Entraînement de la force en escalade : haltères ou élastiques ?

planche aux anneaux

Lors de tous nos entraînements sur agrès, barre ou poutre, pan Güllich, la question de l’intensité est centrale. C’est en effet de la juste intensité, en rapport avec la cible que nous visons, que dépend la réussite de notre séance. Ainsi, comme nous l’avons vu dans cet article consacré au développement de la force. Il est crucial de s’entraîner à des intensités maximales si on veut être efficace. Pour cela, on peut utiliser des poids, haltères. On peut aussi utiliser des élastiques.

De même, si on est plus branché endurance de force, il faut régler l’intensité des exercices au niveau requis par la cible (résistance ou conti).

Sur un plan très concret, nous pouvons jouer d’abord sur la taille des prises. Éventuellement l’inclinaison (dans le cas du pan Güllich).

Et bien sûr, et conjointement, nous allons agir sur la variable « poids ». C’est en effet la principale résistance qui s’oppose à nous en escalade. Et nous allons voir que nous pouvons manipuler cette variable de différentes façons.

Lestage ou délestage : un grand dilemme

Faut-il mieux se lester ou s’entraîner en réduisant notre poids ? C’est une question qui nous est très souvent posée.

Et à laquelle il n’est pas si évident de répondre puisque pour un même exercice, de son objectif (physiologique ou gestuel), des caractéristiques de l’agrès, de votre niveau athlétique, vous pouvez avoir besoin de vous alléger, ou au contraire de vous surcharger.

Prenons l’exemple des tractions : on a là un mouvement de base de l’escalade, mais dont la bonne réalisation ne va pas de soi et nécessite un minimum d’apprentissage. Une bonne traction s’appuie en effet sur tout un travail de positionnement puis de fixation musculaire de l’omoplate, par l’engagement du trapèze notamment.

Bref, le travail de traction scapulaire, puis de traction à deux bras est donc un prérequis indispensable qui permet notamment de construire le bon geste (prise de conscience du rôle fixateur des trapèzes, placement des omoplates, coordination musculaire…). Si vous êtes débutant, vous pouvez avoir besoin d’un contrepoids pour apprendre à réaliser ce mouvement.

Si vous êtes déjà experts, au contraire, vous lester vous permettra de travailler à des niveaux d’intensités cohérents.

Se pose ensuite la question de la spécificité des exercices : et en situation d’escalade, il est très rare que l’on soit amené à utiliser les bras, avec les 2 mains au même niveau. Il y a toujours un décalage latéral et aussi vertical, qui va induire des conséquences, non seulement sur le travail des bras eux-mêmes, mais aussi sur les chaînes musculaires du tronc, puisque la ligne des épaules ne sera plus horizontale. Pour cette raison, il nous paraît important d’introduire ce décalage à l’entraînement (pas forcément à intensité max, c’est une autre question), en faisant des tractions mains décalées ou des tractions à un bras à partir du moment où le niveau athlétique le permet. Et ce travail-là va forcément nécessiter, au moins au début, de pouvoir s’alléger.

suspension avec contrepoids poutre doigts

Et le même raisonnement peut s’appliquer au travail des doigts.

Dès lors qu’on va faire des suspensions à une main, il se peut que l’on ait besoin de s’alléger. Et si on travaille à deux mains, il peut devenir plus pertinent, quand diminuer la taille des prises devient trop traumatisant (ne serait-ce qu’au niveau de la peau), de se suspendre à des prises plus grosses mais en se lestant.

Charge ou décharge : par quels moyens ?

Il y a deux moyens très simples pour augmenter ou réduire la résistance. Ces deux moyens sont complémentaires et peuvent mettre être combinés lors de la réalisation d’un exercice.

La fonte

Le premier moyen est de faire appel aux bons vieux disques de fonte, ou à des substituts (bouteilles d’eau, sacs de sable, compagne ou compagnon d’entraînement…). C’est très simple. Si vous avez besoin de vous lester, il suffira juste d’accrocher le poids nécessaire à votre harnais. Un gilet lesté pourra aussi parfois faire l’affaire. Si vous avez besoin de délester, alors vous réaliserez facilement un système de contrepoids grâce à un bout de cordelette et une poulie.

Sur un plan mécanique, ce type de set-up va permettre d’appliquer une charge (ou décharge) qui sera constante lors de la réalisation de l’exercice. Par exemple, si vous faites des tractions, lesté à +10 kg, à tous les étages de la traction, vous lutterez contre une résistance qui sera toujours la même (votre poids + 10 kg).

Ce système est aussi simple qu’efficace. Il a aussi un avantage indéniable : il permet de quantifier le travail réalisé de façon extrêmement facile et de juger de sa progression séance après séance.

Une de ses limites tient à la mécanique des mouvements. Je vais rester sur l’exemple de la traction pour l’illustrer. Vous vous êtes sans doute aperçus que certaines phases du mouvement sont plus faciles (ou moins dures) que d’autres à réaliser. Le début n’est pas facile, avec un passage critique lorsque les coudes sont fléchis à 90°-100°, puis la fin est moins dure.

Ainsi, pour forcer à un même niveau durant toute la traction, je devrais faire la demi-traction haute avec une surcharge supplémentaire par rapport à la demi-traction basse. Mais rajouter du poids en cours de traction n’est pas chose aisée…

Les élastiques

L’utilisation des élastiques en musculation n’est pas nouvelle. Mais cet usage est revenu au goût du jour grâce aux réflexions sur l’entraînement fonctionnel, puis la diffusion des anneaux élastiques à grande échelle. Là le principe de fonctionnement est connu de tous : plus on va tendre l’élastique, plus il va résister. Selon la manière dont il est installé, cela va induire une contrainte ou au contraire une aide qui va évoluer au cours d’un même mouvement, au fur et à mesure que l’élastique va être mis en tension ou au contraire se détendre.

C’est la raison pour laquelle les résistances indiquées sur les élastiques sont des fourchettes (entre 3 et 10 kg par exemple).

bandes élastiques YY vertical
Résistances indexées et repères de couleur faciles à repérer

Dans les faits, il est donc difficile, lors d’une séance de musculation, de quantifier exactement le degré de freinage ou d’allégement conféré par l’élastique. En effet, entre 0 et 50 % d’allongement, l’augmentation de la résistance est due au déploiement des molécules de polymère. Au-delà de 50 % d’allongement, c’est leur allongement qui génère de plus en plus de résistance. Et c’est à partir de ce moment-là seulement, que l’accroissement de la résistance devient proportionnel à l’allongement de l’élastique.

Bref, en résumé, il sera difficile de mettre des chiffres pour quantifier votre effort. Et vous jugerez de votre progression par le fait que vous déplacerez le point de fixation de l’élastique au fur et à mesure de vos progrès, voire que vous changerez de dureté d’élastique.

Un des gros intérêts des élastiques est qu’ils permettent de générer une résistance (ou une aide) qui peut se rajouter, en se combinant donc, ou alors se substituer à une résistance constante.

Par exemple, si vous réalisez une traction lestée, et que vous êtes aussi relié à un élastique fixé au sol, et bien la traction va devenir de plus en plus difficile à réaliser au fur et à mesure que votre corps monte et que l’élastique se tend.

Voilà pour la théorie. Il existe bien sûr d’autres moyens de manipuler la variable « charge », en jouant sur la vitesse notamment. Nous vous en avions parlé dans cet article. Mais passons maintenant à la pratique. Avec pour commencer un rapide tableau des avantages et limites comparés des deux outils évoqués jusqu’ici. Cette comparaison n’a pas valeur de loi. Prenez-là plutôt comme un retour d’expérience.

Élastiques vs. fonte, avantages et limites

Utilisation des anneaux élastiques en décharge ou en freinage

Les avantages

Variabilité de l’aide au cours du mouvement : on peut choisir d’aider ou freiner des phases bien précises d’un mouvement

– réglage très facile

– encombrement réduit et manipulation aisée

– Possibilité de contrôler la direction de l’aide ou de la résistance par rapport à un système « classique »

Les limites

– Aide difficilement quantifiable et plus intuitive : nécessité de prendre des repères sur la longueur utilisée et le point de fixation.

– Aide ou résistance évolutive.

gainage avec élastique

Utilisation des charges constantes en décharge ou en freinage

Les avantages

– L’aide ou la résistance est linéaire et donc directement quantifiable.

– Le freinage s’apparente plus à la réalité physique (gravité)

Les limites

– Nécessité de gérer les frottements quand utilisé en décharge (poulies)

– Nécessité de disposer d’un stock de fonte

– Manipulation pas toujours évidente si on est seul.

Quelques exemples de mise en œuvre avec haltères ou élastiques

Travail de la force-vitesse sur pan Güllich

Set-up : on utilise une résistance élastique grâce à un élastique tendu entre le sol et son harnais.

Conséquences pratiques : au fur et à mesure que l’on monte, il devient de plus en plus difficile de maintenir sa vitesse d’ascension.

force-vitesse avec élastique sur pan Güllich

Travail de la traction à un bras

Set-up : on utilise un élastique attaché sous la barre, dans lequel on passe le pied opposé au bras qui tracte.

L’élastique, tendu au maximum en début de mouvement, permet de démarrer la traction. Il nous aide de moins en moins au fur et à mesure que le corps s’élève.

traction un bras avec élastique

Travail de suspensions maximales

Set-up : idem ci-dessus.

Au début de la suspension on replie cependant la jambe pour limiter l’aide. Puis dès qu’on sent qu’on va lâcher, on augmente progressivement l’aide de l’élastique en tendant la jambe.

Travail de renforcement des deltoïdes

Set-up : on fixe une nappe élastique à hauteur de hanche, du côté opposé au bras qui travaille.

oiseaux deltoïdes avec élastique

Lors du mouvement d’abduction (élévation latérale) du bras, on commence à forcer dès le début du mouvement. A contrario, quand on utilise une charge constante (haltères), c’est la partie finale du mouvement qui devient la plus difficile.

travail des deltoïdes avec des haltères

Travail de gainage en chaîne complète avec élastique

Set-up : une nappe élastique est fixée en arrière de la tête

Lors de l’exercice, la bande élastique induit une résistance selon une direction plus spécifique, difficile à reproduire avec des haltères classiques.

Planche ou dips aux anneaux

Set-up : un anneau élastique est fixé entre les deux anneaux.

On met en tension l’élastique avec les pieds, ou les fesses, posés dessus, ce qui allège en partie le poids du corps

élastique pour travailler la planche aux anneaux
utiliser un élastique pour faire des dips

Conclusion

Voilà, vous en savez un peu plus sur les possibilités qui s’offrent à vous pour régler la difficulté de vos exercices d’entraînement. Explorez les différentes options sans a priori et faites-vous votre propre expérience. Retenez surtout que fondamentalement, Chacune des méthodes a ses avantages et que les combiner enrichira diablement votre arsenal. Bon training !

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