Ostéopathie et escalade
L’escalade est une activité très complète qui met en jeu l’intégralité du corps et exerce sur lui d’importantes contraintes. Il est donc primordial, et ce plus encore que dans d’autres sports où l’effort est plus “adapté” à la biomécanique humaine, de garder un maximum de mobilité dans les articulations. Anouk Evene, forte grimpeuse niçoise, récemment diplômée d’ostéopathie, nous en dit plus.
L’ostéopathie est une thérapeutique globale qui vise à rétablir la mobilité et la cohérence mécanique du corps en prenant en compte la globalité de l’individu et donc en intervenant sur tous les plans anatomiques. Contrairement à l’idée reçue, l’ostéopathe dispose de toute une palette de techniques très différentes les unes des autres. Il n’est en aucun cas obligé d’en passer par le spectaculaire et parfois redouté “cracking” qui au final n’est qu’une technique parmi d’autres dans son arsenal.
Bien souvent une blessure, une inflammation, une gêne ou tout autre désagrément pouvant entraver notre activité de grimpeurs est le résultat d’une hyper-sollicitation de la zone concernée, hyper-sollicitation souvent compensatrice d’un manque de mobilité dans d’autres articulations. L’ostéopathe va donc aider le grimpeur en harmonisant ses déséquilibres et en redonnant de la mobilité aux articulations qui en manquent afin d’éviter de surcharger de travail les articulations restées mobiles ! Dans l’idéal l’ostéopathie se veut donc préventive et devrait ainsi intervenir avant la blessure afin de l’éviter.
Quels sont les mouvements responsables des déséquilibres du grimpeur ?
Premièrement le classique assurage (que les bloqueurs ne se sentent pas en reste, la parade n’est pas mal non plus). En effet le fait de pencher la tête en arrière lorsque l’on regarde son compagnon de cordée place les cervicales dans une position qui peut à la fois être douloureuse et également accentuer le côté “voûté” bien connu chez le grimpeur du fait de l’important développement des muscles dorsaux ! Ceux qui n’ont pas le mal de mer lorsqu’ils portent des lunettes d’assurage en usent et en abusent, leurs cervicales ne pourront que les en remercier !
Ensuite vient le crochetage de talon, encore une fois ce n’est pas le mouvement le plus physiologique qui soit et les tensions exercées sur la tête du péroné lors de ce type d’effort sont telles qu’elles peuvent créer une restriction de mobilité dans son articulation avec le tibia et ainsi créer un déséquilibre au niveau du genou.
Tout un chacun a surement déjà remarqué que nos genoux ne sont pas particulièrement prévus pour faire des lolottes, qui sont pourtant bien pratiques quand on manque un peu de biceps ;-). Les lolottes vont avoir tendance à bloquer le compartiment externe du genou et à mettre en étirement les ligaments internes.
Griffer un pied loin dans un dévers fait forcer le bassin de façon asymétrique et peut donc créer un décalage et une restriction de mobilité à ce niveau.
Bref, vous l’aurez compris, il existe mille et une manières de se créer des dysfonctions ostéopathiques en grimpant. Mais que l’on se rassure, ces dysfonctions n’apparaissent qu’avec le temps et la répétition d’un mouvement ou lors d’efforts exceptionnellement violents !
Oui mais alors quand faut-il aller voir son ostéopathe ?
La réponse à cette question dépend du niveau d’investissement en escalade. C’est très variable en fonction de l’âge, de l’état de santé et des éventuelles fragilités existantes. Pour un pratiquant régulier (1 à 2 séances par semaine) ne présentant pas de pathologie particulière, un simple contrôle tous les 6 mois semble suffisant. Cela consistera à retrouver la mobilité perdue afin d’éviter l’installation de gênes ou de blessures dans le temps.
En revanche si le grimpeur se connaît une “fragilité” due à une blessure antérieure, un type de mouvement effectué dans son travail etc… il pourra être amené à consulter à l’apparition d’une “gêne” au niveau de cette fragilité afin d’éviter que son corps ne s’adapte et ne lui cause d’autres blocages et d’autres douleurs.
Pour un compétiteur ou une personne grimpant à haut niveau, les périodes de prédilection pour une séance d’ostéopathie seront les suivantes :
- En fin de cycle de préparation physique, car à la fin de ce genre de cycle l’organisme a subi non seulement des contraintes importantes puisque c’est une des périodes où l’on “pousse la machine” mais également des modifications dans son schéma corporel. En effet, la prise de masse musculaire va influencer la posture globale. De la même façon qu’avoir gagné en puissance, au niveau des bras par exemple, demande un temps d’adaptation au niveau du style de grimpe, cela demande aussi au corps et aux articulations de fonctionner différemment, c’est donc le moment opportun pour contrôler et harmoniser la “mécanique”.
- Il sera ensuite intéressant de consulter dans les périodes où la capacité de récupération diminue alors que la charge d’entrainement est inchangée, à l’apparition d’une gêne persistante ou encore lors d’une reprise après plusieurs mois d’arrêt.
- L’ostéopathe a également sa place durant les compétitions où il effectuera un travail différent et beaucoup plus symptomatique afin de palier aux “petites douleurs” des grimpeurs sur l’instant.
Quelle est la place de l’ostéopathie quand la blessure n’a pu être évitée ?
Bien souvent après une opération, à la suite d’une entorse ou dans la prise en charge d’une tendinite, des séances de kinésithérapie seront prescrites. L’ostéopathie ne s’y substitue en aucun cas, le travail des kinés est essentiel et l’ostéopathie est très différente et très complémentaire de la kinésithérapie. Dans l’idéal, l’ostéopathe devrait être consulté lors des premières séances de kiné afin de redonner une cohérence mécanique à la zone traitée pour que le kiné puisse ensuite effectuer son travail dans les meilleures conditions possibles ce qui rend la rééducation plus rapide que lorsqu’elle est effectuée sur une articulation qui n’est pas « harmonieuse » et qui présente des tensions.
Voici donc, dans les grandes lignes, comment vous pouvez intégrer l’ostéopathie à votre pratique de grimpeur !
Je suis assez surpris de voir que certaines techniques comme le crochetage talon ou le griffé en devers soit mis dans la gestuelle à risque.
La perte de mobilité peut-être multi-facteurielle, il est incohérent de l’attribuer à une gestuelle.
Le même constat peut-être fait sur le griffé en devers, ce n’est pas la gestuelle qui entraine un trauma mais le manque de force de la ceinture pelvienne.
D’ailleurs on retrouve souvent ces blessures suites à des charges d’entrainement importantes, favorisant la fatigue et le risque de blessures. Une anamnèse poussée montre souvent que la gestuelle n’est pas la cause première des blessures mais bien l’incapacité des grimpeurs à gérer leurs charges d’entrainement et les phases de repos qui en découlent ou un déséquilibre musculaire entre les chaines….
Je trouve dommage qu’un discours tel quel et non modéré soit diffusé sur ce site.
ps: Il serait bon d’utiliser la nomenclature anatomique actuelle plutôt que l’ancienne.
Bonjour Melvin
merci pour votre contribution.
Concernant les causes de blessures, on ne peut nier, même si ce que vous écrivez est fondé, que certains mouvements propres à l’escalade sont plus risqués que d’autres : oui, les crochets de talon sont susceptibles de générer des problèmes au niveau de la fibula (le péroné pour les non avertis), à cause de la rotation externe de la jambe. Oui, les lolottes entraînent bien une instabilité du genou, en raison de l’hyperflexion ou de la flexion forcée.
D’autre part, l’usage du langage commun pour désigner les parties du corps ne nous choque pas, au contraire : cela rend la contribution d’Anouk plus accessible à la plupart des lecteurs, peu coutumiers de la nomenclature officielle. Gardons-là pour les étudiants ou pour les congrès 😉
Bonjour Olivier,
Nous sommes d’accord pour la lolotte, les ligaments croisés sont très contraints. Je n’ai pas parlé de cette gestuelle.
Pour le crochetage talon, j’aimerais si possible que vous développiez votre explication. Notamment « rotation externe de la jambe », vous parlez de la rotation médiale de la fibule lors flexion dorsale? ou de la rotation externe de la hanche? Que nous puissions parler de la même chose.
Pour ma part, mon discours est: ce n’est pas la gestuelle qui est en cause mais surement d’autres facteurs lié à la personne.
Pour moi la cause d’une perte de mobilité articulaire serait plus de l’ordre clinique dû à des facteurs X plutôt qu’à une gestuelle propre.
De mon avis, accusé une gestuelle plutôt qu’une mauvaise base physique des grimpeurs est une erreur. Les grimpeurs ont beaucoup de déséquilibre musculaire souvent dû à une préparation physique générale inexistante. Essayer de force sur quelque chose de précaire est c’est l’accident, c’est tout à fait normal.
Ce n’est peut-être pas la gestuelle qui vaudrait revoir mais notre façon de penser l’entrainement. Et ça c’est un autre débat…
Bonjour Melvin,
Tout d’abord merci pour vos remarques
Pour vous répondre je dirais premièrement que je n’ai en aucun cas placé les mouvements dont vous parlez ci-dessus dans la catégorie « gestuelle à risque » j’exprime simplement le fait que pour bon nombre ils ne sont pas physiologiques, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’ils soient pathologiques, de plus je précise qu’ils ne créent de dysfonctions ostéopathiques qu’au fil du temps à force de répétition ou lors d’effort violents.
Deuxièmement ce que vous dites est tout à fait juste, une préparation physique orientée permet de développer les muscles et la puissance afin d’effectuer les mouvements propres à l’escalade, cela rend le grimpeur plus apte à les réaliser sans entraver sa mécanique corporelle c’est exact. Cependant comme vous le dites seule une infime partie des grimpeurs a accès à ce genre de préparation et la grande majorité se retrouve donc dans les situations décrites dans l’article.
Enfin pour ce qui est de la nomenclature internationale comme l’a justement souligné Olivier peu de personnes sont familières des mots patella, scapula ou encore ulna en revanche la plupart des gens savent ou se situent leur rotule leur omoplate ou leur cubitus et c’est à ces gens là que l’article s’adresse.
Tout ce qui est écrit dans cet article se base sur des observations cliniques en situation et aucun de mes propos ne se veut « non modéré » si c’est l’impression qui en est ressortie je m’en excuse.
J’espère vous avoir répondu et vous souhaite une bonne journée 🙂
Bonjour et Merci de ta réponse Anouk.
Je comprends bien ton avis, je souhaite te poser une autre question non pas pour avoir raison, mais pour éclaircir certains points qui me semble flou sur le non-physiologique de ce geste. Et pouvoir ainsi élargir ma connaissance. De plus je trouve ce mini débat intéressant 😉
Est ce que tu considère que le crochetage talon est similaire à un squat? Et si oui, quelles différence, il y a-t-il entre les deux car l’un est parfaitement anatomique et physiologique? Et si non, pourquoi?
Bonne journée à toi
2-3h de yoga par semaine ça évite pas mal de pathologies aussi.
Très bon article. J’ai justement traité un grimpeur hier pour un problème de poignet dont il souffrait depuis 3 mois sans savoir quoi faire, alors qu’il venait consulter pour une gêne aux lombaires. L’Ostéopathie ne sert pas qu’à soulager le dos, les indications sont vastes et méritent à être connues!
Cette article est très intéressant, mais j’aimerai que l’on parle un peu des kinés !
Je suis kiné et spécialisé dans la prise en charge de sportif (amateur et de hauts niveaux) et parlons de la prise en charge GLOBAL du patient.
Notre profession va s’investir
sur la ré athlétisation,
sur la correction de la gestuelle, pour que celle ci ne soit plus délétère pour le sportif mais efficace en terme de force et de puissance
à l’éducation pour lutter contre la survenue de nouvelles blessure s, nutrition, étirement, charge d’entrainement..
Passons au soins : le kiné est à même de traiter les structures tendineuses, osseuses, musculaires, nerveuses. De réharmoniser votre systèmes articulaires et musculaires.
Alors certes, les dernières lignes renvoient à mon métier et je suis ravi que l’on parle d’une prise en charge GLOBALE du patient…
Mais j’aimerai savoir si un article dédié à la prise en charge masso kinestherapique a été effectué pour que vos lecteurs sachent comment gérer, soigner leurs douleurs ?
apres une capsulite et remis en grande partie grâce a du kiné et de l’acupuncture je test un osteo pour sportif la semaine prochaine, les mauvaise ensations etant toujours la….a suivre
c’est un super article mais a mes connaissances l’ostéopathie ne se limite pas à soulager les douleurs de dos je vous invite à lire ces deux articles:
http://www.osteofrance.com/osteopathie/definition/
http://www.osteopathe-dewitt.fr/douleur-dos.php
Bonjour,
Suite à la lecture de la présentation d’Anouk sur la pratique de l’Ostéopathie, je souhaite faire partager mon expérience.
Je grimpe depuis 40 ans, et me suis blessé il y a 2 ans en grimpant à Bleau (fracture de L5).
Après trois mois d’immobilisation j’ai eu des séances de kiné pendant 1an et est vu mon ostéopathe en parallèle pour corriger les déplacements dû au travail avec la kiné.
Un grand merci à ces deux professionnels, qui ont su travailler ensemble pour mon rétablissement.
J’ai repris l’escalade il y a un an tout en continuant à voir mon ostéopathe tout les mois, aujourd’hui nous nous voyons tous les 4mois.
Vive les kinés et les Ostéos !!!
Les jeunes du groupe suivi sont de l’USC escalade de Cagnes sur Mer.
Super article Anouk je suis tombée dessus par hasard, étant grimpeuse et Osteo comme toi.
Le contenu est clair et donne une idée des dysfonctions possibles liées à la grimpe. Belle intervention. Cordialement
Alexandra St Laurent du Var