Peur de l’inconnu : pourquoi est-ce si difficile de jeter ?
Dans une tentative à vue, vous avez sans doute déjà vécu cette situation. Vous êtes loin au-dessus du point, à votre limite. Vous voyez la prise salvatrice, un gros bac sur lequel il faut jeter. Pourtant vous ne parvenez pas à vous décider. Vous tergiversez et finissez par tomber sans même avoir essayé à fond. Peur de l’inconnu : pourquoi est-ce si difficile de jeter ?
Rien de plus râlant que de louper une tentative à-vue sur le dernier mouvement d’une section, un jeté sur un bac qui aurait permis de se tirer d’affaire. Et c’est encore plus râlant de constater, une fois pendu sur la corde et après avoir retenté le mouvement, que ce jeté n’était, en fin de compte, pas si difficile que ça…
Pourtant cela nous est tous arrivé au moins une fois. Mais pourquoi était-ce si difficile de s’engager dans un mouvement qui, en fin de compte, était relativement facile à réaliser ? La réponse est la peur. La peur s’infiltre dans tout ce que nous faisons : chaque décision, chaque action, chaque plan est affecté d’une manière ou d’une autre par la peur.
Et dans la plupart des cas, c’est plutôt une bonne chose. Car la peur nous alerte sur les situations de danger. Mais souvent, elle nous limite aussi, surtout lorsque nous sommes confrontés à l’inconnu. Et lorsqu’elle devient trop forte, elle limite également notre capacité à grimper efficacement.
Peur de l’inconnu, les pourquoi du comment
Lorsque les inconnues commencent à trop s’accumuler (par exemple, à quoi ressemble la prise d’arrivée ou à quoi ressemblera la chute), il devient de plus en plus difficile de séparer le vrai danger du danger perçu. Or si nous cédons à la peur, nous suranalysons la situation et nous perdons de vue la tâche à accomplir.
Nos mouvements deviennent généralement plus lents, robotiques ou même nerveux à mesure que nous nous hésitons. Et à force de tergiverser, nous perdons tout notre influx. L’ironie de l’histoire, c’est qu’en grimpant de cette façon, nous nous exposons maintenant à un plus grand risque de chute, alors même que c’est la chose que nous craignions le plus !
La peur est-elle bonne conseillère ?
Petite parenthèse, avant de poursuivre 😉 Il y a une différence entre la peur rationnelle et la peur irrationnelle. Quand il y a de véritables dangers objectifs, il est important de pouvoir reconnaître le danger.
Cela peut être par exemple le rocher qui n’est pas de très bonne qualité avec des risques de prises qui cassent. Ou encore un long runout entre deux points, si vous êtes obligés de sauter une dégaine dans l’enchainement. Enfin des points d’équipement qui semblent douteux ou des dégaines vieillissantes …
Dans ces cas-là, l’auto-préservation devrait être notre priorité principale. Mais autant que possible, il vaut mieux évaluer ces situations en amont, avant de faire une tentative. Bien sûr, ce n’est pas toujours faisable, mais on peut quand même prendre des indices avant de grimper (sur l’espacement des points, l’état visuel des premières dégaines, si elles sont en place, etc.)
La visualisation à la rescousse
Entraînez-vous à visualiser vos mouvements, vos mousquetonnages, les endroits où vous pourriez tomber et, surtout, comment vous pourriez tomber. Passer à travers ce processus de visualisation en amont vous aidera à développer une meilleure compréhension de la différence entre les dangers réels et les dangers qui sont le fruit de l’imaginaire.
De sorte que dans le feu de l’action, vous aurez moins d’aspects à analyser. Ensuite, tout ce qui vous restera à faire, sera de vous concentrer sur l’apaisement de cette peur irrationnelle et de laisser votre corps bouger sur le rocher, en “vous laissant grimper”, en état de flow 😉
Au passage, ces remarques sont valables aussi pour le bloc où la visualisation de la chute au préalable est d’une grande aide. Cela permet de rationaliser l’emplacement des crashpads et des pareurs. Et d’optimiser la situation pour limiter les risques de mauvaise chute.
Peur de l’inconnu et jetés
Les mouvements dynamiques, en particulier en situation de à-vue, sont généralement des mouvements qui nous poussent dans ce cycle de la peur irrationnelle. Mais ils offrent aussi, en nous faisant affronter notre peur, de grandes opportunités de progrès, en tant que grimpeur. Car ils nous poussent à sortir de notre zone de confort.
Il n’y a pas de meilleure situation pour rebooster la concentration. Prenez une profonde inspiration, laissez votre corps se détendre et rappelez-vous que vous avez déjà visualisé et annulé les risques potentiels du prochain mouvement depuis le sol. Regardez la prochaine prise et allez-y.
Allez-y à fond, donnez tout ce que vous avez ! Ce processus vous aidera à renforcer la confiance. Vous pourrez réutiliser cela d’une voie à l’autre. Ou d’un bloc à l’autre au fur et à mesure que vous progresserez en tant que grimpeur. Alors, la prochaine fois que vous serez fatigué et que la prise suivante vous semble hors de portée, acceptez de jeter. Vous pourriez vous surprendre 😉
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