Udo Neumann, un entraîneur fantasque
Udo Neumann est un personnage atypique : auteur, vidéaste extrêmement créatif et coach à plein temps de l’Équipe de bloc d’Allemagne. Derrière son côté bohème se cache un observateur attentif et un fin technicien. Depuis plusieurs années, il entraîne Jan Hojer et Julianne Wurm, qui ont remporté ce week-end le titre de Champion d’Europe de bloc, à Innsbruck.
Quel est ton niveau d’intervention auprès des bloqueurs allemands Jan Hojer ou Julianne Wurm ?
Je dirais que la part la plus importante est un travail de préparation technique et de prise en compte des aspects psychologiques. Ils sont déjà très forts physiquement et savent déjà parfaitement comment arriver en forme. Je les observe et je prête attention à ce qui peut les limiter dans leur escalade. Généralement ce sont d’infimes détails. Mais si je vois quelque chose qui n’est pas efficient à 100%, j’interviens. En fait, la forme, c’est un concept un peu flou. On n’est pas en forme pour toutes les activités, on est seulement prêt à réaliser certaines tâches, c’est très spécifique. Et le plus spécifique vous êtes dans la préparation, le plus efficace vous êtes à l’arrivée.
Quelle place donnes-tu à la souplesse dans l’entraînement ?
En bloc, on a besoin de beaucoup de souplesse, mais pas n’importe laquelle souplesse. Par ailleurs, il faut aussi avoir l’esprit souple, flexible, ouvert. Par exemple, Jan, qu’on connaît pour sa force incroyable (capable de tenir la planche avec seulement les petits doigts ou encore d’enchaîner les tractions d’un bras) avait, à mon sens, un problème de souplesse. C’était un point faible. Il n’a pas vraiment apprécié que je lui dise ça la première fois que je lui en ai parlé. Mais il a accepté de travailler cet aspect. Il a fait beaucoup de yoga et des séances à base de mouvements très lents, une heure par jour, tous les matins. Il n’était pas très fan mais ça l’a beaucoup aidé, je crois. Il a eu l’ouverture d’esprit de le faire.
Les séances que tu encadres, telles qu’on peut les voir dans les vidéos que tu produis tout au moins, ressemblent à un “jeu”. Tu peux nous en dire plus là-dessus ?
Oui, c’est une manière pour moi de briser la glace avec mes athlètes. De leur faire comprendre et ressentir que l’on peut expérimenter toutes sortes de choses et faire des erreurs. C’est pour cela qu’on introduit beaucoup de parkour dans la préparation, en gardant à l’esprit cette attitude de jeu. Ce qui me semble important à intégrer, c’est la notion de relâchement. Être relax dans le mouvement, ne pas se crisper, c’est la clef, surtout dans un sport de coordination comme le bloc. Vous devez sans cesse acquérir de nouvelles habilités et la créativité vient dans ces moments où on est relax, où on ne réfléchit pas mais où on ressent les choses. Il faut savoir perdre le contrôle. Trouver le point limite. Adam Ondra, par exemple, a la capacité de se sentir à l’aise dans des situations où il ne contrôle pas tout. C’est pour cela qu’il est très fort, à mon sens.
Est-ce que tu utilises le travail de proprioception ou le cross training dans l’entraînement ?
Oui, tout à fait. Là encore, c’est basé sur le travail des points faibles. Par exemple, Jan avait un problème de laxité de la cheville et en particulier quand il était sur de petits pieds. Evidemment ce n’est pas un point déterminant de la performance en escalade mais faire un travail sur la stabilité de la cheville a pu l’aider. Un autre exemple auquel je pense est une fille de l’Équipe d’Allemagne qui n’aimait pas jeter (c’est souvent le cas avec les filles qui, spontanément, n’aiment pas trop les mouvements dynamiques). En l’observant, je me suis aperçu que son pied était encore parallèle au sol à la fin des jetés et pas complètement étendu. Ça voulait dire qu’elle ne poussait pas complètement sur le pied, pas jusqu’à l’extension complète. Je lui ai fait faire des bondissements et des burpees, des trucs comme ça. D’une manière générale, je cherche à donner des feedbacks très spécifiques à mes athlètes, en fonction de ce que je vois, afin de trouver des exercices propres à chacun et les faire progresser dans leur point faible. Et ce qui marche avec l’un, ne fonctionnera pas forcément avec l’autre !
Écoutez l’interview complète d’Udo Neumann en anglais ici (1h)
Photos (c) Udini
Il y avait cette vidéo très parlante sur ses méthodes d’entraînement https://www.youtube.com/watch?v=0bHF5Yfu_jQ