Plaquette dévissée = danger !

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Une fois n’est pas coutume, c’est d’un accident dont nous souhaiterions vous faire part. Accident dont a été victime Laurence cet été, suite à une plaquette dévissée. Bilan : diverses ecchymoses et une fracture du petit orteil. Bref un accident relativement bénin, mais dont les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves. Retour d’expérience et piqûre de rappel sur d’importants éléments de sécurité.

À La Fabrique verticale, nous sommes des grimpeurs expérimentés. Nous avons plus de 35 ans de pratique et évoluons, encore aujourd’hui, dans des voies en 8. Nous avons aussi une certaine expérience en tant qu’équipeurs. C’est pourquoi nous avons vécu l’accident de Laurence comme une sérieuse piqûre de rappel. Car personne n’est à l’abri. Plaquette dévissée = danger !

Les circonstances de l’accident

C’est en travaillant une voie dure cet été, que Laurence a fait une violente chute de 6-7 mètres. Par chance, l’accident s’est “seulement” soldé par quelques ecchymoses et une fracture du petit orteil. Le point sur lequel elle a chuté était un goujon de 12 en inox dont l’écrou s’était progressivement dévissé, avec une plaquette qui ne tenait donc plus que par un fil du filetage.

spit goujon plaquette equipement escalade dégaine

Au moment de la chute, la plaquette a tenu, il ne s’est rien passé de particulier. Laurence s’est ensuite classiquement remontée en tirant à la corde. Olivier l’aidait en tendant au maximum la corde et en se pendant dans son harnais en bas, se laissant même aller en arrière pour faciliter la manœuvre. À ce stade, la plaquette était encore en place. Ce n’est que lorsque Laurence a voulu se vacher avec une dégaine sur le point, pour permettre à Olivier de redonner du mou sur la corde, que l’écrou et la plaquette ont giclé.

Au moment de la chute, la corde était donc tendue au maximum et le vol a donc été très sec. En dépit du léger dévers de la voie, Laurence a frappé le rocher 6-7 mètres plus bas. Elle n’a pas eu le temps de comprendre ce qui s’était passé, ni Olivier. Une fois Laurence redescendue au sol, tous deux ont constaté que la plaquette était sur la dégaine, elle-même encore clippée à la corde… Autre constat, une douleur d’abord localisée à la fesse, puis au petit orteil. Car sous la violence du choc, Laurence s’était retournée après avoir tapé le pied en première intention.

orteil cassé hematome
Difficile de remettre des chaussons…

Le pourquoi du comment de la plaquette dévissée

Laurence s’est beaucoup interrogée sur le fait qu’elle n’ait pas vu que la plaquette s’était dévissée… Que s’est-il passé ? Comment a-t-elle pu passer à côté ? Elle qui fait toujours attention à la sécurité. Il faut dire que plusieurs grimpeurs travaillaient cette voie à cette période. Ce point étant celui du crux, plusieurs grimpeurs avaient chuté à cet endroit dans les jours précédents, sans conséquence particulière. De quoi faire baisser le niveau de vigilance…

Elle même était tombé dessus l’avant-veille et n’avait rien remarqué de particulier. Aussi quand elle est remontée dans la voie le jour de l’accident, elle était concentrée sur les mouvements et l’enchaînement de la voie. Mais plus du tout sur l’état du matériel en place qu’elle avait vérifié lors du déchiffrage des méthodes, tout à fait au début du process du travail de la voie.

plaquette d'escalade devissée
Du dessus, on voit théoriquement bien l’espace entre la plaquette et le rocher

Plaquette dévissée : hypothèses possibles

En discutant avec plusieurs guides et équipeurs suite à cet accident, nous avons pu constater qu’il n’est pas si rare que des plaquettes se dévissent. Nous-mêmes d’ailleurs, avons-nous pu déjà le voir lors de séquences d’équipement, en revenant d’une semaine sur l’autre, et en constatant qu’il fallait remettre un petit tour de clef sur les premiers points installés. Nous l’avons aussi déjà vu en falaise, comme tout le monde, dans le cadre de notre pratique habituelle. Car qui n’a jamais revissé l’écrou d’une plaquette qui avait commencé à se desserrer, en grimpant ?

En fait, il y a plusieurs raisons possibles à ces plaquettes qui se dévissent. D’une part, le fait de laisser du matériel en place sur des plaquettes peut en favoriser le dévissage. En particulier du fait du vent, qui fait tourner la dégaine et dévisse progressivement l’écrou. Dans cette vidéo, on voit très bien en accéléré comment ça peut arriver. D’autre part, les conditions climatiques, et en particulier l’alternance de chaud et de froid dans des secteurs situés par exemple en altitude, peuvent, en raison de la dilatation des matériaux, avoir des conséquences similaires.

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Sur cette image aussi, on voit clairement l’écrou qui s’est progressivement dévissé et la plaquette qui n’est plus plaquée contre le rocher

Plaquette dévissée : autres possibilités

C’est particulièrement vrai des goujons en inox qui ne travaillent pas de la même manière que les goujons galvanisés. Plusieurs équipeurs en ont fait le constat et nous en ont fait part. Enfin, une autre raison parfois invoquée, les vibrations de la corde et de la dégaine lors de la dynamisation des chutes qui peuvent favoriser le dévissage de l’écrou, en particulier dans des vols en traversée, lorsque le grimpeur chute de la gauche vers la droite.

C’est ce que nous a expliqué Michel Piola qui plaide d’ailleurs désormais en faveur d’un équipement uniquement sur scellements. Mais celui-ci n’est pas la panacée et ne va pas lui-même sans susciter des questions en termes de sécurité. Car on a aussi vu des scellements qui n’avaient pas pris, la polymérisation de la résine ne s’étant pas bien faite (défaut de mélange ou conditions de température ou d’hygrométrie défavorables).

goujon nu équipement escalade
Un goujon nu, une fois que l’écrou s’est complètement dévissé et que la dégaine et la plaquette sont tombés

Des conséquences finalement minimes

Laurence s’en sort finalement bien. Car la chute a eu lieu assez haut dans la voie, sur le 7e point. Si la plaquette dévissée avait été située en départ de voie, et même sur le 3e et 4e point de la voie, il y avait retour au sol, avec des conséquences sans nul doute bien plus graves. De plus, étant donné la violence de l’impact, une fracture du petit orteil n’est finalement pas grand-chose.

De plus, au moment où Laurence s’est retournée et a frappé une seconde fois violemment le rocher, elle aurait pu retomber sur la clavicule qu’elle s’était déjà cassée deux ans auparavant. Et comme elle venait de se faire retirer la plaque en titane qu’on lui avait fixée lors de l’opération pour l’ostéosynthèse, une nouvelle chute sur cette épaule n’était franchement pas souhaitable. Surtout après de longs mois de rééducation.

chaussure barouk
En mode farniente, dans la semaine qui a suivi l’accident, équipée d’une chaussure de barouk, pour décharger l’avant du pied

Il y a toujours une leçon

Toutefois, de cet accident, nous avons tiré plusieurs leçons. D’une part, que la vérification du matériel en place (dégaines, plaquettes, maillons et relais) ne devrait pas se limiter à la première montée dans le cadre du travail de voie. Mais au contraire qu’elle devrait être systématiquement répétée à chaque passage dans la voie. Au même titre que l’on brosse les prises, à la descente. Ainsi, avoir une clef de 19 sur le harnais (ou en tout cas au fond du sac !), pour éventuellement pouvoir revisser une plaquette, est une bonne option !

Par ailleurs, bien qu’il soit impossible d’éliminer complètement le danger en escalade, il existe des mesures que l’on peut prendre pour limiter les risques. Cela passe par des routines classiques, que pour notre part, nous appliquons déjà depuis des années et que plus que jamais nous allons continuer d’appliquer scrupuleusement :

  • Partner check (double vérification : le nœud du grimpeur est-il bien fait ? le dispositif d’assurage bien installé et le mousqueton à vis fermé ?)
  • Vérification de l’état de la corde au moment de l’encordement
  • Entretien et renouvellement régulier de ses EPI
  • Vigilance toute particulière à l’assurage en cas de différentiel de poids entre les deux membres de la cordée, en particulier avec les cordes fines (utilisation des gants à l’assurage et au besoin de dispositif adapté, type Ohm)
  • Nœud en bout de corde avant de redescendre son partenaire en moulinette

Pour finir

Enfin, quoiqu’en disent certains grimpeurs à l’orgueil mal placé, utiliser une canne à prémousquetonner peut éviter bien des désagréments. Les chutes au sol avant d’atteindre la première dégaine ou la deuxième dégaine sont plus fréquentes que l’on ne croit.

L’escalade est une activité à risque et en tant que pratiquants, nous assumons parfaitement ce risque et l’acceptons même. Chacun a la liberté de définir le niveau de risque auquel il accepte de s’exposer. Mais à partir de ce moment, chacun doit aussi faire en sorte d’agir avec le maximum de rationalité.

Lire aussi

Sécurité : la routine est-elle nécessaire en escalade ?

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9 réponses

  1. Yves MONET dit :

    Bonjour,
    je participe comme bénévole, avec des salariés FFME a des entretiens périodiques des falaises. A chaque contrôle de site nous resserrons régulièrement DES PLAQUETTES dévissées, mais aussi des maillons rapides au niveau des relais. Il semble important de surveiller soigneusement ces points. 12mm est le diamètre du goujon. La clef nécessaire sera donc de 19 et de 17 pour un goujon de 10. Merci pour cet avertissement et bon rétablissement.

  2. Mehdi dit :

    Ça ne serait pas plutôt une clé de 19 (et non de 12) qu’il faudrait, pour serrer un écrou hexagonal sur une tige de 12mm ?

  3. JUAREZ Frédéric dit :

    Bonjour
    Sans rien vouloir enlever à votre bonne expertise, c’est une clé de 19 pour un goujon de 12, et une clé de 17 pour un goujon de 10 qui sont encore bien présent sur nos falaises. Ou une clé à molettes pour les 2.
    Cordialement

  4. Louis Christophe dit :

    Bonjour ! Merci pour votre article! J’essaie de sensibiliser les étudiants que j’encadre sur ce sujet et je leur ferai part de votre expérience. J’ ai remarqué que sur les plaquettes où il y a beaucoup de vols la couche superficielle du rocher ( calcaire tendre surtout )s’écrase ou disparaît, libérant un espace entre la plaquette et le caillou.
    Bonne grimpe , au plaisir de vous croiser!
    Christophe

  5. JM dit :

    Quand on clippe une plaquette dévissée, il faut être vraiment distrait pour ne pas s’apercevoir qu’elle tourne. Il m’arrive souvent d’en revisser car ils bougent « un peu » (plaquette située à un point d’inflexion important de la voie, point avec dégaine à demeure, falaise d’altitude), ce qui ne semble pas au coeur des préoccupations des grimpeurs qui y sont passés juste avant : j’aurais du mal à dater la dernière fois que j’ai vu un grimpeur revisser un point …..
    Bon rétablissement

    • Olivier dit :

      Salut.
      Oui nous faisons aussi cela souvent. En l’occurrence, cette vérification a été faite lors de la première montée. Puis, les paires étant en place pour les runs d’après, on ne s’en est plus préoccupé. Ce qui est assez pernicieux dans l’histoire, c’est que l’on procédait à un brossage systématique lors des redescentes. Mais, étant alors en mouli/téléphérique, on était toujours en tension sur chaque point : donc difficile alors de déceler le début du dévissage…

  6. manu Ibarra dit :

    Certes, la résine d’une broche peut poser problème mais contrairement aux goujons, si la résine à correctement catalysé il n’y ensuite aucun problème de suivi ( j’ai posé des scellements qui ont maintenant plus de 30 ans sans aucun problème) alors qu’un goujon demandera une surveillance constante sans compter au sujet du dévissage et sur l’usure en cisaillement de la plaquette sur la tige du goujon que créent les chutes successives. C’est pourquoi, je suis pour un équipement sur scellements pour les sites de couennes.
    Bon rétablissement !

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