Le mental, premier muscle de la performance (épisode 2)
Jeudi, dans une première partie, nous avons eu un aperçu du fonctionnement de notre cerveau et de notre inconscient et avons découvert comment peuvent s’interpréter nos souvenirs. Passons aujourd’hui à l’étape suivante : programmer la performance !
Ok ! Maintenant comment me servir de l’inconscient en compétition ?
Premièrement : la veille
Prenez un temps pour vous imaginer le lendemain. Un scénario idéal tout en restant réaliste. Là, spontanément, il y a deux positions de perceptions possibles : Vous vous voyez en train d’agir, de bouger, comme si vous étiez spectateur d’un film ou alors vous êtes vous-mêmes l’acteur, et vous êtes dans le film. Vous voyez ce que vous pourriez voir vraiment et vous pouvez naturellement mieux ressentir comment sont les sensations du corps.
Prenez la première image qui vous vient quand vous pensez à la prochaine compétition. C’est celle que votre inconscient a encodée, peut-être suite aux compétitions passées, ou suite à vos attentes ou aux messages que vous avez entendu « tu verras le mur est super haut, super dévers ! Ou, les ouvreurs vont être hyper durs… ». Tout ça forme inconsciemment un scénario dans votre tête. Souvenez-vous que rien de tout ça n’est vrai. Mais à partir du moment où votre inconscient le croit, pour lui, cela devient vrai et donc pour vous aussi. Il s’agit de maîtriser cela.
Pour l’instant, laissez cette image-là de côté. Puis imaginez le scénario idéal. Voyez-vous de l’intérieur, puis de l’extérieur. Cela n’a pas besoin d’être réel, s’il y a des détails, ou des personnes dont vous n’êtes pas sûr, c’est ok. Ce qui est important, c’est votre état émotionnel ; qu’importent les détails, votre inconscient ne s’intéresse là qu’à la dimension émotionnelle. Donc observez votre démarche, votre manière de vous préparer, la tension du visage, la précision de vos gestes pour vous préparer. Une fois, que de l’extérieur cela semble être vraiment l’idéal, imaginez vivre ça de l’intérieur. Là encore si ce n’est pas précis, c’est ok. Par contre d’une manière ou d’une autre, vous allez avoir un ressenti agréable ou positif qui dit : « Ok, c’est top ça ! C’est comme ça que je veux être ! » (C’est subjectif, mais vous aurez compris quel genre de sensation vous allez ressentir).
Parfois, il faut faire deux ou trois allers-retours pour arriver à ça. Tout en restant dans le scénario, vous allez repenser à la première image, celle que vous aviez au début de l’exercice. Parfois, ce n’est tout simplement plus possible de la retrouver, comme si le mental l’avait déjà déprogrammé. Si vous y arrivez tout de même pour l’instant, très bien ! Vous pouvez alors imaginer la voir s’éloigner de vous, s’estomper, se flouter ou alors se brouiller.
À la fin de cet exercice, lorsque vous penserez à votre prochaine compétition, il n’y aura plus qu’un ressenti de « Je vais casser les prises, trop hâte d’y être, poussez-vous, c’est chez moi ici… ». Ces phrases sont issues de situations réelles de coaching. Si vous croisez les personnes qui les ont dites, méfiez-vous, elles se sont programmées « Force Mentale ! Après, vous avez bien sûr le choix 😉
Conclusion
Voilà. Vous avez non seulement appris comment fonctionne notre inconscient et comment se créent nos émotions par rapport à nos perceptions. Et vous avez aussi appris à les changer par rapport à un événement futur. Comme nos perceptions conditionnent nos réactions, vous venez de programmer votre mental pour que la prochaine performance se déroule comme vous l’avez imaginé. Il reste la dimension d’incertitude inhérente au sport. Mais en ce qui concerne ce qui dépend de vous, de vos agissements, vous venez de remettre de la maîtrise dans votre performance !
J’entends déjà certains me demander deux choses
- Et pour le jour de la compétition ?
- En quoi c’est de l’hypnose votre truc ?
Réponses :
- Ce sera pour un prochain article (qui s’inspirera sans doute de vos commentaires).
- Haaaaa ! LA question qu’on nous pose tout le temps !
Et bien aujourd’hui, rien qu’en lisant cet article, vous êtes rentré trois/quatre fois dans un état d’hypnose. La vraie hypnose. Celle qui commence lorsque notre état de conscience se modifie. Pas celle de spectacle (qui en est tout de même, mais qui ne fonctionne pas de la même manière.) Eh oui !!! 😉
L’état d’hypnose est un état naturel du cerveau qu’on traverse plusieurs fois par jour (une quinzaine en moyenne, et une quarantaine de fois pour les sportifs).
C’est cet état où vous avez l’impression que le temps s’écoule plus lentement ou plus vite : « Combien de temps j’ai passé dans la voie ? J’ai l’impression d’avoir randonné en 5’ ! »… « Heu…45’ plutôt. ». Une fois de plus, toute ressemblance avec la réalité est purement fortuite.
C’est cet état où l’on part dans une rêverie, où par exemple on se voit faire quelque chose et que le corps réagit tout seul. Et pour cela, pour voir des grimpeurs dans un état d’hypnose, il suffit d’aller au pied d’une voie, les regarder en train de lire une voie. Ils bougent, leur température monte, ils rougissent un peu, et ils ont les mains qui transpirent pendant qu’ils sont en train de se voir quelques mètres au-dessus d’eux, en train de souffler et de grimper… À ce moment-là, essayez de leur parler… Alors ? Le sportif est un spécialiste de l’hypnose, mais il ne le sait pas encore, c’est tout.
Bonne pratique mentale, et surtout bonne grimpe à tous !
Plus d’informations sur mental-sport.com (Paris, Grenoble, Lyon, Avignon…et ailleurs)
Pour aller plus loin
Jonathan Bel Legroux est diplômé d’un Master Sport, Santé, Société et d’un DU de Préparation Mentale et Aide à la Performance. Il est également praticien et formateur en hypnose Ericksonienne et Éducateur Sportif (BEESAPT). Ancien joueur et entraîneur de rugby, il s’est orienté vers les sports de nature et de montagne, tout en gardant une passion pour les arts martiaux. Aujourd’hui, il intervient en tant que coach mental avec des sportifs de haut niveau dans la réussite de leurs objectifs. Il intervient également sous forme de stages et de conférence dont les buts sont d’autonomiser le sportif dans la préparation mentale, et de démystifier cette pratique encore trop mise en retrait dans l’entraînement. Retrouvez-le sur mental-sport.com |
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Dans la phrase « j’ai trop hâte d’y être etc…. » Faites attention de ne pas confondre préparation mental et intox . Sinon bon article… À approfondir
heu et si on fait pas de comptet’ comme 98,6 % des grimpeurs…
Bonjour
l’exemple qui a été pris par l’auteur concerne en effet la compétition. Mais la méthodologie qu’il propose peut tout à fait s’appliquer à d’autres conditions de pratique (par exemple : je vais aller faire des runs demain pour tenter d’enchaîner le bloc ou la voie que je travaille), voire même toute autre situation de la vie : si vous devez aller passer un entretien, vous pouvez aussi concevoir un scénario « idéal », à partir des informations dont vous disposez (configuration des lieux, nombre de personnes avec qui l’entretien doit se dérouler, etc…) et projeter des images positives.
Article bien utile encore une fois mais :
Et pour le jour de la compétition ?
Parce que notre état dépend quand même beaucoup des autres ou même des voies que les ouvreurs nous ont concoctées… Grimpeur de dalle, si je découvre un mur avec 12 mètres d’avancé et que plus des trois quarts des voies sont dedans, ça fout un p’tit choc au moral tout de même et c’est parti pour le stress…
Et aussi quand on est dans la voie, personnellement j’ai tendance à trop y croire, m’étant trop dit pendant la lecture : « ce mouv, il est comme ça et tu le fais easy ! ». Ça m’amène à des petites erreurs bêtes mais en même temps, trop peu de confiance c’est un peu pas beaucoup très bien (à peu près).
Donc j’epère qu’il y aura un ou deux autres articles pour ces points là….
Merci
Bonjour Victor
alors rapidement, quelques éléments de réponse :
– votre état ne dépend que de vous
– pour établir des scénarios, il faut tout de même recueillir un minimum d’informations, en particulier sur le mur et ses profils, avant l’épreuve, sinon, vous risquez de vous placer dans le champ des fantasmes
– votre dernière remarque fait plus référence à la lecture et à votre capacité de vous projeter dans la voie au moment de l’observation ; mais en effet, cet aspect est difficile et il est parfois compliqué de se représenter exactement ce que sera la difficulté réelle de tel ou tel mouvement !