La Magnésie : utile en escalade ?

Janja Garnbret perd son sac à magnésie

Pour qui s’intéresse au circuit international des compétitions d’escalade, il est certaines étapes dont on regrette de les avoir regardées. Avec des ouvertures calamiteuses en finale femmes et hommes, on pourrait dire cela d’une étape de coupe du Monde de difficulté qui a eu lieu il y a quelques années à Villars. Encore que…

Car Janja Garnbret a une nouvelle fois, et à sa manière, créé l’événement en égayant les  – très belles – demi-finales.

Cette grimpeuse est tellement au-dessus du lot que cela aurait presque pu passer inaperçu. Mais au début de sa prestation, quelque chose s’est produit qui a sans doute fait sortir de leur torpeur tous les spectateurs qui s’attendaient à assister une nouvelle fois à une petite marche – digestive – vers la finale.

En effet, dès les premiers mètres, l’on vit se détacher puis choir le sac à magnésie de la Slovène…

Au regard de la difficulté de la voie, des conditions météo plutôt tièdes et du nombre de volumes et autres prises plates, cela promettait un peu de sport. Il y en eut.

Mais cela n’empêcha pas Janja de sortir magistralement la voie, cassant par là-même sans doute un peu plus le moral de ses concurrentes, dévolues en ce moment aux accessits.

Au-delà de l’anecdote, pour savoureuse qu’elle soit, plusieurs leçons peuvent être tirées de cet épisode.

La force des automatismes

Bien qu’ayant constaté tout de suite la chute de son sac, Janja a systématiquement continué à porter la main vers l’emplacement de celui-ci, toutes les fois où le besoin s’en est fait sentir.

Il n’y a là rien de surprenant, tant ce geste est automatisé. Et déclenché par deux facteurs concomitants : la nécessité d’assécher la sueur sécrétée par les doigts ; et la possibilité de lâcher une prise, même très brièvement.

En tant que spectateur, on n’y prête guère attention la plupart du temps. Mais cette mésaventure, et la quête chaque fois infructueuse de la précieuse poudre a sans doute pu donner l’impression que ce geste était fait à une grande fréquence.

Mais il ne faudrait pas oublier qu’à ce niveau de difficulté, étant donné le type de préhensions, l’inclinaison du mur et la gestuelle proposée, avoir les mains sèches est primordial pour optimiser la saisie des prises.

Ici, la question n’est pas tant de savoir si la magnésie est utile ou pas à la performance. Car personne ne pourra contester que pour tenir des prises plates, il vaut mieux avoir les mains suffisamment sèches. C’est donc plutôt la question de savoir si on transpire naturellement peu ou beaucoup des mains. Métabolisme très variable d’une personne à l’autre. Et finalement assez peu de grimpeurs peuvent se targuer d’avoir fait du 8c sans magnésie.

mains et magnésie

Un événement perturbant

Quoiqu’on en dise donc, avoir moins de grip pour les préhension signifie :

  • plus d’effort à réaliser pour tenir les prises ;
  • plus d’attention à porter lors du déclenchement des mouvements – a fortiori sur les prises en polyuréthane – pour ne pas zapper de manière intempestive ;
  • moins de possibilités de se relâcher lors des repos, avec le corollaire de devoir repartir plus rapidement que souhaité.

Alors, oui, on peut dire que pour Janja, grimper sans magnésie dans cette voie de demi-finale a été gênant. Et cela a probablement influencé et modifié son rythme d’ascension naturel. En effet, son profil très athlétique lui permet normalement, après chaque pas dur réalisé, de trouver une décontraction, même brève, sur à peu près n’importe quelle prise. Comme elle grimpe assez vite, elle a aussi le temps de se « reposer » plus longuement aux repos prévus par les ouvreurs. Autant d’occasions pour se sécher les mains.

Dans cette demi-finale, c’est plutôt sur les micro décontractions que Janja a paru le plus gênée, devant repartir chaque fois plus vite que prévu.

Ceci n’est cependant qu’une réflexion, très difficile à objectiver, puisque la performance se réalise ici dans une voie à-vue. Illusoire donc l’idée de comparer le rythme observé ici avec celui qu’elle aurait adopté avec de la magnésie, sur un second passage, qui se serait de fait réalisé sur une voie connue…

La force du mental

Une des grandes qualités de cette grimpeuse est qu’elle est « joueuse ». On le remarque particulièrement en bloc et cela fait souvent la différence avec ses adversaires. Janja s’engage à fond dans les mouvements, même les plus aléatoires, se donnant plus de chances de réussir. Je passe bien sûr sur ses qualités physiques de tenue de prise ou sa capacité à enrayer les effets de balans parfois monstrueux, entre autres…

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Pour en revenir à cette demi-finale de Villars, il a été très intéressant de noter quelle a été sa réaction face à cet imprévu fâcheux. Et bien elle a rigolé. Et ce, tout au long de la voie. Quelle bonne farce !!

On pourra rétorquer que de toute façon, Janja était au-dessus du niveau de la voie. Mais tout de même. Cet état d’esprit est un atout très important pour cette championne. On dit souvent qu’une victoire ou que la réussite se joue « au mental ». Sûr qu’ici, prendre le parti de rire de la mésaventure, plutôt que se laisser envahir par des pensées négatives à la suite de la perte du sac à magnésie aura contribué à mieux faire passer la pilule… Et les crux !

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