Le sexe nuit-il à la performance ?
De nombreux sportifs s’abstiennent de tout rapport intime la veille d’une compétition parce que, selon eux, l’acte sexuel serait susceptible de nuire à leurs performances. Dans beaucoup de disciplines sportives, coachs et staff persistent à le penser et excluent les conjoint.e.s. des hôtels la veille des événements. Mais qu’en est-il réellement ? Faut-il bannir le sexe ? Grimper aux rideaux empêcherait-il de grimper tout court ?
Le sexe nuit-il réellement à la performance ? Si c’est le cas, les entraineurs qui exhortent leurs joueurs à l’abstinence la veille des grands matchs seraient dans le vrai. Et les grimpeurs devraient aussi y réfléchir à deux fois, que ce soit à l’approche d’une échéance compétitive ou lorsqu’ils s’apprêtent à aller tenter une voie dure en falaise. Mais apparemment, Adam Ondra n’a pas l’air de suivre le précepte, lui qui passe 365 jours de l’année à performer en falaise et qui vient tout juste d’être papa, manifestement pas par l’opération du Saint-Esprit 😉
Sexe et abstinence : un mythe qui remonte à l’Antiquité
En réalité, cette idée existe depuis la Grèce antique. Déjà en 444 avant J-C, le philosophe grec Platon préconisait aux athlètes du marathon “d’éviter l’intimité sexuelle avant les courses”. Au XXe siècle, le légendaire boxeur Mohamed Ali a raconté avoir observé six semaines d’abstinence avant un combat. Et aujourd’hui encore, les exemples ne manquent pas, que ce soit dans le monde du cyclisme ou du football.
Dans l’Antiquité, on pensait que seule l’abstinence était de nature à assurer l’adéquation parfaite entre le corps et l’esprit – adéquation jugée indispensable à la performance sportive. D’un point de vue éthique, on estimait de plus que les grands accomplissements ne pouvaient découler que de grands sacrifices. Cette idée se perpétue encore dans l’imaginaire collectif, bien qu’atténuée. Mais avec en arrière-plan la peur latente que le taux de testostérone ne chute la veille de l’enjeu.
Aucune preuve scientifique
En réalité, aucune preuve scientifique ne vient véritablement étayer cette thèse. Bref c’est un mythe qui a la peau dure. Au cours des dernières décennies, plusieurs études scientifiques ont cherché à déterminer si le sexe avant une compétition est véritablement susceptible de dégrader le niveau des performances des athlètes. Et tous les résultats vont dans le même sens. Il n’y a pas de raison scientifique objective d’observer une quelconque abstinence sexuelle la veille d’une échéance sportive.
Nombreuses sont les études. Par exemple l’impact du sexe sur les qualités de force a été évalué dans les années 60. Ainsi un groupe de femmes âgées de 24 à 49 ans a été testé à deux reprises. Une 1ere fois le lendemain d’ébats amoureux, une seconde fois, six jours plus tard, sans que rien ne se soit passé la veille. Aucun effet ne fut constaté, dans un sens comme dans l’autre, puisque leurs performances apparurent semblables dans les deux cas !
Même constat sur les qualités d’endurance. En 1995, une équipe de chercheurs américains de l’Université du Minesotta s’est livrée à une expérience similaire avec un groupe d’hommes. Cette fois-ci, c’est l’endurance qui a été évaluée lors d’un test d’effort sur vélo. Là-encore, aucune différence claire ne fut constatée, qu’ils aient eu ou non un rapport sexuel 12 heures plus tôt.
Sexe la veille d’une échéance sportive : les effets supposés, physiques ou psychologiques
Selon le physiologiste américain Tommy Boone, “les rapports sexuels avant une performance sportive n’ont pas d’impact notable. Car la dépense énergétique est équivalente au fait de monter deux étages d’un escalier. Pour faire simple, pour perdre ne serait-ce que 250 calories, il faudrait avoir un rapport sexuel non-stop pendant 40 minutes hors préliminaires. Et combien de gens se livrent à des rapports sexuels jusqu’à l’orgasme pendant 40 minutes ?”
Quant à l’impact psychologique parfois mis en avant, il s’inscrit dans l’idée qu’une frustration sexuelle avant une compétition rendrait les sportifs plus agressifs et plus concentrés. Donc potentiellement plus performants. Mais là encore les arguments sont battus en brèche par la recherche. Et pour certains scientifiques, le sexe pourrait même constituer un moyen judicieux d’évacuer les tensions la veille d’une échéance sportive et permettre de trouver plus facilement le sommeil, chez les sportifs anxieux.
À consommer avec modération
Il ressort de tout ceci que le sexe a finalement peu d’impact sur la performance sportive. Alors pourquoi s’en priver ? Bien évidemment, c’est plus le contexte auquel il pourrait être associé qui serait de nature à générer des contre-performances. Fête, consommation d’alcool ou de stupéfiants, dette de sommeil importante : autant d’éléments qui sont peu susceptibles de favoriser les croix le lendemain… Mais mis à part ça, rien n’empêche de s’ébattre sous la couette. À condition que ça ne vire pas au marathon sexuel 😉