JO de Tokyo 2020 : quel bilan pour l’escalade ?

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Les JO de Tokyo se sont achevés il y a un mois. L’escalade, pour la première fois de son histoire, y faisait son entrée, dans le contexte très particulier de la pandémie. Quel bilan dresser de cette première expérience olympique ? Quelles retombées pour la filière ? Un travail d’introspection à long terme sera sans doute nécessaire. En attendant, La Fabrique verticale fait déjà un premier état des lieux…

Ces JO de Tokyo passeront inévitablement à la postérité comme les Jeux de la pandémie. Organisés sans public et un an après un premier report, ils ont d’ailleurs conservé leur nom curieusement anachronique de Tokyo 2020. C’est dans ce contexte peu festif que l’escalade a fait son entrée parmi les disciplines olympiques.

Alors, que faut-il retenir de l’arrivée de l’escalade dans le giron olympique ? Quel bilan dresser pour l’escalade après les JO de Tokyo ? Sans esprit de polémique, La Fabrique verticale a listé les aspects positifs de cette première participation et les points qui semblent plus problématiques. Beaucoup de questions sont d’ailleurs restées en suspens, une fois les émotions passées et les médailles décernées.

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JO de Tokyo : du côté plus

Il faut tout d’abord noter qu’à l’occasion des JO de Tokyo, un formidable coup de projecteur a été porté sur notre activité. Véritable fête du sport, les Jeux Olympiques sont en effet l’occasion pour le grand public d’élargir le spectre, d’ouvrir le champ des possibles et de découvrir de nouvelles disciplines qu’il se surprend parfois à aimer.

C’est ainsi que bon nombre de téléspectateurs a pu se familiariser avec l’escalade sportive, et l’apprécier sous la forme du combiné (vitesse, bloc, difficulté). C’est, sans conteste, l’aspect le plus positif de l’arrivée de l’escalade parmi les disciplines olympiques. Même si, soyons clair, le grand public n’a souvent retenu que la vitesse, du fait d’une couverture médiatique parfois tronquée, ne mettant l’accent que sur la discipline la plus spectaculaire des trois épreuves du combiné.

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Toutefois, ces retransmissions ont donné une image jeune, dynamique et positive de notre sport, à l’instar du surf ou du skateboard, qui faisaient également leur entrée. Elles ont permis de sortir des sempiternelles représentations associant l’escalade à de l’alpinisme. Et elles ont médiatisé des athlètes qui réalisent des performances hors norme, sans avoir jusque-là la reconnaissance qu’ils méritent.

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JO de Tokyo : du côté moins

Après un long travail de lobbying mené par les fédérations, et en particulier l’IFSC, l’escalade a donc fini par voir sa candidature acceptée par les instances du CIO. Seule ombre au tableau, une seule médaille pouvait être décernée. Il a donc fallu faire un choix. Soit faire rentrer une seule des disciplines (bloc, difficulté ou vitesse). Soit opter pour un format inédit, celui du combiné. Un dilemme presque aussi difficile à résoudre que de trouver les méthodes dans le dernier bloc de la finale hommes !

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Ce format un peu hybride du combiné a déjà fait couler beaucoup d’encre. Par conséquent, nous ne nous étendrons pas plus longuement à ce sujet. Mais pour résumer, il a suscité quelques interrogations parmi les grimpeurs les moins enthousiastes à l’idée de l’entrée de l’escalade aux Jeux :

  • Le combiné n’est-il pas très éloigné de la pratique et de son éthique originelle ? Dans la vraie vie, quel pourcentage de grimpeurs pratique régulièrement la vitesse ?
  • Le combiné est-il si spectaculaire que ça ? N’est-il pas trop long à regarder en intégralité ? Et finalement assez peu compréhensible pour un néophyte qui ne tomberait que sur les épreuves de bloc ?
  • Quid des résultats sportifs ? Le mode de calcul tient-il la route ? Couronne-t-on vraiment les meilleurs grimpeurs du moment ?
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  • N’aurait-il pas fallu plutôt mettre en place un combiné par équipe ? Avec un grimpeur spécialiste par discipline et donc 3 grimpeurs par pays représenté ? Et ce afin de proposer un spectacle de meilleure qualité, avec des athlètes en compétition qui excellent vraiment dans chacune des disciplines proposées et s’affrontent entre eux à armes égales.
  • En bref, en optant pour le format du combiné, n’a-t-on pas dénaturé l’escalade sportive sans pour autant parvenir à en faire un spectacle palpitant ? Les concessions faites à l’essence de l’activité ne sont-elles pas disproportionnées au regard des retombées potentielles ?

Une crise identitaire

On le voit bien, l’arrivée de l’escalade aux JO de Tokyo a suscité une forme de crise identitaire au sein des pratiquants. On observe également un clivage important parmi les grimpeurs de longue date. Certains ne se reconnaissant absolument pas dans ce qui était montré. D’autres souhaitant laisser sa chance à la discipline, même si le format était encore perfectible.

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À noter d’ailleurs que le format devrait être amélioré lors des JO de Paris en 2024. Puisque deux épreuves figureront au programme. D’un côté un combiné bloc-difficulté et de l’autre la vitesse, qui gagnera son indépendance. À voir si sportivement, ce sera déjà un peu plus cohérent ?

Les points d’interrogation qui persistent après les JO de Tokyo

En fait, les points d’interrogation qui persistent pourraient se résumer en une seule et sibylline question. À qui profite l’entrée de l’escalade dans le giron olympique ? Tout d’abord au CIO bien sûr, qui, au travers des nouvelles disciplines, espérait bien rafraîchir son image et toucher un public plus jeune. C’est, semble-t-il, chose faite.

Les fédérations, ensuite, et les acteurs qui ont œuvré à l’entrée de l’escalade aux Jeux, en sortent également grandis, en tout cas sur un plan politique. Mais au-delà de ces considérations, quelles sont concrètement les retombées pour la filière de l’escalade ? Va-t-on vraiment assister à une hausse des licenciés ? À une hausse des abonnements dans les salles ? Et donc aussi, pour les fabricants, à une augmentation des ventes de matériel ?

Difficile de se prononcer pour l’instant. Sachant qu’il y a aussi un effet covid qui a impacté négativement les activités indoor, surtout dans la période estivale, en dépit de la récente mise en place du pass sanitaire. Le dernier trimestre 2021 donnera sans doute plus d’éléments tangibles sur les réelles perspectives en termes de développement pour l’escalade. Bref, wait and see…

L’effet JO : oui mais…

Évidemment, d’autres éléments seront à prendre en compte, pour mesurer l’impact réel de l’entrée aux JO sur l’écosystème de l’escalade. Tout d’abord, il faut noter que l’absence de médailles dans le camp français aura sans doute une influence sur le nombre de nouveaux pratiquants en France, peut-être moins élevé qu’escompté.

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Le contexte sanitaire, ensuite, et la rapidité avec laquelle on sort (ou pas) de cette crise, auront également leur rôle à jouer. Car on a vu qu’à l’échelle globale de la société, les habitudes de consommation et les comportements avaient évolué. Les Français plébiscitent de moins en moins les activités en groupe ou en intérieur. Et se tournent de plus en plus vers les activités de pleine nature. En témoigne la mode du vanlife

Quelles conséquences sur les sites naturels si le nombre de pratiquants augmente ?

En tout état de cause, à l’échelle mondiale, si effectivement le nombre de pratiquants dans les salles et les clubs augmente significativement à la suite des Jeux, un travail de pédagogie sera impérativement à mener pour préserver les espaces naturels. En particulier quand ces nouveaux grimpeurs voudront prendre leur envol et aller en extérieur.

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Suite à la crise sanitaire, qui a initié un mouvement de l’indoor vers l’outdoor, on assiste déjà aux effets pervers de la sur-fréquentation sur certains hot-spots à la mode. Problèmes de parking, gestion des déchets, sécurité, voies patinées, manque d’éducation de la part des néo-pratiquants urbains, usage abusif de la magnésie, etc. Mécaniquement, il est à craindre que cette massification ne fasse que renforcer le phénomène. Le tout dans le contexte épineux d’un déconventionnement des sites naturels…

Car si, à l’échelle de la population, la pandémie a accéléré la prise de conscience des enjeux environnementaux et modifié les habitudes des consommateurs, sur le terrain, paradoxalement, force est de constater que certains comportements laissent encore à désirer. 73 % de Français indiquent que le contexte de crise leur a donné davantage envie de consommer et de voyager responsable. Souhaitons qu’ils mettent aussi en adéquation leurs toutes nouvelles préoccupations écologistes avec leurs comportements en extérieur…

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