Entraîner la force en escalade : 2. Les méthodes
Dans la première partie de cet article, nous nous sommes focalisés sur les aspects théoriques indispensables pour entraîner la force en escalade. Place maintenant aux applications !
Pour concevoir des exercices appropriés, et agencer ensuite ces exercices en séances puis en cycles, on va manipuler différentes variables, de sorte à atteindre notre cible. C’est celles-ci que nous allons examiner à présent.
Entraîner la force en escalade : à chaque composante sa méthode
Les régimes de contraction
On les a évoqués un peu plus haut. Il est important de savoir que les adaptations suite à un entraînement sont grandement spécifiques au régime de contraction. Par exemple, si on ne fait que du travail isométrique, en blocage donc, on va progresser… en blocage, avec le risque de grimper plus statique et de perdre en explosivité ou dynamisme.
De même qu’il est primordial de travailler sur une gamme large de mouvements, de positions, d’angulations, afin d’être capable de produire des forces élevées à partir d’un large éventail de postures. Car la spécificité des adaptations s’applique là aussi : si je ne travaille que la partie haute de la traction, toujours en supination, je ne deviendrai pas meilleur au démarrage du mouvement, bras tendus.
Les variables d’un exercice
La première des variables est bien sûr l’intensité : c’est elle qui définit la cible. Pour développer la force maximale, pas de secret : il faut développer des tensions maximales. Être capable d’aligner 60 pompes ne rend pas compte de votre force max en triceps et en pectoral : cela témoigne juste (même si c’est bien aussi) que de votre endurance de force.
Le corollaire de l’intensité est la récupération. Récupération entre les exercices d’abord qui sera d’autant plus longue que l’intensité requise est haute. Récupération d’une séance à l’autre également. Par exemple, si je veux faire une séance de force maximale. Je sais que je vais devoir produire des efforts maximaux. Or par définition, je ne peux produire mon maximum que si je suis frais. Et pendant la séance, si je veux pouvoir reproduire, mettons, 5 fois une force maximale, il me faudra beaucoup récupérer, 3 à 5 minutes, voire plus, entre chaque exercice.
Le type d’exercices
Dans les exercices de renforcement musculaire, on distingue des exercices mono-articulaires et poly-articulaires. Les premiers ciblent un groupe musculaire en particulier, les seconds une chaîne. Si on privilégie plutôt les exercices poly-articulaires, plus fonctionnels, ils ne sont pas incompatibles avec le travail mono-articulaire, pour dans une séance, accentuer le travail sur une zone bien précise, pour agir sur un déséquilibre, ou alors en réhabilitation après une blessure.
Le volume
Le nombre d’exercices lors d’une séance va aussi participer de la charge de travail. Ici, il s’agit de réfléchir « utile ». Si certaines cibles, en particulier l’endurance de force, passent par un nombre important de répétitions, au travers de plusieurs exercices, le travail maximal, voire supra-maximal ne requiert qu’un nombre restreint de mouvements. Dans une séance d’excentrique par exemple, à des intensités proches du 100 %, on va passer plus de temps à s’échauffer et arriver au niveau d’activation optimal qu’à réaliser les séries d’entraînement elles-mêmes, dont le nombre ne dépassera le plus souvent pas 5 !
La vitesse
La vitesse est aussi un paramètre important. Certaines méthodes, (thérapie ou hypertrophie), mettent en jeu des vitesses très lentes. Mais le plus souvent, quand l’objectif est d’augmenter la force maximale, on va chercher à agir avec la vitesse la plus grande possible. Je parle bien ici d’INTENTION. Car bien sûr, lorsqu’on déplace une charge maximale, le mouvement est tout sauf rapide !
Le rythme
Il est aussi intéressant de manipuler la variable rythme lors des différentes phases des exercices. Cela va avoir comme effet de faire varier les temps sous tension et donc les adaptations musculaires. Prenons l’exemple d’une traction. Si vous effectuez la descente rapidement et démarrez immédiatement la traction suivante, vous allez bénéficier de l’élasticité des tissus qui ont été brièvement étirés lors de cette descente, mais aussi du réflexe myotatique résultant aussi de cet étirement. Le résultat est que le démarrage de la traction va être facilité. Essayez au contraire de descendre lentement, sur 5 temps par exemple, de faire une pause du 2 temps, bras tendus en position basse, avant de déclencher la traction suivante… L’effort sera tout différent !
Entraîner la force : Quelques applications
Entraîner l’endurance de force
Ce type de séance peut prendre place avec des grimpeurs qui débutent l’entraînement de force ou en reprise de début de saison. Comme on vise l’endurance de force, le travail se fait à des intensités somme toute modérées, avec des charges qui permettent de réaliser de 8 à 15 répétitions par exercice, des récupérations incomplètes, allant de 1min30 à 2 min
Entraîner la force maximale
Comme on souhaite solliciter les paramètres neuro-musculaires, il faut développer des tensions maximales ou très proches du max. Par conséquent, on va travailler avec des charges ne permettant de réaliser que 1 à 5 répétitions par série, sur un nombre réduit de séries (3 à 5) et avec des temps de récupération longs (3 à 5 min, voire plus).
Entraîner l’explosivité
Pour ce régime de contraction, l’objectif est de produire le mouvement le plus explosif possible. Une des façons les plus populaires consiste à travailler par contraste, en alternant des séries « lourdes » avec une charge qu’on peut mobiliser 5 à 7 fois et des séries « légères » où l’intensité est inférieure à 50 % par rapport à son maximum. Une série type pourrait être par exemple 1-3 : une répétition « lourde » suivie immédiatement par 3 répétitions « légères », exécutées à vitesse maximale. Les temps de récupération inter-série sont longs, de l’ordre de 3 minutes. Là non, plus le volume de séance n’est pas très haut : il s’agit de favoriser les coordinations inter et intra-musculaires.
Entraîner la puissance
On est là à la jonction entre force max et force-endurance. C’est une tranche qui est très utile pour nous car elle correspond grosso modo à l’enchaînement de plusieurs mouvements très durs, quoique non max, sans pouvoir récupérer. Typiquement, la charge ici ne permet de faire que 6-10 mouvements. Les récupérations entre chaque série (3 à 6 au total) sont de l’ordre de 3 minutes.
Bonus : des méthodes novatrices
L’exposé de toutes les méthodes et de leurs combinaisons prendrait bien plus d’espace que celui d’un article. Voici toutefois deux méthodes supplémentaires qui ciblent l’amélioration de la force maximale et qui présentent l’intérêt d’optimiser le temps disponible d’entraînement.
Les clusters
Le principe consiste ici, dans des séances où on utilise des charges très proches du max (où on ne peut réaliser que de 1 à 5 répétitions par série), à introduire de très courtes récupérations entre chaque répétition : de l’ordre de 10 à 15 secondes. Ces brefs répits ne permettent pas de complètement récupérer. Ils sont néanmoins suffisants pour permettre de faire quelques répétitions supplémentaires, impossibles sinon. Rassurez-vous, ces clusters sont covid-free !
Le protocole 3-7
Ce protocole est lui plus orienté puissance ou hypertrophie : Prenez une charge donnée (par exemple permettant de faire 7 répétitions au max et enchaînez 5 séries lors desquelles vous allez faire 3, puis 4, 5, 6 et enfin 7 répétitions. Là où cela se corse, c’est que vous n’aurez que 15 secondes entre chaque série pour tenter de récupérer… Prenez 5 minutes et refaites l’ensemble 2 à 4 fois. Mortel et efficace !
Alors prêts à gagner en force ! Mais souvenez-vous : En ce domaine plus qu’ailleurs, il est essentiel de penser qualité plutôt que quantité. Et c’est lors des récupérations que notre corps s’adapte !
Bonjour
Merci pour vos nombreux articles toujours bien détaillés et intéressants.
Vous présentez deux méthodes novatrice. Pour la première, Cluster, je ne comprends pas bien quand vous écrivez : « à introduire de très courtes REPETITIONS entre chaque répétition : de l’ordre de 10 à 15 secondes ». Ne vouliez vous pas plutôt écrire : » à introduire de très courtes PAUSES entre chaque répétition : de l’ordre de 10 à 15 secondes. ?
MERCI
Salut Victor
merci ! bien vu ! En effet vous avez raison, j’ai laissé cette petite boulette. C’est corrigé 🙂