Méditation de pleine conscience et escalade ?
Comment la méditation de pleine conscience modifie-t-elle le cerveau ? Comment changer notre cerveau pour accroître notre bien-être et notre qualité de vie ? Et si la méditation de pleine conscience pouvait nous aider à être plus performant en escalade ?
Cet article explique les mécanismes en jeu au niveau cérébral, lors de la méditation. Si la méditation de pleine conscience (Mindfulness) a bien démontré son efficacité dans l’amélioration des symptômes dépressifs, de l’anxiété, et même de la douleur chronique, on ne savait jusqu’à présent pas en expliquer le mécanisme.
Les effets bénéfiques résultent-ils uniquement du temps passé à se détendre ? Ou existe t-il un impact de l’exercice de méditation sur les structutres neurologiques ? Une étude intitulée Neural mechanisms of symptom improvements in generalized anxiety disorder following mindfulness training a pu décrire le mécanisme neuronal en jeu dans la méditation de pleine conscience.
L’étude a été menée par Britta Hölzel et ses collaborateurs de l’Hôpital général du Massachusetts et publiée dans la revue Psychiatry Research: Neuroimaging. Elle examinait l’impact d’un programme de 8 semaines de réduction du stress par la méditation de pleine conscience ou MBSR (mindfulness-based stress reduction) sur le cerveau de patients atteints de troubles anxieux généralisés (TAG).
L’expérience menée
La méditation de pleine conscience consiste à porter intentionnellement attention aux sensations, émotions et états d’esprit sans porter de jugement de valeur. Le TAG est un syndrome qui peut sérieusement affecter le quotidien de ceux qui en souffrent. Car ils ont en général des difficultés à réguler leurs émotions. Et souffrent souvent d’anxiété chronique et persistante.
Les 26 patients diagnostiqués comme TAG ont été répartis de façon randomisée en deux groupes comparables selon des données démographiques. La moitié bénéficiait du MBSR. Et l’autre moitié (groupe contrôle) d’un programme d’éducation à la gestion du stress. Un IRM a été réalisé au début et à la fin de l’étude. Pendant l’IRM initial, qui a concerné l’ensemble des participants, ces derniers étaient invités à donner un nom aux différentes expressions faciales (colère, joie, ou neutre) qui se trouvaient sur les photos présentées.
Les résultats de l’étude
La comparaison initiale a montré que les patients souffrant de TAG présentaient une activation de l’amygdale plus élevée que celle observée chez des sujets en bonne santé, lorsqu’il s’agissait de regarder des visages neutres ou heureux. L’amygdale est la partie du cerveau qui est associée aux réactions de peur. Les chercheurs en ont conclu que le cerveau des sujets souffrants de TAG ont, au début de l’étude, réagi plus fortement aux stimuli ambigus que les cerveaux des sujets en bonne santé.
A l’issue des deux programmes d’entrainement (MBSR ou formation à la gestion du stress), les sujets répondaient une auto-évaluation sur leur troubles anxieux. Et ils étaient soumis à un deuxième IRM.
Les chercheurs ont alors noté les modifications suivantes. Les participants des deux groupes (MBSR ou formation à la gestion du stress) montraient une amélioration de leurs symptômes anxieux. Les IRM de fin d’entrainement ont également montré une diminution de l’activation de l’amygdale en réponse à des images neutres. Les réductions de stress rapportées étaient aussi en corrélation avec une diminution de la densité de matière grise dans l’amygdale. Et cette dernière joue un rôle important dans l’anxiété et le stress.
Des effets sur l’escalade, et sur la qualité de vie en général
Le plus intéressant est que les patients ayant reçu une formation à la MBSR ont montré une augmentation de la connexion entre l’amygdale et de plusieurs régions du cerveau. Celles-ci (les aires fronto limbiques) sont associées à la mémoire et l’apprentissage (hippocampe), la conscience de soi, l’empathie, l’introspection et la gestion des émotions et du stress.
Tous ces éléments sont bien sûr de nature à améliorer nos performances dans la pratique d’un sport comme l’escalade. Car parmi les facteurs de la performance en escalade, il n’y a pas que le physique. Il y a la composante informationnelle (lecture, décryptage des méthodes, mémorisation des solutions trouvées, apprentissage gestuel et attention portée au placement du corps dans l’espace…). Et la composante affective (gestion de la peur de la chute). Toutes deux sont capitales.
Cette étude montre bien, d’une part la plasticité du cerveau avec l’impact neurologique de la méditation de pleine conscience. Et d’autre part que le rôle actif que nous pouvons jouer pour changer notre cerveau. Au-delà des bienfaits qu’on peut en tirer en escalade, il va de soi que la méditation peut avoir une portée bien plus large.
Les auteurs suggèrent d’ailleurs que la pratique de la méditation à plus long terme pourrait être nécessaire pour produire des changements dans la région de l’insula (structure associée à la conscience de soi). Et ainsi améliorer notre qualité de vie !