Escalade : une question de style ! (partie 1)

udini top climbers
Durant le mois d’Août, Udo Neumann, l’entraîneur de l’équipe d’Allemagne, a compilé certains passages des compétitions de bloc du début de saison, puis mis en parallèle les séquences de plusieurs grimpeuses, les comparant.Ce travail est très riche, non seulement pour les compétiteurs mais aussi pour nous tous : il y a en effet beaucoup à gagner en analysant les différentes manières de grimper ; on se rend notamment compte des styles très variés des grimpeuses et que plusieurs techniques sont souvent possibles pour franchir un passage identique, même si c’est au prix d’un effort différent. Voici le décryptage de La Fabrique Verticale.

Séquence 1 : Anna Stöhr vs. Julian Wurm

Ce bloc, assez dalleux, démarre par un volume original, sur lequel il s’agit de rétablir. C’est cette section qui nous intéresse (1:17) :

Anna, lors de son troisième essai, prévoit d’abord, à partir du premier volume, de saisir la prise suivante main droite (MD) ; Elle cherche donc à crocheter la pointe du pied droit (PD), mais ne monte pas assez son pied gauche (PG), à plat, ce qui voue cette méthode à l’échec. Elle change ensuite d’option, et après avoir monté les deux pieds à plat, choisit finalement de talonner avec son pied gauche (PG).

Analyse

Cette option lui offre de la stabilité en haut du volume et lui permet de lâcher la MD ; elle impose cependant de dynamiser le mouvement suivant et comporte donc une certaine prise de risque.

Julian quant à elle monte tout de suite les pieds dès son premier essai et crochète la pointe du PD pour déplacer la MD vers la pyramide.

Analyse

Cette option permet à Julian de déplacer la main plus en contrôle vers la pyramide et donc de travailler la préhension à venir. Elle lui offre plus de sécurité et la conduit d’emblée plus haut qu’Anna sur cette prise.

Séquence 2 : Anna Stöhr vs. Julian Wurm

Ce bloc propose aux grimpeuses un mouvement en déséquilibre vers un angle (de la pyramide orange à la pyramide jaune), qui implique d’aller jeter le PD au-delà du dièdre pour compenser le balan. La différence de technique est observable au démarrage du mouvement (2:24) :

Julian a les deux mains situées l’une au dessus de l’autre sur l’arête de la pyramide orange. Le pied qui va lui servir d’appel est le PG. Elle jette la MD à l’amble donc, en fouettant avec le PD vers le dièdre pour compenser le balan au plus vite.

Analyse

La prise d’élan à partir de cette position génère un déséquilibre précoce et très violent à contrecarrer.

Anna trouve une solution sans doute plus économique : elle reprend la pyramide en inverse avec sa MG et prend appui sur son PD, pour se laisser glisser doucement vers la prise suivante.

Analyse

En agissant de la sorte, Anna contrôle  la porte plus facilement en début de mouvement. Cette option lui permet de rester en sécurité plus longtemps.

Séquence 3 : Alex Puccio vs. Julian Wurm

Au démarrage de ce passage, les filles se voient imposer un déplacement dynamique vers la gauche, suivi d’une section plus physique sur des volumes arrondis (2:47).

Alex prend l’option de limiter au maximum la phase de déséquilibre au début du bloc. Elle fait donc en sorte d’aller placer d’abord le PG sur la pyramide, avant de partir dans le déséquilibre.

Analyse

Alex n’aime pas particulièrement ce genre de passage ; elle cherche donc à le shunter en partie, même si la prise d’élan devient moins aisée.

Julian, elle, n’hésite pas devant ce « skate » et enchaîne deux mouvements en déséquilibre pour atteindre la pyramide verte.

Analyse

Cette option reflète bien les qualités de Julian ; il est aussi révélateur du type d’entraînement qu’a beaucoup proposé Udo Neumann à son équipe. Notez aussi le mouvement de la jambe gauche au départ, pour donner l’impulsion.

La suite du bloc est plus classique dans la gestuelle proposée. Elle requiert néanmoins une certaine puissance (3:06). Là aussi des différences sont observables entre les deux grimpeuses : Là où Alex cherche la sécurité, en crochetant les pieds sous la pyramide verte pour rester près du mur, Julian agit plus en relâchant le bas du corps, en no-foot.

Analyse

Il serait délicat d’émettre des hypothèses sur des supposées différences de puissance entre Alex et Julian. Toutefois, on peut supposer que le relâchement de cette dernière traduit une grande confiance, tandis qu’Alex cherche à assurer.

Séquence 4 : Julian Wurm vs. Akiyo Noguchi

Le bloc est un cheminement complexe et gainant dans une forêt de pyramides, imposant un travail important des talons (3:30).

Akiyo grimpe en contrôle : elle cherche systématiquement des appuis de pieds qui lui permettent de limiter les phases de déséquilibre.

Julian grimpe quant à elle de manière plus dynamique, n’hésitant pas à réaliser certains mouvements sans les pieds.

Analyse

Deux styles s’opposent ici : celui d’Akiyo traduit la recherche de sécurité lors de chaque mouvement. Julian utilise sa puissance pour progresser très vite vers la fin du bloc.

En détaillant un peu, on observe aussi des variations gestuelles :

1- Dans le mouvement démarrant à 3:52, on constate qu’Akiyo, n’ayant pas trouvé de prise satisfaisante pour son PD finit par se résoudre à le réaliser à l’amble.

Julian (4:02), se remonte plus sur la prise de démarrage : elle trouve donc naturellement le talon pour le PD qui lui assure un mouvement plus confortable et moins aléatoire.

Analyse

En bloc ou dans des sections dures de voies, il est souvent avantageux, en arrivant sur les prises, « d’armer » le ou les bras, pour se retrouver « haut », ou pour se donner de la latitude d’amortissement en cas de balan.

2- Au départ du dernier mouvement du bloc (jeté dans un cratère à partir d’une pyramide), (4:23), Akiyo garde les deux mains sur l’arête de la pyramide. C’est grâce à une lolotte avec le PG qu’elle peut réaliser le jeté final, sans avoir de porte à retenir. Julian, elle, pense à reprendre d’abord la MD en inverse et garde les pieds à plat.

Analyse

On est là en présence de deux options différentes pour créer une opposition efficace entre les mains les pieds. Avantage peut-être à Julian qui gagne un peu de temps.

Séquence 5 : Alex Puccio vs. Akiyo Noguchi

Dans ce bloc démarrant par un double jeté, la différence de style entre Alex et Akiyo est visible à plusieurs reprises :

Lors du premier mouvement (4:38), Akiyo arrive bras tendus sur la prise, alors qu’Alex les arme instantanément, dès la saisie.

Analyse

Cette différence coûte beaucoup d’énergie à Akiyo ; elle subit un balancement très important qu’elle met beaucoup de temps à stabiliser, alors qu’Alex peut tout de suite déclencher les mouvements suivants.

Dans la suite du bloc (5:14), Alex enchaîne les mouvements de façon très explosive. Akiyo est plus posée, quoique fluide.

Analyse

Plus efficace a priori, Alex se fait cependant prendre au jeu de la vitesse, puisqu’elle fait un erreur d’anticipation, arrivant MG plutôt que MD sur la dernière prise avant le bac final, ce qui l’oblige à refaire la section, heureusement pas trop dure. Akiyo, de son côté, a eu le temps de confirmer sa lecture initiale et d’éviter cette erreur.

À jeudi pour la suite…

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1 réponse

  1. jb dit :

    Merci pour ce super article!

    C’est bon de voir que même au plus haut niveau « LA » solution n’existe pas forcément, mais que la meilleure méthode dépend du physique et des qualités techniques de chacun.
    Un bon rappel qu’il ne faut pas forcément s’acharner sur la beta proposée par un pote qui a déjà fait la voie. Parfois notre séquence idéale n’est juste pas la même.

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