L’escalade est-elle un bon sport ?
Les moments que nous vivons durant cette crise sanitaire majeure lié au COVID-19 sont uniques. En particulier nous devons tous faire l’expérience du confinement et de la privation de libertés que cela implique. Cette situation comporte son lot de frustrations. En particulier nous ne pouvons plus, pour la plupart d’entre nous, exercer nos passions sportives. Mais c’est aussi une opportunité pour réfléchir. À la vie en générale, ses différents rythmes. À ce que l’on fait aussi parfois par habitude, sans s’interroger si c’est bon ou pas pour nous, dans le fond. Alors aujourd’hui, nous vous proposons de réfléchir à l’escalade. Et pour initier cette réflexion, nous allons nous tourner un peu vers nos origines.
Connaissez-vous Little Foot ? C’est la plus lointaine de nos ancêtres, dont le squelette presque intact est parvenu jusqu’à nous. Il y a 3,6 millions d’années, Little Foot a vécu près de l’actuel Johannesburg en Afrique du Sud. Elle n’a jamais grimpé à Rockland pour sûr, mais ce que raconte son squelette est très intéressant : cette Australopithèque était assurément bipède, mais montait encore dans les arbres pour se nourrir ou se mettre à l’abri. Les os de sa ceinture scapulaire en témoignent, suggérant par leur forme des niveaux de puissance très importants au niveau des épaules et des membres supérieurs.
Mais pourquoi parler de paléontologie et de Little Foot ?
Eh bien juste pour rappeler que l’escalade fait partie des moyens de locomotion naturels : Nous sommes les derniers avatars d’une évolution qui a fait de nous des bipèdes complets, et avons perdu au passage une bonne partie de la puissance dans les épaules et les bras de nos ancêtres : les structures de nos épaules sont devenues beaucoup plus légères, mobiles, mais aussi instables. Mais nous grimpons encore et le grimper, comme la marche ou la course, fait partie des moyens de locomotion naturels inscrits dans le patrimoine le plus ancien de notre espèce.
Escalade et approche fonctionnelle
Et s’il a fallu quelques millions d’années pour que notre morphologie et notre squelette se transforment, il ne faut cependant que quelques mois pour que notre corps s’adapte à des nouvelles formes de sollicitation motrice. Pour le meilleur : les différents tissus deviennent plus résistants, les coordinations s’affinent. Mais aussi pour le pire : Pour peu que la sollicitation conduise, soit à des postures non naturelles, soit à des répétitions de gestes sur sollicitant certaines régions du corps au détriment d’autres, notre corps va générer des compensations bientôt synonymes d’inconfort, de douleurs récurrentes, de limitations dans certains mouvements et, dans le domaine particulier du sport, un arrêt de la progression.
D’où l’intérêt d’adopter une approche fonctionnelle, voire prophylactique de la pratique. Et cela tombe bien, c’est un de nos crédos à la Fabrique Verticale ! Voici donc quelques pistes pour que la reprise post COVID soit optimale.
Pour un changement de point de vue
Dans une approche classique ou analytique du mouvement, on va considérer seulement que « tel muscle engendre tel mouvement ».
Dans une vision fonctionnelle, on prend en compte le fait que la contraction d’un muscle se répercute à l’ensemble des structures qui l’entourent (muscles, fascias), selon des grandes lignes de force, ou de tension. Ceci permet notamment de comprendre comment la répétition d’un même geste, d’une même posture conduit à la surprogrammation de certains muscles et au contraire la déprogrammation d’autres groupes, avec comme conséquences des pertes de mobilités, l’apparition de compensations puis de douleurs, parfois déportées en d’autres lieux du corps.
L’escalade est-elle un bon sport ?
Oui sur le principe, car le déplacement en quadrupédie implique la participation de l’ensemble du corps lors d’actions coordonnées. L’escalade en dalle ou sur des murs verticaux génère en particulier des phases de regroupés ou d’allongement quand il s’agit de s’étendre sur un appui de pied pour aller saisir une prise loin au-dessus de nous ou bien décalée.
Oui aussi en pratique puisque par définition, l’escalade nous offre de réaliser une variété de mouvements, des combinaisons de forces quasi infinies. D’une certaine manière, c’est lorsqu’on aborde l’escalade en dévers et les mouvements en fermeture, enroulement, que l’on systématise cette seule forme de pratique avec des entraînements pour améliorer le gainage, les griffés de pieds, fermeture des bras… que les problèmes peuvent survenir : les chaînes musculaires antérieures et brachiales sont sur sollicitées, de même que la chaîne postérieure des membres inférieurs, avec pour effets les plus visibles un raccourcissement et une déformation progressive de la posture : bas du dos qui se cambre et haut du dos qui s’enroule.
L’approche fonctionnelle en pratique
Cette forme d’entraînement va venir en préalable, puis accompagner tout entraînement systématique.
Tout commence par une évaluation, dont la fonction est de mettre les dysfonctionnements en lumière, et leurs compensations. Ceci lors de la réalisation de gestes simples, de base.
À partir de là, il est possible d’envisager des reprogrammations musculaires à même d’atténuer les déséquilibres.
C’est donc une démarche prophylactique qui va permettre de réduire les risques de blessure. En exergue : les blessures sont majoritairement la conséquence d’une sommation de facteurs de risques parfois minimes intrinsèquement. Plus on les accumule cependant, plus le risque de se blesser augmente.
Testez-vous !
Parmi les tests existants, les facteurs de stabilité et de mobilité de nos deux ceintures (épaules et bassin) apparaissent comme particulièrement pertinents à observer chez nous, grimpeurs Essayez par exemple les deux tests qui suivent :
Flexion de la hanche
Allongez-vous sur le dos, sur le sol. À partir de cette position, amenez progressivement une jambe à la verticale. Le bassin et les épaules restent plaqués au sol. Les deux jambes restent tendues !
Alors, jusqu’à quel angle monte votre jambe, sans fléchir les genoux : 30°, 45°, 60°, plus ?
Si vous êtes en dessous de 45°, la chaîne postérieure manque un peu de souplesse. Si le pied de la jambe au sol pivote vers l’extérieur ou si la jambe qui repose sur le sol a tendance à fléchir au niveau de la hanche, C’est la souplesse de la chaîne des fléchisseurs qui pêche J !
Mobilité des épaules
Debout, essayez – sans à-coup – de venir toucher ou attraper vos mains derrière le dos, en passant une main par-dessus l’épaule et l’autre par-dessous. À réaliser pour les deux côtés. Parvenez-vous à les faire se rejoindre ? Sont-elles à moins de 5 cm l’une de l’autre ? Plus ?
Passez à l’action.
Voici deux routines à réaliser en courtes séances afin d’améliorer ces deux aspects.
Schématiquement, il va s’agir :
- De gagner de la mobilité avant de grimper, grâce à des auto-massages et des étirements fonctionnels
- D’activer ou reprogrammer les muscles dont la tonicité ou le contrôle se sont trouvés peu à peu altérés par de mauvaises habitudes.
Parfait pour mon confinement ! Un peu de réflexion et des exos courts… ;-))) Merci à vous deux !