Le mental, premier muscle de la performance (épisode 1)
Cette semaine, La Fabrique Verticale accueille un invité : Jonathan Bel Legroux, que certains connaissent sans doute déjà, est un spécialiste de la préparation mentale et collabore au site mental-sport.com. C’est un grand plaisir pour nous qu’il ait accepté de présenter l’hypnose et son application à l’escalade ! Première partie aujourd’hui : le mode d’emploi !
L’escalade, un monde mental
Le sport est un domaine fascinant, parce qu’il est incertain. Qu’on en soit l’acteur ou le spectateur, le mystère du résultat et le dépassement sont sans doute ce qui fascine le plus. Et parmi ces activités physiques, celles qui se confrontent à la Nature, au vide, à l’inconnu, sont les disciplines reines.
Parmi elles, l’escalade. Que ce soit en couenne, en bloc, en grandes voies équipées ou en terrain d’aventure…en glace ou en rocher… le grimpeur est énormément sollicité. Et avant d’être confronté physiquement, techniquement ou stratégiquement…il l’est avant tout mentalement. Face à un « crux », face à une voie « à vue », face à une paroi en ouverture du bas, ou dans la salle d’isolement en compétition face aux adversaires, avant de se confronter physiquement à « l’épreuve », on s’y confronte mentalement. Cette partie de l’entraînement est donc primordiale et devrait être davantage prise en compte.
Mode d’emploi du mental en bref
Notre mental fonctionne la plupart du temps tout seul, sans nous demander votre avis. Il crée à sa guise des pensées, des intuitions, des automatismes, des comportements, mais aussi des sensations et des émotions. Ce que nous appelons « mental » est cette partie de nous qui crée des « nœuds dans le ventre » d’appréhension le matin avant de partir en grande voie à la lueur de la frontale. C’est celle qui crée du « stress » en compétition 4h avant votre passage. C’est aussi cette partie qui gère l’ensemble de votre organisme, la transpiration des mains qui fait que vous n’arrêtez plus de « caker » pour garder vos pattes blanches. Dans notre domaine de la préparation mentale dans l’équipe Mental Sport, nous utilisons, parmi plusieurs outils, l’hypnose et l’auto-hypnose. De ce point de vue là, au-delà du mot « mental », nous parlons « d’inconscient ». Whaou ! Le mot est lâché !
C’est simplement cette partie de nous qui est hors de portée de notre champ conscient. En gros, tout ce sur quoi vous n’avez pas d’accès avec votre volonté est inconscient. Impossible avec la volonté de stopper la sudation des mains, ou une peur, ou une anxiété, ou d’augmenter le rythme cardiaque sur commande. (Si vous pouvez, alors, en plus peut-être d’être un mutant en grimpe, vous êtes un mutant tout court. Alors, contactez-nous par curiosité 😉
Et comment fonctionne l’inconscient ?
Notre cerveau capte l’information par nos cinq sens. Il les traite et les organise de lui-même sous forme d’images, de sons et de sensations. Ensuite, comme l’ont montré les neurosciences, ce n’est pas la réalité que nous percevons, c’est l’imagination issue de la perception des informations qui nous donne l’illusion de la réalité. Une preuve ? Ok !
« Un jour vous êtes dans une super forme, vous randonnez une de vos voies préférées du secteur. Tout va bien. La distance entre les points est au top, les conditions excellentes… La semaine d’après, avec un peu moins de sommeil, quelques tracas en tête, de mauvais poil, un peu de peur éventuellement suite à un gros vol le week-end dernier, vous décidez d’aller « dérouler » dans la même voie. Normal, c’est votre préférée. Et là… vos jambes tremblent, les points semblent plus loin, vous cherchez les prises, il vous semble qu’il en manque. Vous demandez sec : « Hé, tu sais quoi ? J’ai l’impression qu’il y a des prises qui ont cassé. Incroyable! Et peut-être même qu’ils ont dû ré-équiper la voie, parce que la distance est un peu plus loin entre les clous… »
(Bien sûr, tout cela n’est pas un scénario que vous avez déjà croisé en falaise, n’est-ce pas ? ou même en salle… avec le fameux « ils ont du tourner la prise ».)
Eh bien non ! À ce moment-là, c’est votre mental qui vous guide, avec des pensées, des sensations qui vous font croire que cela est plus dur. Mais ce n’est qu’une perception, une illusion issue de votre inconscient. Lui ? Il capte l’information et l’organise d’après les expériences et situations passées. Ensuite, il crée différentes sensations et réactions qui ne sont que les conséquences de cette prise d’informations.
Prenons un exemple : Pensez à votre dernière performance qui est un souvenir agréable. Visualisez les couleurs et la luminosité qu’il y a à ce moment-là…
Quand nous prêtons attention à un souvenir, nous pouvons faire attention à la taille du souvenir. Est-il est grand ou petit ? Et quand on repense à un souvenir, on peut prendre conscience que le cerveau a cette tendance à mettre les souvenirs d’un côté ou d’un autre de la tête. Alors pour vous, si vous deviez situer ce souvenir où serait-il ? Devant vous ? Sur le côté ? Derrière vous ?
Refaites ensuite la même expérience sur un mauvais souvenir de grimpe, une chute, une zipette, un échec en compétition… Quelle taille fait-il ? Quelles en sont les couleurs ? Est-ce fixe comme une photo, ou mobile comme un film ?
Et là, pendant que vous avez lu ces lignes, vous avez pris conscience de la manière dont votre cerveau encode les bons souvenirs, et les mauvais. En jouant sur leurs composantes, nous influençons notre inconscient, nous revenons aux manettes.
Envie de tester un truc pour mieux ressentir comment ça fait ?
Repensez au bon souvenir, puis imaginez qu’il vient devant vous si ce n’est pas déjà fait. Puis quand vous avez fait cela, approchez-le de vous et pendant que vous l’approchez mentalement ressentez comment votre corps réagit. Naturellement et inconsciemment, les sensations agréables qui y sont liées vont grandir. Laissez-le là pour l’instant. Puis faites de même en approchant le mauvais souvenir de vous. Un peu plus encore que le premier. Pour le mettre juste devant vous. Que ressentez-vous du coup ? Hein ? Moyen ? Et pourtant vous n’êtes que devant un ordinateur.
Alors pour terminer, vous allez repenser au bon souvenir, qui va passer devant le second, devenir plus grand, plus lumineux, plus attirant encore qu’avant, pendant que l’autre s’estompe derrière. Et retourne à une place plus intéressante, voire peut être même s’estomper complètement.
Pigé ? Simple ? Trop simple ? Oui… et pourtant…
La suite mardi prochain
Jonathan Bel Legroux est diplômé d’un Master Sport, Santé, Société et d’un DU de Préparation Mentale et Aide à la Performance. Il est également praticien et formateur en hypnose Ericksonienne et Éducateur Sportif (BEESAPT). Ancien joueur et entraîneur de rugby, il s’est orienté vers les sports de nature et de montagne, tout en gardant une passion pour les arts martiaux. Aujourd’hui, il intervient en tant que coach mental avec des sportifs de haut niveau dans la réussite de leurs objectifs. Il intervient également sous forme de stages et de conférence dont les buts sont d’autonomiser le sportif dans la préparation mentale, et de démystifier cette pratique encore trop mise en retrait dans l’entraînement. Retrouvez-le sur mental-sport.com |
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Super article ! Adaptable à la vie de tous les jours …. Je l’ai publié sur FB, en mettant les références de cet article bien sûr, mais adapté aux problématiques quotidiennes de tout un chacun, hors grimpeurs …
C’est de la PNL, tout bêtement. Très utile quelque soit le contexte.