Escalade et reprise en exterieur : les 7 questions qu’on se pose
Alors, ça y est, le Ministère des Sports a autorisé la reprise de la pratique de l’escalade et des activités de montagne. Bien évidemment de façon progressive, responsable et dans le respect des mesures sanitaires et sécuritaires. Toutefois quelques points peuvent encore sembler peu clairs. Escalade et reprise en exterieur : les 7 questions que tout le monde se pose.
C’est désormais officiel. Le Ministère des Sports a publié des guides pratiques post-confinement liés à la reprise des activités physiques et sportives. Les recommandations officielles pour la reprise de l’escalade en extérieur y figurent. Ça signe donc le feu vert pour notre activité.
Toutefois, précisons la pratique va rester soumise à un certain nombres de règles et recommandations :
- Tout d’abord les règles qui découlent du cadre général fixé par le gouvernement (règle des 100 km notamment, distanciation sociale, gestes barrières…). En outre, la reprise des activités verticales est susceptible d’évoluer. Notamment en fonction de la situation sanitaire et des comportements observés sur le terrain…
- Ensuite localement les décisions des Maires et des Préfets, qui par arrêtés peuvent (ou ont pu) limiter l’accès à certaines zones géographiques. Par conséquent, il est nécessaire de se renseigner précisément sur l’accessibilité des sites, sur la levée des arrêtés, surtout si vous habitez dans un département classé rouge.
- Enfin, il faut tenir compte des recommandations du Ministère des Sports exposées dans ses 4 guides pratiques. Et en particulier celles qui figurent dans le guide d’accompagnement de reprises des activités sportives (pages 51 et suivantes, concernant l’escalade)
Escalade et reprise en extérieur : les recommandations générales en bref
Seul le bloc et la falaise sont autorisés par le Ministère. La pratique en grandes voies n’est pas autorisée. Les gestes barrières restent d’actualité. De plus des recommandations spécifiques au contexte s’appliquent. En voici le détail :
Toutefois, même si l’escalade figure bel et bien sur la liste des sports officiellement autorisés par le Ministère des Sports, quelques questions peuvent surgir. La Fabrique verticale fait le point. Escalade et reprise en extérieur : les 7 questions que tout le monde se pose.
Prendra-t-on des risques à toucher le rocher quand un grimpeur vous aura précédé dans un itinéraire ?
Oui. Pour ce qui a trait au Covid-19, ce que vous devez prendre en compte, c’est qu’il s’agit d’un virus dont la transmission est aérienne. C’est-à-dire qu’il se transmet par la toux, la parole, les éternuements… Donc, le problème est qu’il contamine aussi les surfaces, que l’on peut être ensuite amené à toucher, comme le rocher. Si alors vous portez vos mains à la bouche, au nez ou aux yeux, vous pouvez l’attraper.
Toutefois, a priori, le virus ne se propage pas directement à travers la peau. En tout cas, au regard des connaissances actuelles… Mais la recommandation du Ministère de se désinfecter les mains entre chaque longueur ou chaque passage est tout à fait pertinente. À l’eau et au savon biodégradable quand cela est possible ou au gel hydroalcoolique, faute de mieux. Même si concrètement, ça va demander une certaine organisation et logistique.
La magnésie liquide peut-elle se substituer au gel hydroalcoolique ?
Non. On aurait aimé pouvoir vous dire oui pour faciliter escalade et reprise en extérieur… Mais c’est non. Même si le Ministère en recommande préférentiellement l’usage. Certes, la présence d’alcool dans sa composition est plutôt de nature à nuire au virus. Tout comme le pH basique de la magnésie. Mais contrairement à ce qu’on a pu lire ici ou là, la magnésie liquide ne peut pas remplir les mêmes fonctions qu’un gel hydroalcoolique. Voici pourquoi.
Tout d’abord en raison de sa composition. Un gel hydroalcoolique doit être fabriqué à partir d’isopropanol 99,8% ou d’éthanol 96%. Or, dans les faits, il est difficile de savoir quelles magnésies liquides sur le marché en contiennent réellement. De plus, chaque fabricant gardant secrète sa recette, il est difficile d’obtenir des infos précises sur la proportion d’alcool et le degré alcoolique réellement utilisés.
Ensuite, parce que de toutes façons, l’OMS préconise l’utilisation d’eau savonneuse préférentiellement aux solutions hydroalcooliques pour la désinfection des mains. Et malgré tout, si on utilise ces dernières, et toujours selon l’OMS, il faut le faire durant 20 à 30 secondes minimum. Or dans la magnésie liquide, l’alcool ne sert que de solvant et seule la magnésie reste sur la peau une fois que l’alcool s’est évaporé. Et ce généralement bien avant les 20 à 30 secondes préconisées pour une désinfection efficace…
Faut-il désinfecter ses EPI ? Y a t il des risques de contagion du virus entre grimpeurs en partageant le matériel ?
Oui. Puisque le virus peut survivre plusieurs heures sur une surface. Donc en pratique, même si chaque grimpeur pratique avec sa corde, le danger n’est pas totalement absent. Car chacune des deux cordes va être touchée par l’assureur respectif de chaque grimpeur… Bien sûr, le Ministère recommande de se désinfecter les mains entre chaque voie. On pourrait ajouter également avant d’assurer son partenaire.
Beal a d’ailleurs proposé ses recommandations pour la désinfection des EPI. C’est le cas également de Petzl et de la marque italienne Climbing technology, qui s’appuie pour ses recommandations sur un article scientifique paru dans la revue Lancet (Stability of SARS-CoV-2 in different environmental conditions. Lancet Microbe 2020). La période d’isolement des EPI de 72h indiquée par Beal et Petzl ne leur semble pas suffisamment précautionneuse. Ils recommandent donc de l’allonger jusqu’à 7 jours.
À La Fabrique verticale, nous attirons également l’attention des grimpeurs sur le fait que de faire tremper et de sécher à répétition un équipement textile va obligatoirement accélérer son vieillissement, il faudra être particulièrement attentif à l’état des équipements avant chaque utilisation et mettre au rebut en cas de doute.
Pour les dégaines, pas de problème a priori si chacun grimpe en tête, pose ses propres dégaines et les récupère à la descente. Attention toutefois à la chaîne du relais, qu’on va être amené à toucher à tour de rôle. Attention aussi aux moulinettes, si le second récupère les dégaines… Enfin attention également (et plus que jamais) aux dégaines en place et à demeure dans certaines voies dures.
Pour ce qui est du harnais, du sac à magnésie, des appareils d’assurage, si chacun a les siens et ne les échange pas, pas de problèmes a priori. Idem en bloc, où le Ministère préconise d’avoir chacun un crashpad individuel, et ses propres sacs à magnésie et brosses, ce qui est pertinent.
Faut-il porter un masque à l’assurage ou en grimpant ?
A priori non. Quand on assure, le port du masque avait d’abord été recommandé dans les propositions de la Coordination Montagne. Mais au final, rien de tel n’est indiqué sur les recommandations du Ministère. Dans les faits, il est vrai que grimper avec un masque ne facilite pas la respiration. De plus le risque de contamination est a priori écarté dès qu’on est en hauteur.
Ceci semble donc plaider en faveur de la non-utilisation du masque ou de son retrait lors des phases d’escalade, si on en portait un à l’assurage. Reste que les manipulations (retrait et remise en place du masque) vont demander une logistique et une méthodologie rigoureuse. Pas forcément très facile à mettre concrètement en place. Et dans les faits, le Ministère préconise de son côté le strict respect de la distanciation sociale : 1,5m chaque grimpeur.
Faut-il porter des gants à l’assurage ?
Pas forcément. Ce n’est en tout cas pas spécifié sur le guide publié par le Ministère. Bien que cela fasse partie des recommandations initiales de la Coordination Montagne. Mais attention toutefois. En effet, l’OMS précise que le fait de se laver les mains régulièrement protège mieux contre le COVID-19 que le port de gants. Car le virus peut se retrouver sur les gants. Alors il y a un risque de contamination si vous vous touchez le visage avec les gants. Ou lorsque vous enlevez et remettez ceux-ci. C’est pourquoi, sans doute, le Ministère l’a retiré des conduites à adopter.
Si on grimpe dans des secteurs au soleil, est-on plus protégé ?
Non. Certes il semblerait que le virus résiste plus longtemps dans des environnements froids que dans des environnements chauds. Donc il est vrai que si un rocher a été frappé par le soleil pendant quelques heures, le virus sera peut-être moins susceptible d’être présent sur cette surface.
Cela dit, en terme de protection, ceci ne vaut que pour une voie parcourue plusieurs heures auparavant par un autre grimpeur susceptible d’être contaminé. Par conséquent, grimper au soleil ne vous protègera pas plus si vous allez dans une voie juste après celui-ci. Puisqu’il semblerait que le virus puisse survivre plusieurs heures sur une surface.
Par conséquent, le conseil qui est d’ailleurs celui de la Coordination montagne sera plutôt d’éviter les blocs ou les secteurs trop fréquentés. Le Ministère limite de toutes façons à 10 personnes la pratique en groupe. À La Fabrique verticale, nous ajouterions volontiers le conseil suivant : d’éviter aussi, autant que possible de grimper dans une voie (ou un bloc) qui vient d’être parcourue, même si normalement chaque grimpeur doit impérativement se désinfecter les mains au gel hydroalcoolique entre chaque voie ou chaque passage.
La pratique des grandes voies est-elle compatible avec le respect des gestes barrières et de distanciation sociale ?
Non. Et d’ailleurs le Ministère en a interdit la pratique. C’était sans nul doute une des formes de pratique où l’application des recommandations de la Coordination montagne aurait été la plus compliquée à mettre en œuvre. Quid de la distanciation sociale au relais, même à 2 par cordée ? Comment aurait-on fait pour récupérer les dégaines ? Comment se serait-on fait passer le matériel ? N’y avait-il pas, de facto dans cette forme de pratique, échange de matériel ? Donc, selon nous, le Ministère a arbitré de façon très pertinente sur ce point.
Certes, l’utilisation d’un masque au relais et la désinfection des mains entre chaque longueur, préconisées par la Coordination montagne, n’étaient pas impossibles à mettre en œuvre. Mais c’était quand même l’usine à gaz et il aurait aussi fallu en tenir compte dans le calcul prédictif des horaires pour le temps de parcours de la voie…
Escalade et reprise en extérieur : Dernières remarques
Il nous semble aussi utile de préciser qu’il faudra bien faire attention à ne pas s’échanger les bouteilles d’eau, au pied des blocs ou des voies. De même pour la nourriture, qui devra être gérée de manière individuelle. On n’en est pas encore aux pique-niques conviviaux en falaise… Par ailleurs, il faudra aussi faire attention lors de la consultation du topo et éviter de se le faire passer de main en main. Sauf à envisager une désinfection des mains au préalable…
Escalade et reprise en extérieur : avec qui reprendre ?
Enfin, pour toutes les raisons qui précèdent, il nous semble, à La Fabrique verticale, que la reprise en escalade en extérieur devrait déjà s’envisager en famille ou en couple… En tout cas avec ceux avec qui on a été confinés et dont on sait qu’ils continuent à être prudents. Évidemment ce n’est qu’un conseil de bon sens.
Bien évidemment, tout ceci ne dispensera pas de respecter les règles de distanciation sociale si l’on croise d’autres grimpeurs et de limiter à 10 personnes la fréquentation d’un secteur. D’une part pour limiter la transmission du virus. D’autre part pour éviter de voir rapidement les secteurs de grimpe interdits, à cause d’un manque de responsabilisation de la communauté.
La distanciation sociale n’a aucun sens pour des personnes d’un même ménage (couple, parent-enfant, fratrie). Par exemple,la pratique d’une grande voie ne pose pas de problème dans ce cas.
Il me semble que l’on aurait pu s’en tenir aux mesures prinipales (masque et désinfection) plus simples à mettre en œuvre. Si l’on se plie à la désinfection des mains avant de monter et/ou d’assurer, il n’y a pas de risque de contaminer un matériel ou même la corde par contact… et si l’on porte un masque idem pour les gouttelettes ! Dans tous les cas, il sera impossible d’apporter la preuve formelle que quiconque aura été contaminé ou aura contaminé à l’occasion d’une séance de grimpe.
… et Idem pour les grandes voies !
Merci pour ces infos très claires 😉
Cependant un point de langage : ne pas confondre distanciation sociale et distanciation physique. Ce n’est pas la même chose …