Café Kraft : les raisons d’un succès
Patrick Matros et Dicki Korb sont les emblématiques tauliers du Café Kraft, une salle de bloc de Nuremberg que fréquentent régulièrement les meilleurs grimpeurs du monde, pour des séances d’entraînement bien moyenâgeuses. Alors derniers gourous à la mode ou coachs super pointus ? La Fabrique verticale a tenté d’en savoir plus.
Comment travaillez-vous ensemble ?
En règle générale, on se donne rendez-vous, on se boit une bonne bière bavaroise et les idées viennent d’elles-mêmes ! Plus sérieusement, nous avons des compétences complémentaires et nous avons appris avec les années à en tirer le meilleur parti. Dans la plupart des cas, nous coachons des athlètes différents, chacun de notre côté mais sur un point particulier, lorsque nous avons besoin du point de vue de l’autre, il arrive que nous nous consultions bien sûr. Dans certains cas, comme avec Alex Megos, nous fonctionnons en doublette, mais c’est quelque chose qui s’est construit sur le très long terme. Pour ce qui est des stages ou des workshops nous travaillons ensemble. Dicki est plutôt le gars de la communication, moi plutôt celui qui est plongé dans les revues scientifiques !
Quelles sont vos compétences respectives ? L’un est-il plus spécialisé dans la préparation physique et l’autre dans la préparation mentale ?
Chacun d’entre nous peut entraîner ces deux aspects. Dicki a une approche plus systémique et plus globale, du fait de sa formation pédagogique. Quant à moi, comme je forme des futurs profs de sport, je suis plutôt l’expert théorique en science de l’entraînement. D’un point de vue plus général, c’est surtout l’expérience dans le coaching, avec de nombreux athlètes depuis plus de 10 ans, qui fait notre point fort.
La confiance est une notion clef dans le succès. Comment faites-vous pour entraîner les points faibles des grimpeurs sans perturber leur équilibre global ?
D’expérience, il apparaît que c’est plus facile d’entraîner les points faibles quand ils sont d’ordre physique que lorsqu’ils sont d’ordre psychologique. Dans les deux cas, les grimpeurs devront être patients mais dans le cas du mental, c’est plus complexe. Les choses ont besoin d’être verbalisées et ce n’est pas toujours facile à entendre pour un athlète. Le point crucial, c’est : quelle est l’implication du grimpeur dans le processus ? Comment va-t-il réagir ? Va-t-il nous consulter à nouveau ou juste dire “Ok, vous avez raison” mais ne rien changer à sa manière de fonctionner et faire les choses à 100% de même manière qu’auparavant ? Dans ce cas, il nous faudra stopper la relation. La confiance est de toute façon une question difficile à gérer…
Est-ce que votre rôle en tant qu’entraîneurs se limite à de la périodisation ou êtes-vous aussi présents à l’entraînement pour accompagner les grimpeurs et les aider à progresser ?
Plutôt de la périodisation. Il nous arrive d’accompagner des grimpeurs mais seulement dans quelques rares exceptions. L’individu et sa passion pour l’escalade sont souvent liés de manière inextricable et complexe. L’aspect le plus fondamental de notre travail de coaching, c’est de travailler avec l’humain qui est derrière l’athlète.
Est-ce que vous coachez dans d’autres sports ?
Oui, en tant que professeur qui forme les futurs enseignants de sport, je suis amené à intervenir dans plusieurs activités, principalement en gymnastique, natation, ski de fond et athlétisme. Mais à haut niveau, l’un comme l’autre, nous nous concentrons surtout sur l’escalade de difficulté et sur le bloc.
Votre salle s’appelle Café Kraft (en français “Café de la Force”), c’est dire l’importance que revêt cette qualité à vos yeux. Pour développer la force, que mettez-vous en place ?
Pour développer la force et la puissance, le business du fitness présente sans cesse plein de nouvelles possibilités, parfois un peu fumeuses d’ailleurs. Quand on y regarde de plus près, ce sont soit des âneries soit des vieilles recettes remises au goût du jour. Donc notre mot d’ordre est toujours le suivant : retour aux fondamentaux ! L’entraînement analytique reste une base même si c’est un processus qui suscite de la fatigue. Il n’y a pas de secret et il n’y aura pas de miracles !
Quel est le point le plus important à prendre en compte selon vous dans l’entraînement ?
C’est la relation humaine à l’athlète. C’est la base sur laquelle pourront se faire les apprentissages et les évolutions.
Si on parlait un peu de concrétisation ! Comment intégrez-vous l’escalade en falaise dans l’entraînement et la planification globale ?
Nous coachons plusieurs grimpeurs de haut niveau qui souhaitent mettre l’accent sur l’escalade en falaise et pas seulement sur la compétition. C’est un gros challenge quand on commence à réfléchir en termes de planification. On développe donc des blocs spéciaux de micro cycles qui peuvent se combiner avec la routine classique d’entraînement et qui peuvent se faire dehors, même si on n’a pas accès à une salle.
Quelle proportion entre entraînement et escalade, dans votre approche ?
C’est dur à dire, ça dépend comment on envisage l’escalade indoor. L’entraînement en salle est plus systématique que l’entraînement dehors, qui est plus sujet à réajustement, selon les conditions climatiques. D’une manière générale, nous recommandons de garder au moins une séance de physique par semaine, à laquelle s’ajoute un peu de souplesse et de travail sur les schémas corporels trois fois par semaine. Le reste varie, selon les programmes individuels, avec des blocs axés plus sur l’escalade ou plus sur la force.
Beaucoup de grimpeurs viennent s’entraîner au Café Kraft. Comment expliquez-vous ce succès ?
Peut-être parce que nous pouvons garantir qu’il a plein d’objectifs en 9a dans le secteur, le Frankenjura est à deux pas ! En fait, je pense que c’est surtout une question de dosage entre motivation, entraînement physique et coaching sérieux !
D’où vient votre notoriété ?
D’un côté, nous avons de bonnes compétences en entraînement ; cela nous aide à analyser et agir dans la bonne direction. De l’autre, nous avons une expérience de plus de 20 ans en escalade, et dans des voies jusqu’à 8c (ok, ce n’est peut-être plus une cotation si impressionnante de nos jours, mais bon…). Et nous avons entraîné des athlètes jeunes, que avons conduit à haut niveau.
Photos © Gimme Kraft
Intéressant ce Café Kraft…
Patrick et Dicki parlent de « travail sur les schémas corporels trois fois par semaine. »
Sais tu en quoi consiste ce type de travail ?
Gainage dynamique, travail d’équilibre et de proprioception