Prises new age : quand la vieille école défie la nouveauté
L’escalade évolue et les prises y sont pour beaucoup. Retirée depuis longtemps de la compétition, mais toujours passionnée par la falaise, La Fabrique verticale a récemment eu l’occasion de rencontrer de jeunes grimpeurs prometteurs. Au programme, du bloc sur des prises new age, dans un esprit de partage et de respect mutuel !
La conception des prises a considérablement évolué. En particulier grâce aux matériaux. Certes la fibre de verre, l’époxy ou le polyuréthane ne sont pas nouveaux. Certes, ces composants ne sont pas sans impact sur l’environnement. Mais leur usage s’est optimisé. Ce qui a permis de faire émerger de nouvelles textures et surtout de nouvelles formes, plus grandes, plus légères, sous l’impulsion des shapeurs / ouvreurs. Bref, des prises new age.
À l’orée des JO de Paris, La Fabrique verticale continue d’observer avec intérêt ces évolutions. En particulier la dimension esthétique qui affole les salles et les ouvreurs, à travers les mégas prises qui investissent l’univers du bloc. Ce qui fait parfois dire à certains acteurs du marché que les ouvreurs sont de véritables fashion victims ! Alors, certes, l’esthétique moderne des macros brillants en fibre de verre peut sembler une déviation extrême de l’escalade réelle sur le rocher. Mais c’est aussi grâce à cela que les ouvreurs peuvent créer et proposer plus de complexité.
L’évolution des shapes et de la gestuelle sur les prises new age
D’ailleurs, la plupart des shapeurs et des ouvreurs semblent en désaccord avec l’idée commune selon laquelle l’escalade en salle et en compétition se serait totalement éloignée de la falaise. Quand de vieux grimpeurs comme nous disent que la gestuelle de compétition n’existe pas en extérieur, peut-être que ce qu’ils veulent vraiment dire, c’est que les gens n’ont historiquement pas eu l’imagination ou la capacité de réaliser ce type de mouvements ! CQFD 😉
Forts de leur bagage gestuel, les jeunes voient le rocher d’un oeil neuf et décomplexé. Et c’est aussi ce qui fait émerger de nouvelles réalisations, à Céüse, Rockland ou Fontainebleau. Ainsi, là où les plus anciens n’avaient pas décelé de passage possible, la transposition des mouvements du bloc moderne permet de faire naître de nouvelles lignes. Nous ne souscrivons donc pas à la vision conservatrice qui voudrait que ce fût mieux avant. Nous voyons plutôt dans cette arrivée des nouveaux shapes et des nouveaux gestes qui en découlent un enrichissement du mouvement et de la pratique. Et autant de nouvelles manières de s’amuser !
Des prises new age pour réaliser tous les concepts
Gigantisme, bitexture, escalade tridimensionnelle… Les termes ne manquent pas pour évoquer ces objets qui ne sont plus une simple transposition de l’escalade en extérieur. En fait ils encouragent une nouvelle façon de penser la grimpe et l’ouverture. Les préhensions imitent moins le rocher. Elles peuvent même prendre comme source d’inspiration des formes urbaines ou issues de la culture populaire. On pense par exemple aux fameuses prises Bubble, qui ont fleuri chez différentes marques il y a quelques années et qui ont marqué un tournant. En effet, leur aspect rappelait plus le touché d’un film bulle pour l’emballage que le rocher à proprement parler. Plus décalées encore les prises So Ill, qui invitaient à grimper sur des visages de bébé !
Parallèlement, en termes de préhension, les prises ont aussi changé, se faisant plus accueillantes. Leurs larges rayons de courbures favorisent les préhensions main ouverte. Ce qui, soit dit en passant, a décalé les problématiques du point de vue de la traumatologie. On observe assurément moins de ruptures de poulie sur de petites arquées. Mais sans doute plus de luxations d’épaule ou de tendinopathies au niveau du poignet… Et les qualités physiques requises ont aussi dérivé. On serre moins avec seulement les doigts, on compresse avec tout le corps. Les mouvements sont aussi plus acrobatiques. Une évolution plaisante, même à nos âges avancés 😉
Votre mission, si vous l’acceptez, tester des prises new age…
Au passage de nouvelles familles de mouvements sont apparues, comme les “coordos”. Bref, ces dernières années, les prises sont devenues pour nous, à La Fabrique verticale, à la fois une source de perpétuelles interrogations et un vecteur pour conceptualiser différemment le mouvement. Aussi, quand l’occasion s’est présentée de tester de nouvelles séries d’Xcult, Blue pill et Virgin grip en compagnie de jeunes grimpeurs biberonnés à la gestuelle moderne, nous ne nous sommes pas fait prier.
Et c’est à Briançon, un territoire historiquement ancré dans l’escalade, que nous avons rejoint la jeune team de Jegrimpe.com, Joshua Fourteau et Noé Moutault, pour un échange transgénérationnel. Disons-le plus simplement : pour une séance de bloc qui rouste ! Et pour se raper la peau des doigts sur des macros et riper dans des skates improbables, rendez-vous était donné à la toute nouvelle salle Bloc 27. Un lieu qui a ouvert ses portes ce printemps.
Briançon, territoire d’escalade
Situé dans un bâtiment historique des anciennes casernes militaires du quartier Berwick, Bloc 27 est un bel espace entièrement réhabilité, imaginé sur plusieurs niveaux. En résumé, 660m2 de surface grimpable. Mais surtout un véritable lieu de rencontres et de partage, ouvert toute l’année, 7 jours sur 7. À l’origine de ce projet, on retrouve 5 associés, dont Laurence Dordor et Franck Prigent. Ces derniers officient par ailleurs depuis le milieu des années 2010 à l’organisation du Mondial de l’escalade.
Briançon est une ville très impliquée. Son maire, Arnaud Murgia, soutient l’escalade et veut faire de son territoire une place forte. Une volonté qui s’est concrétisée au travers d’une étroite collaboration avec les collectivités locales. Labélisé Terre de Jeux 2024, le Département des Hautes-Alpes dispose sur son territoire de trois centres de préparation officiels : Montgenèvre pour le VTT, L’Argentière-la-Bessée pour le canoë-kayak et Serre-Chevalier/Briançon pour l’escalade. Une belle dynamique !
Comment les structures font évoluer le regard que nous portons sur l’escalade
Ainsi la salle Bloc 027 vient compléter les équipements qui ont été nécessaires pour faire de Briançon l’un des 12 centres en France de préparation aux Jeux Olympiques 2024 pour l’escalade. Un mur extérieur pour la vitesse et la diff’, avait quant à lui vu le jour en 2023. Baptisé le Nid, c’est une imposante structure désormais implantée à demeure au parc des Sports de Briançon, où l’on grimpe à 360° sur chacune de ses 4 faces. Cet ouvrage est aussi le théâtre du Mondial de l’Escalade, étape de la Coupe du Monde d’escalade IFSC, un événement qui fêtera cette année ces 35 ans d’existence. Nostalgie !
Nul besoin d’observer très longtemps le Nid et ses 18m de développé, ces 4 faces grimpables, ces 1061m2 sur lesquels 43 voies s’échelonnent du 4a au 9a, pour comprendre à quel point l’escalade s’est transformée depuis les années 90. C’est bien sûr toujours un plaisir pour La Fabrique verticale de revenir sur les lieux de la victoire de Laurence, en 1995, au Mondial de l’escalade. L’événement s’appelait alors encore les Masters de Serre Chevalier. C’est aussi un plaisir pour Olivier de se remémorer l’époque où tous deux ont sévi en tant qu’ouvreurs sur la même compétition internationale, chez les jeunes, entre 2003 et 2008.
Rencontre au sommet sur le Mur du Mondial
C’est un beau clin d’oeil au passé et c’est amusant de revenir sur les lieux, l’année où le Mondial de l’escalade de Briançon fête ses 35 ans. Les murs ont changé, les prises ont changé… Mais la passion reste intacte. Et c’est aussi fascinant de constater la longévité d’un tel événement. Chapeau bas à l’équipe organisatrice qui continue de perpétuer une compétition historique, qui est une référence dans le monde la grimpe. Au passage c’est aussi une de celles qui nous a apporté une de nos plus grandes joies en compétition.
Mais force est de constater que les petites croûtes et autres arquées que nous serrions ou vissions alors, pour de longs runs de résistance acidifiant les avant-bras, ont cédé la place à des prises plus volumineuses. À ce titre, observer Joshua Fourteau et Noé Moutault, de la jeune garde, a confirmé notre ressenti sur l’évolution de la gestuelle. Tant en voie qu’en bloc !
Cette rencontre impromptue a permis de jeter un pont entre les générations, où l’expérience des uns et la fougue des autres se sont entrelacées au cours d’une session, mettant en lumière une passion qui transcende les âges. C’est un beau trait d’union que d »avoir la chance de partager une séance ainsi. Et devant l’ampleur du mur, on avait forcément le bout des doigts qui frétillait d’envie. L’émotion et les souvenirs étaient là.
Cap sur les blocs à Bloc 27
Joshua et Noé, avec l’aide de Soeren Montigny ouvreur à la salle Bloc 27, nous avait concocté 3 magnifiques blocs, avec des prises, volumes et macros bien dans l’air du temps. Des prises new age. Ils s’étaient entendus comme larrons en foire pour visser des nouvelles séries de X cult, Virgin grip et Blue Pill. Il faut dire qu’ils se connaissent depuis longtemps. Et si leur 3e acolyte, Eliot Barnabé, n’était pour une fois pas de la partie, il reste tout de même que ces trois grimpeurs du Sud-Ouest évoluent de conserve depuis leur toute petite enfance. Ils se sont taillés, ensemble ou à tour de rôle, un beau palmarès dans les catégories jeunes. Bref une histoire d’amitié et d’émulation comme on les aime à La Fabrique verticale.
Des prises new age entre les mains de la nouvelle génération
Eliot Barnabé
Eliot Barnabé, qui nous avait lâchement abandonné pour cette rencontre au sommet (la peur sans doute ;-)), est un grimpeur d’Occitanie. Nous le connaissons depuis longtemps. Nous l’avons même vu grimper, tout petit, sur les blocs de Corse. Ses parents, Éthel et Éric, sont de vrais passionnés. Avec une médaille de bronze aux Championnats d’Europe en junior en 2021 et trois victoire en Coupe d’Europe, il a déjà une belle expérience en compétition.
Joshua Fourteau
Originaire de Bordeaux, Joshua Fourteau est le fils de Jean-Marc Fourteau, patron d’une des plus anciennes salles de France et constructeur de murs pour la société Grimpomania. Outre son passage remarqué en finale de l’émission Ninja Warrior en 2022, Joshua a réalisé deux 9a en falaise. Akira et le fameux Hugh, aux Eaux claires. En compétition, il a décroché un titre de Champion de France en Junior, un podium en Coupe d’Europe jeune et une 5e place aux Championnats du Monde. Mais il ne compte pas en rester là. Puisque déjà il se projette dans une année de césure dans ses études d’économie pour se donner plus de chances de percer en compétition. Et pourquoi pas aux Jeux de Los Angeles en 2028 ? Il aura 26 ans.
Noé Moutault
Noé Moutault est poitevin. Étudiant en STAPS à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, il a lui aussi une histoire déjà bien étoffée en escalade. Il fait ses débuts en compétition en catégorie microbe, à l’âge de 7 ans. Avec un père BE d’escalade et gérant de salle, ça aide ! Puis il a gagné les Championnats d’Europe de difficulté en minimes en 2016. Et l’année suivante, il a décroché une médaille de bronze aux Championnats d’Europe de bloc. Évoluant dans le 9a en falaise (lui aussi avec Hugh aux Eaux claires), il se destine à l’entrainement des plus jeunes. Ses études l’y préparent bien. Tout comme sa gentillesse et sa grande disponibilité.
Les prises new age testées : Xcult, Virgin grip et Blue Pill
Autant dire que Joshua et Noé avaient toute l’expérience pour nous ouvrir des blocs reflétant bien la philosophie actuelle de l’escalade et tirant parfaitement parti des Xcult, Virgin grip et Blue Pill mises à disposition par la société Jegrimpe.com pour le test. Fort heureusement, ils avaient aussi pensé à des solutions pour faciliter les passages ! Ce qui nous a permis de jouer avec la visseuse nous aussi et de nous faire une idée bien précise de l’intérêt des shapes, du grain et des profils préférentiels pour leur utilisation.
Volumes Xcult – DualTex
Le premier bloc que nous avons découvert avait été tracé avec les nouveaux volumes Xcult DualTex dans une zone légèrement en dalle de la salle Bloc 27. Il s’agissait d’un skate, avec arrêt sur contre-pointe, suivi d’une fin plus classique. L’occasion de tester l’excellent grain de ces volumes, fabriqués à base de contre-plaqué résiné, avec ajout de zones super glossy sur certaines de leurs facettes. Au-delà de la dimension esthétique indéniable de ces bitextures, nous avons pu constater la difficulté accrue que générait ces zones ultra lisses. Par exemple pour les mains, quand il s’agit de prendre l’arête en pommeau. Mais aussi pour les pieds dans les passages en skate.
Nous avons aussi été frappés par la belle facture de ces volumes en termes de finitions. Notamment dans les zones de transition entre le grain et la partie brillante. Autre idée originale et utile à l’ouverture, ces volumes sont disponibles en deux versions. Soit avec 2 faces opposées en double texture, soit avec 2 faces adjacentes, pour plus de modularité. Enfin plusieurs de ces volumes se présentent en deux parties pour pouvoir les décaler à l’ouverture et offrir une fissure ou une réglette plus ou moins large. Classique mais efficace !
L’avis de La Fabrique verticale
Légers et faciles à manipuler, ces volumes présentent certes, des formes assez familières, globalement géométriques, du fait de leur fabrication sur bois. Mais il reste que leur grain est excellent et qu’ils peuvent se prévaloir de très belles finitions ! Bref, pas étonnant que la marque bulgare Xcult ait été retenue parmi les fournisseurs officiels de volumes pour les JO de Paris 2024.
Macros Ufo Virgin Grip
Le deuxième bloc que nous avons essayé lors de cette séance à Bloc 27 se déroulait dans un profil bien déversant, sur la série Ufo de Virgin grip. Il s’agit d’un tout nouveau lot de macros en stratifié de fibre de verre. De grande taille, de 70 jusqu’à 90 cm, avec là encore de la bitexture, un grain bien prononcé et une belle complexité offerte par les shapes. L’esthétique était de la partie. Avec à la fois des mouvements physiques et la nécessité d’arriver pile poil au bon endroit sur les préhensions. Car si les zones d’arrivée sont larges, elles n’en présentent pas moins des variations, qui nécessitent des micro-réajustements. Top !
Comme Olivier est un grand enfant, il n’a pas plaint les essais. Il a même fini avec la pulpe des doigts bien sensible ! On était tous époustouflés par l’énergie qu’il a mis dans les blocs et l’effervescence qui régnait à la salle. Un vrai engagement qui témoigne de sa passion et du réel plaisir qu’il a à apprendre et à jouer dans cette nouvelle motricité.
Au fil des essais, nous avons été séduits par les formes très épurées et par les bords de fuite hyper progressifs de ces grands disques, rendus possibles par la fabrication en fibre de verre et epoxy. La qualité de finition de ces macros est incroyable. En témoigne la jonction entre les deux zones de bitexture. Auparavant elle nécessitait une gouttière. Aujourd’hui elle se présente sans aucune transition ou relief visible. Assez bluffant !
L’avis de La Fabrique verticale
La marque tchèque Virgin Grip n’en finit pas de séduire. Elle est tendance et produit des prises new age qui, sans conteste, attirent l’œil. Mariés au premier regard 😉 Évidemment, leur très grand format les destine plus volontiers aux salles de bloc qu’aux pans de clubs ou de particuliers. Leur grain robuste autorisera des passages répétés. Un gage d’équité en compétition ou de durabilité quand la fréquentation est importante.
Attention, comme nous l’ont précisé les jeunes, des précautions sont à prendre lors du vissage. C’est d’ailleurs logique, du fait du grand diamètre de ces macros. Engager progressivement chacune des 6 vis à bois pour éviter le porte à faux.
Impossible Blue Pill
Pour la fin de séance, Joshua et Noé avaient prévu de nous faire courir sur les tapis pour sauter à deux mains sur de grosses prises en PU de la marque allemande Blue Pill. Elle aussi a été retenue comme fournisseur officiel de Paris 2024. Mais à ce stade de la partie, jamais ces prises, pourtant accueillantes, n’avaient aussi bien porté leur nom. Impossible ! Ce n’est pas faute d’avoir eu des démos. Et même en baskets !
La marque allemande Blue Pill reste une référence dans le monde de l’escalade, tant pour la qualité de ses productions que pour la variété de ses gammes de prises et de macros. Les macros prises sont produites en ABS. Il s’agit d’un plastique recyclé provenant de déchets industriels. Elles sont thermoformées. Puis résinées et sablées pour donner un grip exceptionnel. Les autres prises sont en PU. Un soin tout particulier a été apporté aux gammes de pied, pour plus de technicité.
L’avis de La Fabrique verticale
De formes arrondies et pourvues d’un bon grain pour arrêter le mouvement (ou pas !), ces prises new age nous ont semblé bien adaptées aux salles et à l’ouverture en compétition. Car un grain marqué va offrir la possibilité d’utiliser ces prises dans une pente un peu plus prononcée. Côté bitexture, Blue Pill a opté pour un rendu mat dans les zones lisses de la prise. Une esthétique qu’on aime ou qu’on aime moins. Mais dans l’ensemble elles sont quand même classieuses. La Fabrique verticale valide à 100% !
Merci à la salle Bloc27 pour son accueil ! Et en particulier à Franck Prigent, Laurence Dordor et Soeren Montigny
Superbe article !
merci !!!