Heinz Mariacher : un designer au top !

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Heinz Mariacher : ce nom vous dit quelque chose ? À l’occasion des 80 ans de Scarpa, quoi de plus naturel que de partir à la rencontre d’un des artisans du succès de la marque italienne. Après Pietro Dal Pra, de chez La Sportiva, La Fabrique verticale donne la parole à un autre grand designer de chaussons d’escalade, Heinz Mariacher. Interview sans concession !

Heinz Mariacher est un grimpeur de longue date, qui a participé au développement de l’escalade libre dans les années 80, à Arco et dans les Dolomites. En 1986, il grimpait déjà dans le 8b+, ce qui n’était pas si commun à l’époque. Il est aussi un pionnier dans le développement du chausson d’escalade. Et les grimpeurs old school ont sans doute encore en tête le fameux modèle Mariacher créé en 1982 !

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Quand as-tu commencé à grimper ?

Heinz Mariacher : Quand j’étais enfant, en explorant les canyons et la nature environnante, chez moi en Autriche. J’ai fait mes deux premières vraies voies de montagne avec mon grand-frère, au Kaisergebirge, cotées en 4 et 5. À 11 ans, j’ai même fait une voie de montagne en solo, en baskets et sans équipement. À 15 ans, j’ai commencé à grimper plus régulièrement et de manière plus orthodoxe. Dans les années 70, j’ai fait quantité de big walls dans les Alpes et dans les années 80, j’ai découvert l’escalade sportive et c’est ce que je préfère aujourd’hui.

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Comment es-tu devenu concepteur de chaussons ?

Heinz Mariacher : Rien ne me prédestinait à cela. Au début des années 80, j’ai simplement vu que les chaussons d’escalade avaient grand besoin d’évoluer, en particulier parce que c’est l’équipement le plus important pour un grimpeur. J’avais quelques idées de concepts et comment les mettre en application. Je continue à travailler en ce sens. Bien évidemment, l’assemblage est un autre métier, qu’il vaut mieux confier à des mains expertes qui travaillent régulièrement sur une ligne de production. Mais après toutes ces années, bien sûr, j’ai de l’expérience en la matière.

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Cette année, après les 90 ans de La Sportiva, Scarpa s’apprête à célébrer ses 80 ans d’existence. Tu as une histoire commune avec ces deux grandes marques de chaussons. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Heinz Mariacher : C’est une longue histoire mais pour la faire brève, je dirais que ma collaboration et mon influence ont été importantes pour ces deux marques. J’ai participé au développement de La Sportiva aux US et ma collaboration avec La Sportiva en Italie s’est arrêtée en 2005 quand j’ai racheté mes parts. À cette époque, je n’avais pas de plan B et j’ai de nouveau commencé à rêver à redevenir un grimpeur à plein temps. Mais peu de temps après mon départ de La Sportiva, j’ai été contacté par Scarpa et j’ai décidé de retenter le coup. Comme on peut le voir sur les publications relatives aux 90 ans de La Sportiva, ils cherchent à masquer les presque 25 ans de collaboration. Scarpa d’un autre côté me témoigne beaucoup de respect et de considération…

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Quel est l’aspect le plus important pour toi dans le processus de conception d’un chausson d’escalade ?

Heinz Mariacher : Il faut un bon concept et surtout beaucoup de tests et de mises en situation ! Cela fait une grande différence si on peut tester soi-même le chausson et ainsi voir sur son propre pied ce qui convient et ce qui reste à améliorer. Dans mon cas, c’est un gros avantage car la forme de mon pied correspond bien à la majorité des pieds des grimpeurs. J’ai aussi appris avec le temps à concevoir des modèles qui s’adaptent bien et “moulent” le pied.

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Le marché du chausson est en pleine expansion et de plus en plus de pratiquants découvrent l’escalade en salle. Du coup, on voit beaucoup de nouvelles marques émerger, pour profiter de cet effet d’aubaine. Qu’est-ce que tu en penses ?

Heinz Mariacher : Beaucoup sont opportunistes et n’arrivent pas sur le marché avec de réelles innovations. Ils sont surtout intéressés par faire du business. Des marques traditionnelles comme Scarpa ont un autre lien avec leur travail. Ils aiment vraiment ce qu’ils font et ça se ressent dans les produits.

Cette année, pendant le salon de l’OutDoor, beaucoup de marques ont présenté des modèles incluant un nouveau matériau, le knit (qu’on retrouve aussi sur les chaussures de running). Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce un phénomène de mode ou quelque chose qui améliore vraiment le confort ?

Heinz Mariacher : j’ai travaillé sur des prototypes intégrant du knit, il y a environ 5 ans. Mais nous n’avons pas poursuivi dans cette voie, tout simplement parce que la microfibre est tout simplement plus fonctionnelle. Les chaussons intégrant du knit qui arrivent sur le marché sont très basiques. Plus fashion que performants. Je ne pense pas que cela va disparaître de sitôt, parce qu’il y a beaucoup de pratiquants qui considèrent l’escalade comme une activité fitness, à faire en salle. Pour ces nouveaux pratiquants, la question de la précision n’est pas déterminante, puisqu’ils n’iront probablement jamais grimper en extérieur. Les chaussons en knit seront ok pour eux, dans la mesure où ils n’ont pas de grandes attentes en terme de performance. Et où le principal enjeu sera de pouvoir les garder aux pieds pendant des heures !

Avec ce nouveau public de grimpeurs qui pratique exclusivement en salle, les chaussons tendent à devenir très confortables et de plus en plus souples. Scarpa prend le même chemin ?

Heinz Mariacher : Il n’y a aucune marque sur le marché qui propose des chaussons aussi souples que les Scarpa. Nous avons 4 modèles très souples, axés sur la performance : les Drago, les Chimera, les Furia S et les Furia 80. Et là, je dois ajouter que faire des chaussons qui soient juste souples n’est pas très compliqué. Mais faire des chaussons souples qui soient également précis, nettement plus !

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Quand je regarde en arrière, au début des années 80, j’ai découvert que grimper avec des chaussons souples est bien plus sympa que de se contraindre les pieds dans des chaussons précis et tendus. Peut-être certains vieux grimpeurs se souviennent encore des ballerines jaunes et violettes que j’ai développées en 1982 pour La Sportiva. Quelques années après, j’en ai fait une version améliorée, la Mantra, une fantastique ballerine, très souple, idéale pour l’escalade telle qu’on la pratique aujourd’hui. Mais en un sens, elle était trop en avance sur son temps car c’était bien avant l’époque des salles ! Maintenant, avec Scarpa, je suis totalement revenu dans cette logique, parce que je pense que grimper avec des chaussons souples fait de vous un meilleur grimpeur.

Quel est le futur du chausson d’escalade selon toi ?

Heinz Mariacher : De nouvelles possibilités vont sans doute se dessiner, avec les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies. L’escalade évolue dans tellement de directions différentes. Chaque discipline va avoir ses besoins propres. On va avoir besoin de chaussons spécialisés. On le voit déjà avec les grimpeurs forts, qui bien souvent ont plusieurs paires de chaussons dans leur sac, en fonction des besoins : une paire souple et sensitive, un modèle précis et un chausson à tout faire, quelque part entre les deux !

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