Sur les routes et les falaises du monde

Adam et Noémie au Tadjikistan, haut plateau et paysage désertique

Avant-hier, vous avez découvert Noémie et Adam dans les préparatifs et les premiers épisodes de leur grand périple autour du monde, à vélo. Avec comme fil rouge la découverte de nouvelles falaises.

Retrouvons-les au fil de leur interview 🙂

Deux grimpeurs arrivent au sommet d'une voie à Kalymnos

Kalymnos. Une belle île pour grimper !

Jusqu’à présent, quelles rencontres vous ont le plus marqué ?

En 28 mois de voyage, les rencontres mémorables se comptent par dizaines. Pour autant, quelques personnages nous ont particulièrement marqués.

Sur Télendos, l’île voisine de Kalymnos, la façade blanche et bleue et les murs couverts de photos d’escalade du Café Restaurant Rita nous tape dans l’oeil. Le patron, Yannis, 60 ans, a commencé à grimper quand l’escalade a débarqué sur l’île il y a quinzaine d’années. Il nous explique qu’à cause de ses problèmes de coeur, son médecin lui interdit de grimper en dessus de 6c. Pendant nos deux semaines, installés sur la plage non loin de son café, nous passons toutes nos soirées avec lui. Il nous raconte la vie de l’île avant l’escalade, la crise grecque et les nouvelles taxes qu’on lui impose tous les ans, les vieilles rancoeurs avec la Turquie, les bombes qu’ils trouvent sous la mer et recyclent en explosifs jetés du haut de la falaise à chaque occasion : Pâques, mariages, baptèmes. Il nous parle aussi de cette grande voie qu’il a commencé à ouvrir et qui portera le nom de sa femme, Rita.

Noémie achète des pommes au bord de la route, en plein désert ouzbèque

Surprise de la route, acheter des pommes au milieu du désert
Ouzbèque

À Boysun en Ouzebikstan, je suis en quête de fruits et légumes quand je croise ce jeune européen, sa sacoche de guidon sous le bras m’indiquant que lui aussi voyage à vélo. Constantino est allemand, il a 19 ans et il est parti seul depuis l’Allemagne avec les sous qu’il a mis de côté en travaillant en même temps qu’il passait son bac. Par le plus grand des hasards, on campe à seulement quelques mètres de sa tente le jour suivant, puis on le rattrape sur la route juste avant la frontière avec le Tajikistan. Le courant passe entre nous trois. On partage des conversations passionnantes, des moments de franche rigolade et on a le même rythme. Il sera notre compagnon de voyage pendant plus de 30 jours, nous embarquant sur la route la plus aventureuse que nous ayons jamais emprunté dans le parc national du Zorkul au Tajikistan. 10 jours au-dessus de 4000m d’altitude sans voir un village, à admirer les paysages incroyables de l’Indu Kush Afghan.

Adam et Noémie au petit déjeuner dans le parc de Taebaek, Corée du sud, parmi les fleurs

Corée du Sud. Emplacement de camping parfait dans le parc de Taebaek

Le soleil vient de se coucher derrière le mont Insubong dans le parc national de Bukhansan en Corée du Sud. Nous sommes en bas d’une montée très raide et on se demande où est-ce qu’on va bien pouvoir poser la tente. C’est alors qu’une voiture s’arrête à notre hauteur. Bop Chul est un moine bouddhiste qui aime le vélo et veut nous donner des oranges. Quand il nous demande où nous allons passer la nuit, nous lui faisons comprendre que nous ne savons pas encore. Après avoir appelé son temple, il nous explique qu’il aurait voulu nous inviter mais toutes les chambres sont prises.

matériel-vélo-corée du sud

Corée du Sud. On a même pris une poutre de voyage 😉

En Corée, c’est malpoli de refuser une invitation…

Pour autant, il veut absolument nous aider et nous propose une chambre d’hôtel. Il nous laisse entendre que l’argent n’est pas un problème et qu’en Corée, c’est malpoli de refuser une invitation. Une fois à l’abri pour la nuit, il nous invite au restaurant et nous regarde manger en écoutant nos histoires de voyage. Quelques jours plus tard, il nous proposera d’entreposer nos vélos dans sa chambre pendant que nous partons pour 5 jours dans un refuge de montagne pour grimper sur Insubong.

Quels lieux vous ont procuré le plus d’émotions ?

Chaque pays, chaque lieu, chaque paysage procure des émotions différentes, elles même affectées par l’état d’esprit dans lequel on est à ce moment-là. On se souvient de la frustration de l’hiver en Allemagne, Autriche, Slovénie. La joie de partager la route et des campements magnifiques sur la côte adriatique avec mon frère Sylvain pendant deux mois. La surprise et l’impression d’avoir fait un voyage dans le temps en passant la frontière de l’Albanie. Le bonheur d’être enfin au bon endroit à la bonne saison pour grimper pendant un mois sur Kalymnos. L’incrédulité face à la beauté et la diversité des paysages turques et la générosité et bienveillance de ses habitants. L’hilarité face aux vendeurs de rue en Azerbaidjan qui nous courent après pour nous offrir une pastèque chacun et ce chaque jour pendant nos 10 jours dans le pays avec ma soeur Floriane.

Grimpeur assis étudie le topo. Autre grimpeur qui assure-Yosemite

Yosemite. Bien étudier le topo !

Puis le dépaysement de l’Asie Centrale, ces pays dont personne ne sait grand-chose. Les déserts à perte de vue qui nous rappellent l’insignifiance de notre existence, les chameaux sortis de nulle part qui courent à coté de nous, les sourire des enfants et des plus anciens qui vivent dans des maisons de terre et de paille au pied des montages du Pamir plafonnant à 7000m. Le Tadjikijstan reste notre coup de coeur, avec des paysages à couper le souffle, un vrai sentiment d’aventure sur des routes cabossées imprévisibles et des habitants au sourire et à la générosité sans limite.

Le sentiment permanent de nouveauté et de surprise nous donne la motivation de continuer à avancer.

L’Asie du Sud-Est est avant tout une expérience culinaire, où nous découvrons le vrai sens du mot épicé et des saveurs totalement inconnues. Au Laos, les pistes longeant le Mékong nous invitent à la rêverie, l’absence de relief et la vue sur les villages isolés nous procurent un sentiment de détente inégalé. En Corée du Sud, le choc culturel est un vrai défi qui pique sans cesse notre curiosité et notre topo d’escalade rédigé dans un anglais plus qu’imparfait nous donne l’impression de découvrir des falaises que très peu d’étrangers ont foulé. Pendant un an et demi, nous n’avons traversé que des pays où nous n’avions jamais mis les pieds. Le sentiment permanent de nouveauté et de surprise nous donne la motivation de continuer à avancer.

La Pamir highway-descente à vélo

Tadjikistan. Descente hallucinante après le premier col de la Pamir Highway à 3252m

Une fois en Amérique du Nord, bien que sur un continent que nous connaissons déjà, les surprises ne s’arrêtent pas pour autant. Sur la côte Pacifique, on ne s’est jamais ennuyé. Observer les baleines à bosse se jeter dans les vagues, les phoques se prélasser sur les rochers, les pélicans plonger à pic pour pécher puis se retrouver à pédaler au milieu d’arbres aussi vieux qu’imposants pour enfin arriver au Yosemite, au pied des géants de granit à la renommée internationale. Partir pour plusieurs jours d’aventures verticales sur un big wall procure un sentiment bien particulier. On commence la boule au ventre avec l’angoisse de ne pas y arriver, on oublie le temps sur les longueurs d’escalade artificielle où chaque mètre gagné est une aventure en soi. Dormir suspendu au-dessus du vide à la merci des éléments avec une vue imprenable nous rappelle pourquoi on fait ce qu’on fait. Même si atteindre le sommet est l’objectif et un pur moment de joie, ne pas y arriver nous rappelle que le plus important est le voyage et non la destination.

Noémie à l'entrée de sa tente, sous un Yucca géant, dans le parc naturel de Joshua Tree

Joshua Tree. Campement à côté d’un des yuccas géants qui ont donné leur nom au parc national également réputé pour son granit de qualité

En règle générale, voyager à vélo et gravir une paroi est extrêmement gratifiant. Il y a d’une part la fierté d’être arrivé quelque part à la seule force de ses jambes et de sa volonté et d’autre part le regard, la curiosité et la bienveillance de ceux que l’on croise sur n’importe quel continent, dans n’importe quel pays, riche ou pauvre.

Sur un plan pratique, quel coût cela a d’envisager un trip tel que le vôtre, et quelles implications sur votre vie d’avant cela a eu ?

Voyager à vélo ne coute pas très cher, surtout lorsque l’on essaye au maximum de ne pas payer pour dormir. Nos seules dépenses sont la nourriture, le remplacement de matériel usé et les frais administratifs (visas, frais bancaires, assurances). Notre budget dépend donc largement du niveau de vie du pays traversé. En Europe en hiver, nous avons eu du mal à dépenser moins de 450 euros par mois par personne alors qu’au Tajikistan, 300 euros nous ont suffis pour bien manger tous les deux pendant 45 jours. En règle générale, nous avons tendance à dire que malgré tout, on finit toujours par dépenser plus que prévu et avoir une certaine marge de manoeuvre donne une plus grande liberté. Notre matériel étant réduit au minimum, il est soumis à rude épreuve au quotidien et nous pensions naïvement qu’acheter de la qualité nous permettrait de ne pas avoir à en changer. La réalité est bien différente. Après 20000 km à vélo, nous en sommes à notre 6ème chaine et à notre deuxième paire de pneu. De la même façon, après un an d’escalade, nous en sommes à notre troisième corde et notre troisième paire de chausson. Le matériel de qualité léger dure plus longtemps et nous permet de ne pas perdre de temps à chercher ce qu’il nous faut dans des régions reculées, mais cela a un coût.

Sierra Nevada-paysage givré après le passage d'une tempête-tente cachée derrière des buissons tout blancs

Californie. La tempête de neige qui nous a chassé du Yosemite nous a
rattrapé de l’autre côté de la Sierra Nevada à côté du Mono Lake

La première grande différence avec notre vie d’avant est la distance qui nous sépare de nos amis et de nos familles. Pour autant, nos familles ont réussi à venir nous voir une fois par an et nous sommes rentrés en septembre dernier pour rendre visite à nos grands-parents qui ne peuvent pas se déplacer.

Après 28 mois sans travailler, nous avons aussi le sentiment d’avoir gouté à une liberté dont il est difficile de se passer. Nous avons beaucoup de temps pour lire et s’informer sur les pays traversés et le monde en général, apprendre et développer des compétences pour lesquelles nous n’avions pas le temps lorsque nous travaillions. Finalement, ce voyage nous a renforcé dans l’idée que vivre simplement avec le minimum apporte la plus grande des richesses : celle de vivre sa vie sans courir après le temps ni les possessions matérielles. Apprendre à gérer au quotidien avec un confort limité de façon indépendante permet de ne travailler que le minimum.

grimpeurs au bivouac sur une paroi du Yosemite

Yosemite : Bivouac sur la voie normale du Mont Watkins

Pour des gens qui envisageraient de faire la même chose que vous, même en plus petit, quels conseils donneriez-vous ?

Les seules règles sont celles que l’on s’impose à soi-même et ce qui marche pour certains ne conviendra pas forcément à d’autres. Le conseil qui nous paraît le plus pertinent est donc de ne pas se poser trop de questions. On apprend en faisant, le plus dur est de démarrer. Il suffit de se mettre en route !

Adam et Noémie sur une piste du Tadjikistan-vue sur le Pamir

Tadjikistan. Vue sur le massif des Pamirs Afghans depuis la vallée du
Wakhan

Un grand merci à Noémie et Adam pour avoir partagé un peu de leurs aventures !

Pour continuer à les suivre et les soutenir, c’est sur Instagram !

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3 réponses

  1. Mkz dit :

    Passionnant ! Merci 🙂

  2. Adrian dit :

    Très onspirant ! Et à vélo en plus.

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