PPG et escalade. Faites évoluer votre entraînement
Préparation physique générale, ou PPG. Si vous vous intéressez à l’entraînement, vous avez déjà entendu parler de ce concept. Mais pour ceux à qui cela ne parle pas, en voici une définition succincte. La PPG correspond, en planification de l’entraînement, à une période classique de la programmation annuelle d’un athlète. Plus précisément, la PPG représente la première étape d’un cycle annuel d’entraînement. Durant laquelle, après une pause qui fait généralement suite à la saison de compétitions, l’athlète reprend le collier et se remet en cannes.
Comme son nom l’indique, les formes d’entraînement adoptées dans cette période sont générales. Elles concernent l’ensemble de la musculature. L’intensité est peu intense. La quantité d’entraînement et la dépense énergétique sont importantes (il faut parfois reperdre un peu de poids). C’est dans cette période qu’on entend parler de « volume », ou de « foncier ». Depuis quelques années, le concept de PPG a cependant pris un peu de plomb dans l’aile…
PPG : une forme d’entraînement obsolète ?
Le concept de PPG est déjà ancien… De fait, depuis 40 ans, les pratiques d’entraînement ont bien évolué, en particulier dans le haut niveau. En effet, les athlètes ont dû s’adapter aux transformations des calendriers sportifs. À l’augmentation du nombre de compétitions et leur densification. Pour les entraîneurs, la donne a ainsi beaucoup changé. Le temps disponible pour préparer les athlètes étant restreint, ils doivent aller à l’essentiel ou mettre en place des modalités nouvelles.
Pour beaucoup de sportifs cependant, non professionnels, cette contrainte calendaire est moins forte. Et le découpage annuel de l’entraînement peut donc continuer à intégrer cette phase d’entraînement général. Car elle a tout de même un rôle important.
Les fonctions de la PPG
Si on devait définir l’objet principal de la PPG en une seule phrase, on pourrait dire que son rôle est d’harmoniser les facteurs physiques de façon globale (endurance, force, coordination, souplesse…) en vue de pouvoir encaisser par la suite des efforts d’intensité maximale. Sans se blesser.
La PPG a donc aussi un rôle prophylactique, par le renforcement global des structures musculo-tendineuses et la sollicitation du système cardiovasculaire.
Classiquement, on met aussi à profit la PPG pour travailler sur ses points faibles. Pour rééquilibrer les qualités physiques.
Dans les faits, lors de la PPG, on va faire du travail d’endurance sous maximale, associée à du gainage, de la souplesse, de la proprioception et de l’équilibre. On va renforcer les muscles des grandes ceintures, pelvienne et scapulaire, puisqu’ils jouent un rôle fondamental dans le gainage. Toujours à partir d’exercices sous-maximaux. Et parallèlement, on va travailler les aspects gestuels ou techniques de sa discipline sportive, apprendre de nouvelles coordinations par exemple.
Faire une préparation physique générale vs aller à l’essentiel
Replaçons-nous dans le contexte. On voit bien que la PPG prend tout son sens lorsqu’on débute l’entraînement, ou reprend l’activité physique après une longue période de sédentarité. L’athlète de haut niveau qui sort d’une longue période sans entraînement, pour cause de blessure par exemple, tirera profit de cette phase de remise en action progressive.
Mais pour les sportifs qui ne coupent jamais vraiment, ou alors sur de courtes périodes, consacrer beaucoup de temps à des séances où l’on reprend des bases, au travers d’exercices standard ou à basse intensité, perd du sens. Le temps étant compté, pourquoi ne pas d’emblée ré-entraîner les facteurs essentiels à la performance ?
À ce stade, on est tenté de dire que le mieux serait de ne faire que du spécifique. Que le meilleur entraînement qui soit pour l’escalade serait… de grimper !
Raisonnement simpliste, séduisant mais partiellement erroné. Car personne ne peut contester à ce jour les bienfaits de la préparation physique associée à la pratique d’un sport en particulier, ne serait-ce qu’à des fins prophylactiques ou posturales, avant même de parler de performance de haut niveau…
Faire évoluer la préparation physique générale
Vous l’aurez compris, toute la difficulté consiste à trouver un équilibre entre le temps consacré à la pratique spécifique et celui dédié à la préparation physique, compte tenu des impératifs du calendrier de chacun. Calendrier sportif pour les athlètes de haut niveau. Calendrier professionnel et/ou familial pour les sportifs amateurs, en schématisant.
Une fois encore, il est intéressant d’observer et de décliner ce qui peut se faire à haut niveau, quand bien même on ne grimpe pas du 9b. L’idée en l’occurrence est d’entremêler de la façon la plus optimale possible, entraînement physique et pratique spécifique, dans une logique de préparation générale.
Deux modalités alternatives à la PPG « classique »
Grosso-modo, deux façons d’opérer s’opposent, chacune avec leurs avantages et leurs limites. Mais elles permettent d’optimiser le temps consacré à l’entraînement en ciblant ce qui est primordial pour la progression.
Modalité 1 : la préparation dite « dissociée »
Dans ce modèle, les séances consacrées à la préparation physique sont bien distinctes du temps de pratique spécifique. L’intérêt de fonctionner de la sorte est que la quantification du travail physique pur est plus facile à réaliser.
En outre, et d’un point de vue purement pratique, il n’est pas toujours évident de disposer dans un endroit unique du matériel nécessaire pour la préparation physique et des installations pour grimper.
Il faut cependant être attentif à bien cibler les qualités physiques qui sont sollicitées, sous peine de tomber dans le travers de la PPG « classique ». Cela suppose donc d’individualiser les séances, en fonction des besoins propres de chaque athlète et de sa discipline. Par exemple, pour deux grimpeurs faisant de la difficulté, untel va avoir plus besoin de travailler sur les muscles du dos, afin de mieux placer l’épaule. Alors qu’un autre devra compenser une faiblesse chronique en doigts…
Pour les entraîneurs, cela représente un changement de paradigme important. Finies les séances de PPG « classiques », collectives.
Un des inconvénients majeurs de cette méthodologie est la transférabilité des progrès physiques dans la pratique. Il faut un certain temps pour que les progrès physiques se traduisent par de meilleures performances en escalade.
Modalité 2 : la préparation dite « associée »
Le but de cette méthodologie est d’éviter un des principaux écueils généralement observés dans la préparation dissociée. À savoir que le travail physique perturbe la gestuelle spécifique. Par exemple, il est fréquent d’observer chez des grimpeurs de niveau intermédiaire que ceux-ci se mettent à serrer plus les prises en grimpant, lorsqu’ils font, parallèlement un cycle de préparation visant à améliorer la force des doigts. Il y a un effet pervers (diminution de l’économie de déplacement) du travail sur les doigts, lorsque le grimpeur retrouve sa pratique spécifique.
Dans une préparation physique associée, les exercices de renforcement physique et les exercices spécifiques, d’escalade, s’alternent à l’intérieur des séances.
De la sorte, il est plus facile de pointer les perturbations éventuelles de la gestuelle, engendrées par la réalisation des exercices physiques et de les corriger directement.
Pour les compétiteurs par exemple, cela est d’importance primordiale si on considère les exigences des parcours modernes. En effet, les coordinations complexes, essentielles à maîtriser, requièrent beaucoup de « bachotage », afin d’accéder aux sensations justes… Sensations qui peuvent se trouver faussées si en parallèle on réalise un travail physique basé sur des exercices « standardisés », lors de séances uniquement dédiées à ça.
Ainsi, et même si ce n’est toujours pas idéal, car les séances prennent plus de temps, le travail associé permet sur le papier de travailler le physique, sans « sacrifier » pour autant les aspects gestuels.
Poussant dans cette logique, certains ont été tenté de parler de préparation « intégrée ». Qui consisterait ni plus ni moins à « faire du physique » en pratiquant sa spécialité.
Ce concept introduit cependant une confusion de plus en plus grande entre préparation athlétique et entraînement spécifique.
Et surtout pose des problèmes méthodologiques, comme l’évoque Frédéric Aubert dans cette courte ITW.
Préparation intégrée. Oui mais…
Pour expliciter le point de vue de Frédéric Aubert, que nous partageons, prenons l’exemple de la résistance en escalade et du processus de travail d’une voie sollicitant cette qualité physique.
Nous avons tous la perception que, en travaillant spécifiquement une voie, nous augmentons notre seuil de résistance, ce qui nous permet peu à peu de réussir à enchaîner des sections puis la voie dans son entier. Mais le fait est que, à bien y regarder, l’enchaînement d’une voie est le résultat de tout un nombre d’adaptations aux contraintes propres de cette voie (technique, rythme…) et pas seulement une élévation de la résistance.
Autrement dit, lorsqu’on travaille une voie, on mobilise notre résistance et on l’optimise en quelque sorte afin de nous adapter à un problème particulier. Mais cela ne constitue pas un entraînement de la qualité physique « résistance ».
Si on veut améliorer notre qualité physique « résistance », cela doit passer par un entraînement spécifique.
D’ailleurs, en regardant comment procèdent les meilleurs grimpeurs quand ils sont sur un chantier de voie (et nous même en avons pu faire l’expérience), on constate qu’ils mettent en place une alternance entre temps consacré au travail de la voie et temps d’entraînement physique. Par exemple sur une rythmicité 15 jours – 15 jours ou 3 semaines – 3 semaines.
Poussons plus loin le raisonnement. Tous ceux qui ont fait l’expérience d’une période longue de falaise ont pu observer, à l’issue de celle-ci, une diminution du niveau de certaines de leurs qualités physiques.
En d’autres termes, la pratique spécifique prolongée permet dans une certaine mesure une amélioration des performances (car on est de mieux en mieux adapté au style par exemple), mais pas une amélioration des qualités athlétiques. Que seule, permet une préparation physique bien menée.
Bref, si l’idée de pouvoir « fusionner » la préparation physique à l’activité spécifique est attirante, elle ne résout pas toutes les difficultés. Et on ne peut pas compter sur le seul fait de grimper si on souhaite élever le niveau de ses qualités physiques.
Revenons à nos moutons. L’objet de cet article est de s’interroger sur les manières de faire évoluer, dans notre entraînement, la façon d’articuler préparation physique et escalade. En l’occurrence dans les premières étapes de la planification, afin d’optimiser le temps disponible.
Dans ce cadre, la préparation dite « associée » est digne d’intérêt. En faisant se succéder exercices physiques et situations d’escalade à l’intérieur des séances, elles donnent à celles-ci un caractère beaucoup plus ludique. Et outre l’effet motivationnel, on a vu que cela était aussi un bon moyen d’optimiser le transfert des acquis physiques à la performance lors de l’escalade.
Exemple de séance associée pour un grimpeur de difficulté.
L’exercice vise à solliciter les qualités d’endurance locale en situation d’escalade.
Le principe consiste donc à réaliser des exercices orientés au cours de l’ascension d’une voie.
Il faut tout d’abord choisir une voie de niveau n-1 n-2 par rapport à son niveau à-vue du moment (Si vous faites du 6c à-vue, alors réalisez l’exercice dans une voie de niveau 6a ou 6b, de préférence déversante).
Définissez ensuite 3 emplacements dans lesquels vous réaliserez les exercices, par exemple pour une voie de 12 mètres, à 3, 6 et 9 mètres.
Ensuite, faites jouer votre imagination pour les exercices : par exemple et dans le désordre :
- S’arrêter sur 2 prises moyennes et faire 10 montées de genoux ou mieux, 10 pointages de pied vers des prises excentrées, 5 de chaque côté.
- Faire une section de 4-5 mouvements en no-foot, vers le haut puis le bas, avant de repartir en grimpant normalement.
- Sur deux prises décalées en hauteur, réaliser un blocage sans les pieds, le plus haut possible, d’une durée de 10 secondes (à faire d’un côté puis de l’autre).
- Intégrer une séquence de 4 mouvements durant laquelle vous grimpez avec un seul bras (à faire pour chaque bras).
- Suspension sur deux prises. Tenir le maximum de temps possible, mais en gardant juste l’énergie pour finir la voie.
- …
Concernant la difficulté des exercices, ceux-ci doivent rendre difficile la réalisation finale de la voie, mais pas impossible.
Le nombre de voies réalisées sur ce modèle peut aller de 6 à 10.
Les récupérations sont calées sur le temps d’ascension du partenaire.
Au-delà de l’impact propre à chacun des exercices, l’intérêt de ce jeu réside dans le fait que dans les phases d’escalade, vous devez grimper au plus juste afin de vous donner les chances de parvenir à clipper le relais.
Exemple de séance associée pour un grimpeur de bloc
Pour un grimpeur de bloc voici un exemple sur ce lien.