Épicondylites, nouvelles perspectives de traitement
L’épicondylite latérale est la pathologie la plus fréquente du coude. Bien que couramment appelée tennis elbow, elle n’en touche pas moins de nombreux grimpeurs. Il faut dire qu’à défaut de tenir le manche d’une raquette, ils serrent tout de même quelques prises !
Une pathologie de surmenage
L’épicondylite latérale est une pathologie liée à la répétitivité des mouvements et à une sur-sollicitation des extenseurs du poignet. Bien souvent, un déséquilibre dans le développement des muscles fléchisseurs et des muscles extenseurs favorise la survenue de ces tendinopathies, en particulier chez le grimpeur quand les fléchisseurs sont surdéveloppés. Rappelons que les extenseurs permettent la stabilisation du poignet lors de la préhension et optimisent le travail des fléchisseurs.
Elle survient plus volontiers vers 30-40 ans et touche majoritairement les hommes. Elle dure de 6 mois à 2 ans. À l’origine de cette tendinopathie, il y a bien souvent un échauffement insuffisant et une augmentation trop rapide de la quantité d’entraînement (séances trop rapprochées, reprise intensive de l’activité, travail lesté…). Il peut y avoir aussi une hydratation insuffisante, des caries non soignées ou même encore des tensions cervicales ou dorsales.
La répétition de gestes violents, à vitesse et à amplitude importante, comme on en trouve en bloc ou sur le Pan Güllich, a de plus un effet délétère sur les coudes (surtout si le grimpeur manque de coordination et se lance dans ce type de pratique avec une condition physique insuffisante). Les grimpeurs de fissures présentent également ce type de pathologie du coude, en raison des torsions qu’ils font subir à leurs articulations, dans les verrous de main pouces tournés vers le bas par exemple.
Symptômes et traitements classiques
L’épicondylite latérale est assez facile à reconnaître. Comme son nom l’indique, elle se manifeste par une douleur touchant la zone de l’épicondyle, c’est-à-dire un petit relief osseux situé au niveau de l’articulation du coude, sur la face externe du bras. Généralement la survenue est progressive. La zone devient d’abord plus sensible au toucher, puis douloureuse dans tous les gestes de la pratique, aussi bien dans les mouvements de rotation que de saisie bras tendu, et même parfois au repos, simplement en dépliant le coude !
L’apparition peut aussi se faire par la persistance de contractures des extenseurs, tensions alors plutôt ressenties dans l’avant bras. Cela peut être les premiers signes d’alerte
L’arrêt ou une réduction importante de l’entraînement, la cryothérapie, les ultrasons, le massage transversal profond, l’électrothérapie antalgique et les étirements font partie de la batterie de traitements habituellement utilisés dans un premier temps. Ils suffisent généralement à améliorer la situation, sans toutefois parvenir à modifier la structure histologique tendineuse en profondeur.
Il semblerait en effet que la douleur ne soit pas liée à une inflammation mais au développement d’un tissu cicatriciel immature, comportant des fibres de collagène interrompues par des bourgeons angio- et myo-fibroblastiques, ainsi que des néo vaisseaux et des fibres nerveuses sensitives. En résumé, suite aux micro-traumatismes répétés qu’impose la pratique, le tendon se reconstitue mais il fait ce qu’il peut et c’est un peu l’anarchie !
Le travail en excentrique
Actuellement, il n’y a pas vraiment de consensus thérapeutique concernant le traitement de l’épicondylite latérale. Cependant différentes études ont montré l’efficacité du travail en excentrique dans la prise en charge de ces tendinopathies, ce qui explique que de nombreux kinésithérapeutes y ont maintenant recours, bien que les chercheurs se divisent encore sur les raisons de son efficacité.
Le travail dit excentrique correspond à un travail avec des charges supérieures à 100% du poids nécessaire pour réaliser une RM (répétition maximale). Pour les charges inférieures à 100%, on parle de travail dynamique négatif, de travail freinateur ou encore de travail excentrique sous-maximal. Le travail excentrique correspond à un mouvement d’élongation contrôlé du muscle travaillé. Il est caractérisé par l’éloignement des insertions musculaires ou l’ouverture de l’angle des segments travaillés. On parle alors de phase négative du mouvement (la phase positive étant le concentrique).
W. Stanish a été le premier scientifique à mettre en évidence le rôle des exercices excentriques dans le traitement des tendinites chroniques. C’était en 1986. Par la suite, le chercheur suédois Hakan Alfredson a montré que la charge excentrique était bénéfique dans le sens où elle permettait de briser les adhérences de tissu cicatriciel désorganisé, ainsi que les vaisseaux sanguins anormaux et les terminaisons nerveuses qui proliféraient dans les tendons atteints.
Selon une étude de l’université de Liège datant de 2005, la tendinopathie se développerait “en raison d’un déséquilibre entre les sollicitations imposées et la capacité de cicatrisation du tendon. Cette conception justifierait une adaptation nécessaire du tissu tendineux, afin de le protéger et de réduire le caractère fréquemment récidivant de la tendinopathie”. D’où l’intérêt d’appliquer, complémentairement aux techniques classiques, un programme excentrique adapté.
Protocole utilisé
Quel que soit le phénomène sous-jacent qui est à l’œuvre, le travail en excentrique est aujourd’hui considéré comme le traitement le plus adéquat pour la récupération de la fonction du coude et la prévention d’une récidive, car il permettrait à la fois l’atténuation de la transmission de la douleur et la stimulation de production de collagène. Reste à le mettre en œuvre intelligemment !
Car le renforcement musculaire doit s’effectuer de manière prudente et très progressive, l’idéal étant sans aucun doute de vous faire accompagner par un kinésithérapeute, qui contrôlera avec vous la bonne réalisation des mouvements et vous aidera dans le choix de la charge. La mise en place d’un protocole excentrique de renforcement musculaire ne peut d’ailleurs s’envisager qu’après une phase d’arrêt conséquente, dans la deuxième partie du traitement, dans une logique de rééducation.
En pratique, afin de réaliser un travail musculaire bénéfique, il ne faut réaliser que la phase négative du mouvement. Il s’agit de résister lentement à la charge et de s’aider de l’autre main pour réaliser la phase concentrique. Le retour s’effectue donc passivement. Le travail s’effectue contre résistance avec des poids progressivement croissants (1 à 2 kg dans un premier temps, voire moins, à moduler par la suite selon votre niveau de force et au fur et à mesure de vos progrès).
Concrètement, vous pouvez le faire avec une haltère, le coude positionné sur la jambe ou sur une surface plane (sur une table par exemple), la main en pronation et placée au-dessus du vide (le poignet étant positionné au niveau du genou ou au bord de la table). Vous laissez alors lentement descendre le poignet en résistant à la charge et en contrôlant la descente. C’est la main opposée qui remonte la charge.
Vous allez ressentir une fatigue musculaire des extenseurs et une légère douleur à la fin de chaque série (sur les 3 dernières répétitions). Stanish préconise 3 séries de 10 à 15 répétitions (2 séries de 10 au début du traitement). La progressivité doit être de mise tout au long du traitement. Un temps de repos conséquent doit être observé entre les séries, qui peuvent s’accompagner d’étirements passifs d’une trentaine de seconde. Cinq minutes de cryothérapie sont parfois réalisées en fin de protocole pour atténuer la douleur. 3 séances par semaine, étalées sur une période de 9 semaines, portent généralement leurs fruits.
Sources
Stanish W, Rubinovich RM, Curwin S. Eccentric exercise in chronic tendonitis. Clin Orthop Rel Res 1986; 208:65-8.
Croisier JL, Forthomme B, Foidart-Dessalle M, Godon B, Crielaard JM. Treatment of recurrent tendinitis by isokinetic eccentric exercises. Isokinetics Exerc Sci 2001 ; 9:133-141.
Middleton P, Puig P, Trouve P, Savalli L, Le travail musculaire excentrique. Journal de Traumatologie du sport 2000, 17, 93-102.
Hochholzer Th, Schöffl V, Escalade, blessures et traumatismes, les prévenir, les guérir, Glénat 2012, 62-65
Massage profond, étirements + renforcement musculaire comme indiqué ci-dessus m’ont permis de faire disparaître cette tendinite