gestuelle, la coordination, la technique, pour faire prendre conscience des mouvements et des bons placements. Plutôt que vouloir immédiatement baser l’entraînement sur des aspects physiques. Plus l’enfant est jeune, plus l’entraînement doit être multiforme et privilégier, bien évidemment, le plaisir et le jeu !
Faites pratiquer toutes sortes d’activités physiques différentes à vos enfants, et pas seulement de l’escalade ! Même si c’est votre passion et que vous aimeriez bien avoir engendré le nouvel Adam Ondra 😉 C’est le meilleur moyen qu’ils s’épanouissent et se développent harmonieusement ! En résumé, ne forcez jamais vos enfants à grimper ! C’est par une approche équilibrée de l’escalade, et non par une approche monomaniaque de l’activité, que les jeunes sont les plus susceptibles de rester en bonne santé, épanouis et placés sur une trajectoire de vie stable.
Photos coll. Ashima Shiraishi, Eric Hörst et Lucas Meignan
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