Bercy 2016 : interview de Pierre You, Président de la FFME

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Bercy c’est parti. Paris accueille cette semaine les Championnats du Monde d’escalade, du 14 au 18 septembre. Les 500 meilleurs grimpeurs de la planète et plus de 20 000 spectateurs sont attendus. À cette occasion, La Fabrique Verticale a rencontré Pierre You, Président de la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade. Discussion à bâtons rompus autour de l’escalade olympique et de la pratique compétitive.

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Quel impact a eu l’organisation des Championnats du Monde d’escalade à Bercy en 2012 ? Quel est celui escompté par ceux de 2016 ?

Une popularité accrue avec le POPB complet lors des finales, des passages sur les chaînes de télévisions à des heures de grande écoute et une très très belle organisation. Nous espérons bien évidement au moins la même chose cette année. D’autant plus que cela coïncide avec l’entrée de l’escalade au programme des Jeux Olympiques de Tokyo 2020.

Quels sont les enjeux de l’accession de l’escalade aux Jeux Olympiques pour la FFME ?

C’est une plus grande notoriété, une meilleure visibilité auprès des collectivités territoriales afin de construire plus d’équipements et au final une augmentation du nombre de licenciés. Et bien sûr donner la possibilité aux athlètes de l’Équipe de France de concourir pour une médaille à Tokyo.

Aujourd’hui, où en est l’escalade en France ? Combien de licenciés compte la Fédération ?

L’escalade est en développement constant depuis plus de 10 ans, le nombre de licenciés augmente chaque année entre 3 et 5%. La fédération compte aujourd’hui plus de 93000 licenciés avec un âge médian de 22 ans et 3 mois.

Romain Desgranges-bercy-championnats-monde-escalade

Quelles ont été les actions menées par la FFME pour faire connaître l’escalade sportive auprès des instances du CIO ?

Pour la FFME c’était mon élection parmi les administrateurs du CNOSF, second mandat actuellement, qui a permis de faire connaître notre sport, c’est l’organisation de la plus belle compétition d’escalade en 2012. Ces championnats du monde ont permis de montrer notre capacité à faire de beaux événements aux membres du CNOSF, du CIO et au ministère. De son côté, l’IFSC et son président, Marco Scolaris, a œuvré auprès des fédérations, des CNO et du CIO.

Quels étaient les atouts de l’escalade dans cette course à l’Olympisme ?

Tous les éléments concouraient à une décision favorable lors de la session du CIO à Rio. L’escalade a axé son dossier d’abord sur le fait que c’est le seul mouvement naturel du corps humain absent du programme des Jeux. À cela s’ajoutait le fait que c’est un sport jeune, télégénique et présent sur tous les continents.

L’escalade va faire son entrée aux JO avec l’épreuve du combiné (bloc, vitesse, difficulté), ce qui fait un peu polémique. Qu’en penses-tu ?

L’entrée au programme des Jeux de Tokyo, à la demande du CIO, se fera en effet avec une épreuve combinée des 3 disciplines. Ce n’est pas forcément ce que nous souhaitions mais je rappelle que le ski alpin est entré au programme des Jeux d’hiver de la même manière. La porte s’ouvre, entrons et nous verrons ce qui se passera en 2024 et plus…

Quelles conséquences aura l’accession de l’escalade aux JO pour le pratiquant moyen ?

La FFME entre dans le monde des fédérations olympiques et par là même le regard et les moyens alloués aux clubs sont amenés à changer. Nous pouvons sereinement envisager un accroissement du nombre d’équipements de proximité pour les clubs, donc pour les licenciés voire les pratiquants.

Mathilde Becerra-championnats-monde-escalade-bercy

Que réponds-tu aux tenants d’une escalade dite “pure” (qui risquerait d’être dénaturée en accédant aux Jeux Olympiques) et à l’inévitable question des dérives (argent, corruption, dopage…) ?

J’avoue mon incompétence concernant l’escalade “pure”. L’escalade a fortement évolué en 30ans, elle est passée de la varappe à l’escalade libre et maintenant à la pratique en salle. Elle sera ce que nous en ferons tous ensemble. Le dopage est un sujet sur lequel nous sommes très attentifs de même que les dérives nutritionnelles ou autre conduite médicamenteuse. Nous serons intransigeants dans ces domaines. Concernant l’arrivée de l’argent, nous avons de mauvais mais aussi de très bons exemples de la gestion avec les athlètes de la part d’autres fédérations. Nous nous en inspirerons.

Justement, d’un point de vue financier, quelle part consacre la Fédération au développement des murs et des compétitions, par rapport à celle allouée à l’entretien des sites et au développement de la pratique en extérieur ?

Le développement des murs est un enjeu fort de la fédération. 30000 licenciés ont moins de 15ans et y viennent pour cela. La part budgétaire qui y est consacrée est malgré tout assez faible, 4%. Cette part est identique à celle allouée aux compétitions d’escalade en 2015. Concernant les sites naturels, un constat tout d’abord : les conventions d’usage, qui permettent un accès libre à la plupart des sites équipés, sont à la charge de la fédération et bénéficient à tous les pratiquants. En clair, seuls les licenciés paient !

C’est un système en péril aujourd’hui ; à la suite d’un accident grave, la fédération et son assureur sont condamnés sans faute à dédommager les accidentés à hauteur d’1,2 million d’euros au titre de la responsabilité civile de la fédération. Cela représente près de 4ans de cotisation RC des licenciés. Ce qui signifie une probable augmentation de l’assurance et en cas de multiplication de ce type d’accident à un refus d’assurance. Il y a donc une prise de conscience collective à avoir pour trouver des solutions viables à la préservation du patrimoine naturel de l’escalade.

Nous avons créé une bourse équipement avant de maintenir en urgence les sites conventionnés mais cela risque de ne pas suffire. Il existe des solutions telles que le financement participatif, une fondation mais ce ne sera suffisant qu’à partir du moment où la loi exonérera les propriétaires de falaises des risques encourus en donnant un libre accès à l’instar de la loi montagne. Il faut que nous expliquions ces enjeux à nos élus politiques sinon l’accès aux falaises sera de plus en plus difficile.

Cette interview est également sortie dans le magazine Filière Sport du mois de septembre 2016

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1 réponse

  1. Jerome dit :

    Interview très intéressante !

    Un point m’interpelle :
    « à la suite d’un accident grave, la fédération et son assureur sont condamnés sans faute à dédommager les accidentés à hauteur d’1,2 million d’euros au titre de la responsabilité civile de la fédération »
    C’est dommage de ne pas connaître les détails des raisons qui fondent la responsabilité de la FFME dans le cadre de cet accident. Parce que si la FFME est responsable civilement de tout les accidents en falaises de France, on est mal barré. Ca va finir par une obligation de licencier tous les pratiquants (avec des « gardes-grimpe » comme pour la pêche)… 🙁

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