Rencontre avec le Progressor de Tindeq

Tindeq, à ne pas confondre avec Tinder ;-), est une entreprise Norvégienne, située à Trondheim. Pour les grimpeurs voyageurs, on trouve à proximité immédiate de cette ville un joli secteur de couennes, au nom évocateur de Hell ! L’aventure de Tindeq démarre grosso modo en 2018 avec l’élaboration, puis la commercialisation du Progressor.

C’est un dynamomètre, connectable à un smartphone par bluetooth, et pilotable grâce à une application dédiée. Nous avons eu l’opportunité d’utiliser le Progressor depuis plusieurs mois. Voici donc nos impressions sur cet objet connecté.

Tindeq Progressor : les présentations

Le Progressor, c’est donc un capteur mesurant des forces de traction, grâce à une jauge de déformation. La première génération de Progressor (celle que nous avons utilisée), comprenait 2 modèles, le 150 et le 300, conçus pour mesurer des niveaux de force maximaux de, respectivement, 1500 et 3000 Newtons (150 et 300 kgs). Les Progressor 200 et 500 les ont désormais remplacés. Avec comme évolution notable, outre la charge maximale supportable, un boîtier en ABS (on préférait le bois pour notre part) et une batterie rechargeable en lieu et place de la pile CR 2032.

Les V-rings

Le Progressor 150 que nous avons reçu était accompagné de deux modules de suspension, les V-rings. Fabriqués en bois lamellé, ils offrent mine de rien une bonne variété de préhensions, depuis la réglette de 12 mm jusqu’au bac, en passant par une pince, une réglette de 23 mm et même un mono-doigt. Bref tout ce dont on a besoin pour solliciter les doigt ou les bras. Et même les épaules, car on peut s’en servir d’anneaux, ce qui ne gâche rien. A noter enfin que Tindeq propose des Duck Rings, qui ne déplairont pas aux adeptes du piolet-traction.

Mise en route du Progressor

Pour démarrer votre première session, rien de plus simple. Après avoir fixé votre capteur à un point fixe, puis lui avoir ajouté l’élément de suspension (V-ring ou autre) [LIEN], téléchargez l’application (Google play ou Apple store), puis créez votre compte. Après avoir activé le bluetooth sur votre smartphone, mettez en route le Progressor puis appariez-le. Une fois la tare effectuée, c’est bon, vous pouvez jouer.

Tindeq Progressor : les différentes mesures

Sur le Progressor, vous avez le choix entre 6 types de mesure, que vous pourrez utiliser, soit lors d’une procédure d’évaluation, soit lors de séances d’entraînement comme nous allons le voir.

Live Data

C’est peut-on dire, le menu de base. Une fois activé, un chrono démarre. Vous pouvez alors tirer sur la prise. La force que vous exercez s’affiche en direct, de même que la moyenne des forces sur la durée. Ce mode présente à nos yeux un intérêt essentiellement pédagogique. Il peut par exemple aider à mieux ressentir les forces que l’on exerce sur une prise.

Prenez par exemple un grimpeur qui a comme défaut de grimper en serrant trop les prises. Demandez-lui de tirer sur le Progressor à différents niveaux de force qu’il doit annoncer en aveugle, puis comparez ses estimations à la valeur que vous lisez, vous, sur le smartphone.

Peak Load

C’est un menu qui permet de recueillir, lors d’une évaluation, la force maximale exercée. C’est simple. Une fois le menu lancé, on tire tout ce qu’on peut sur la prise choisie et le pic de force atteint s’affiche. Pour ce menu comme pour les suivants, le résultat peut être sauvegardé et exporté (fichier .CSV) pour analyse. Petit bémol, vous n’obtiendrez pas la vitesse de montée en force directement. Il vous faudra passer par le menu ad-hoc (voir plus bas).

Endurance

Cette option permet d’évaluer la capacité à maintenir une force donnée pendant une durée prédéterminée. À vrai dire nous n’avons guère utilisé ce menu. Mais il peut présenter un intérêt si on est plusieurs et que l’on veut se challenger au jeu du « qui tient le plus longtemps » !

RFD

La vitesse de montée en force (Rate of Force Development) est une donnée qui est très utile puisqu’elle nous renseigne sur notre capacité à serrer vite et fort.

Le Progressor offre la possibilité d’acquérir cette information de manière assez fine, soit sur le temps mis pour passer de 20 à 80 % de la force maximale exercée. Soit sur un laps de temps que vous sélectionnerez, entre 100 et 300 ms. Pour mémoire les valeurs utilisées fréquemment dans les publications scientifiques de référence, comme par exemple celle de Guillaume Levernier et Guillaume Laffaye en 2019 sont la valeur moyenne de la pente entre le début et 200 ms de la force maximale (RFD200 ms) et entre le début et 95% du pic de force (RFD95%). Malheureusement comme dit plus haut, cette mesure est découplée dans l’appli avec celle de la force max.

Repeaters

Ce menu est très intéressant au cours de l’entraînement, pour effectuer des séries de suspensions. Rentrez tous les paramètres de la séance que vous voulez réaliser (temps de travail et de récupération, niveaux de force requis, nombre de répétitions et de série). Et en avant ! Une fois l’exercice démarré, le niveau de force que vous devez exercer s’affiche très lisiblement au moyen d’une ligne de couleur. C’est simple et fonctionnel. On a beaucoup aimé.

Critical Force

Ce mode est une adaptation (version beta) de l’évaluation de la « force critique » proposée par Giles et al en 2019. Ceux-ci ont cherché à reproduire pour l’escalade, le concept de puissance critique, un outil établi pour l’optimisation de l’entraînement dans les sports d’endurance tels que la course à pied ou le cyclisme. Pour faire bref, selon ces auteurs, il s’agit de la force que peut soutenir un athlète pendant une longue période.

Le test initial implique de réaliser 3 sessions d’efforts intermittents, à différents niveaux d’intensité (80, 60, 45 % de la force maximale volontaire). Le résultat doit vous permettre de cibler la zone d’intensité à privilégier dans votre entraînement, en fonction de vos objectifs. D’un point de vue physiologique, l’application à l’escalade de cette notion d’effort critique, originellement utilisée pour les efforts de type aérobie, est très contestable. Mais ceci devrait faire l’objet d’un autre article. L’évolution proposée sur le Progressor tient en une évaluation unique, consistant « seulement » à exercer 24 efforts intermittents au maximum de ses possibilités. Assez logiquement, la force que vous développez diminue au fur et à mesure que la fatigue s’installe. A la fin de l’exercice, l’algorithme détermine votre « force critique ».

Notre avis sur le Progressor

L’expérience utilisateur

Il faut compter 160 à 220 € pour s’offrir un Progressor 200 ou 500. Ce n’est pas excessif pour accéder à un système d’évaluation relativement complet à la mise en œuvre extrêmement simple. Et dont l’interface est simple et intuitive.

Les évaluations proposées par le Progressor

Le Progressor n’est pas conçu pour le laboratoire. On pourrait souligner par exemple certaines difficultés méthodologiques qui découlent de sa conception. Il est par exemple difficile d’être certain de travailler toujours dans la même position. Ceci est dû au fait que les éléments de suspension ont une certaine mobilité en inclinaison ou en bascule. Notons tout de même qu’il est possible de réduire ce facteur de variabilité en montant le complexe Tindeq/prise de suspension de façon semi-rigide, en appui sur une planche verticale.

Les limites étant posées, les données recueillies grâce au Progressor présentent un degré de précision qui est à même de satisfaire bon nombre d’entraîneurs. Il est possible de tester facilement tout un groupe de grimpeurs. Puis on exporte très facilement les data recueillies pour les traiter ensuite dans un tableur.

Le seul gros bémol se situe au niveau de l’analyse que l’on peut faire du développement de la fatigue lors du test de force critique. Cette approche peut sembler intéressante. Mais comme expliqué plus haut, elle n’est pas cohérente avec les intensités de travail observées lors d’un effort de résistance dans une voie d’une longueur, sur mur ou lors d’une compétition. Sur ces paramètres, les mesures de résistance et endurance effectués sur une Smartboard, ciblent mieux les intensités propres à l’escalade de difficulté.

Utilisation du Progressor en routine

Un avantage majeur du Progressor tient dans ses dimensions. Peu volumineux, léger. On peut l’emporter partout et l’installer facilement, en prenant bien soin toutefois d’utiliser des matériaux inextensibles (chaîne, sangle dyneema), sous peine de biaiser les mesures.

Sur le Progressor, on travaille une seule main à la fois. Inconvénient : Lorsqu’on fait une séance d’entraînement, cela requiert plus de temps, puisque chaque main travaille une après l’autre. Avantage : Il est possible d’envisager un travail très analytique, main par main, voire doigt par doigt, ce qui peut être très utile si on est en phase de réathlétisation par exemple.

Dernier avantage : le paramétrage des séances de fractionné est très convivial et le bornage des intensités des travail très efficace, grâce aux zones de couleur.

Geek Bonus

Ce dernier point ne concerne que les codeurs acharnés. Mais il paraît important à souligner. Les concepteurs du Progressor ont tenu à conserver l’API ouverte, ce qui laisse la possibilité à chacun de customizer l’engin à sa guise.

Pour finir

En conclusion, le Progressor de Tindeq constitue selon nous un appareil intéressant à plusieurs points de vue : Il est peu encombrant et facilement transportable. Il offre la possibilité de réaliser des évaluations suffisamment fiables pour l’entraîneur et on peut facilement générer des séquences d’entraînement grâce à une interface simple et conviviale.

En 2 mots, on a là un outil très adapté et original pour entrer dans l’univers des data, pour qui est passionné d’entraînement.

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