Surentraînement : le burn out du grimpeur
Avez-vous déjà atteint un stade où, au lieu de progresser, vos performances chutent inexorablement ? Vous ne vous battez plus pour enchaîner votre projet mais déjà tout bêtement pour grimper les escaliers… Ce manque total d’énergie et cette baisse de motivation a un nom : le surentraînement.
Ce phénomène est bien connu des sportifs et des scientifiques. Qu’on le nomme syndrome de surentraînement ou fatigue chronique, le résultat est le même !
Les symptômes classiques sont la fatigue générale, des douleurs musculaires, une lassitude et un manque de motivation, une baisse de l’immunité, des troubles du sommeil et de l’humeur, une aménorrhée chez la femme, des performances physiques en très nette baisse et bien sûr des blessures, quand le sportif persiste à s’entraîner en dépit de cette situation délétère et refuse d’admettre qu’il est en surentraînement.
Qui est touché en escalade ?
Le plus souvent, ce sont des grimpeurs jeunes ou peu expérimentés, s’entraînant seuls ou sous la houlette de personnes peu compétentes, fortement motivés au départ et avides de dépasser leurs propres limites, mais sans forcément connaître précisément les mécanismes de périodisation et d’adaptation de l’organisme à la fatigue.
Une méconnaissance (ou un déni) du cycle charge-récupération, qui bien mené doit normalement conduire progressivement le grimpeur vers son pic de forme, peut être le point de départ d’un grave surentraînement, qui mettra des mois à s’atténuer.
Les causes
Elles peuvent être multiples et plusieurs facteurs interviennent dans la survenue du syndrome de surentraînement :
- Un volume et une charge de pratique trop importants ;
- Un augmentation trop brusque de l’intensité ;
- Un repos insuffisant entre chaque séance, ne permettant pas la récupération et encore moins la surcompensation ;
- Une trop grande uniformité dans le type de séances réalisées ;
- Une alimentation inadéquate ;
- Un calendrier trop chargé, avec des compétitions ou des objectifs très rapprochés, dont l’enjeu génère une forte surcharge affective.
Attention aux vidéos de grimpeurs pro qui circulent sur internet. Elles sont très motivantes mais tout le monde n’a pas la capacité de s’entraîner a muerte, en mode warrior !
Les marqueurs biologiques
Il est difficile de détecter un syndrome de surentraînement suffisamment en amont et bien souvent les grimpeurs se situent à la lisière. Il faut dire que les mécanismes sont complexes et les marqueurs pour le détecter pas toujours très parlants. Toutefois, on note généralement une augmentation de la fréquence cardiaque au repos. Elle peut s’accompagner d’une diminution de la pression artérielle, ainsi que d’une légère déficience en fer ou en zinc.
Le dosage hormonal est souvent évoqué dans la détection du syndrome de surentraînement, notamment ceux du cortisol et de la testostérone. Car des efforts importants pour l’organisme stimulent la production du cortisol, cette hormone impliquée dans la gestion du stress, et on en retrouve des taux élevés chez les sportifs surentraînés. À l’inverse, leur taux de testostérone est en chute libre et c’est aussi un indice qui doit alerter.
D’un point de vue enzymatique, on peut aussi mesurer la créatine kinase musculaire, qui est libérée dans le sang lors de lésions tissulaires, ainsi que la production de cytokines. Ces messagers chimiques sont produits par les cellules pour enclencher les mécanismes de reconstruction des tissus lésés et sont des marqueurs spécifiques de l’inflammation.
Prévention et traitement
Pour éviter le scénario catastrophe du surentraînement et entrer dans une fatigue chronique qui met des mois à être jugulée, il n’y a pas de solution miracle, si ce n’est le bon sens et la prévention ! En cas de surentraînement avéré, il faut s’armer de patience et bien évidemment réduire la charge : prendre tout le repos nécessaire et corriger les erreurs alimentaires en consultant un diététicien si besoin.
Il est inutile et même néfaste de bloquer la réponse de l’organisme en prenant des anti-inflammatoires. Ils ne feront que masquer les symptômes d’une fatigue généralisée.
Du côté de la prévention, la tenue régulière d’un carnet d’entraînement permet d’analyser les charges et d’adapter la récupération en fonction des efforts consentis. Un conseil : adaptez la charge d’entraînement en fonction de votre état de fatigue général et du stress que vous pouvez rencontrer dans votre vie professionnelle ou personnelle. Évitez également de vous entraîner si votre organisme est déjà affaibli (rhume, état grippal…) et bien sûr veillez à adopter une alimentation saine !
Les burn-out professionnels sont parfois la conséquence d’un contexte personnel difficile (difficultés psychologiques, affectives…) et le boulot devient pour certains une fuite face à ces difficultés. Certains bossent trop pour ne pas penser à leurs problèmes, mais un jour ça craque, les problèmes qu’ils ont essayé de fuir pendant des mois les rattrapent et paf, burn-out.
Peut-on envisager que dans certains cas, le surentraînement s’inscrive dans le même schéma ? C’est à dire que certains sportifs fuient leurs propres problèmes en s’entraînant excessivement. Auquel cas, un bon accompagnement psychologique serait bien plus approprié pour permettre d’éviter le burn-out ?
Question pertinente, Jérôme. La fuite dans l’entraînement (ou le sport en général) existe bel et bien. En tant que psychothérapeute, j’ai rencontré des patients pris dans cette logique, qui s’apparente à une addiction.
Il est donc important de comprendre quelle place l’entraînement, s’il est une réponse à un ou des problèmes (lié(s) à la seule grimpe ou plus largement à d’autres domaines de l’existence), a dans la vie du grimpeur concerné.
Il est nécessaire d’avoir un minimum de variété dans nos occupations et nos relations, sous peine de « tourner en rond » et de peut-être déprimer au bout de quelque temps. Même une activité qui est une passion peut mener à cela, si elle n’est pas assez variée (grimper sur différents supports, en différents lieux, avec différentes personnes…).
Le mot-clé, valable dans la vie en général, est le plaisir. Sans lui, la motivation baisse, le stress augmente, et l’épuisement guette…
La FC comme marqueur biologique ne fonctionne pas, elle est trop variable pour être prise comme marqueur. Par contre si vous avez une cardio-frequence metre, il est possible de regarder la récupération du frein vagal à l’effort, ou si vous avez un cardio qui enregistre l’intervalle R-R il est possible de déceler dans ce cas le sur-entrainement.
Il existe d’autres symptômes et marqueurs pouvant facilement mis en place.
Le POMS (Profile Of Mood States) peut-être utilisé.
Sinon avec le début du surentrainement on constate des troubles du sommeil, une augmentation des douleurs musculaire et une augmentation du stress ou trouble de l’humeur.
Les troubles du sommeil, l’augmentation du stress ou encore les troubles de l’humeur sont non spécifiques; le surentraînement peut en partie les générer, mais d’autres paramètres « existentiels » y sont souvent associés. En outre, en accord avec la logique circulaire de tous les phénomènes vivants, ces mêmes phénomènes peuvent conduire au surentraînement…
Il vaut donc la peine de prendre le temps d’évaluer globalement les problèmes pour mieux les résoudre, sans pour autant avoir besoin de connaître leur(s) cause(s). Il est plus pertinent de comprendre comment les problèmes fonctionnent, comment ils se maintiennent et ce qui les maintient, pour pouvoir ensuite travailler au changement.
Je suis tout à fait d’accord avec cet article. J’ai grimpé 4x/semaine pendant des années sans prendre de véritable repos, parfois le plaisir était absent et seule l’addiction me poussait. Aujourd’hui je suis blessé, ténosynovite et surchauffe des articulations. Déjà 5 semaines d’arrêt et je ne prévois pas un p’tit retour en douceur avant encore 15 jours. J’ai profité de cette période pour me poser les bonnes questions. Au final je pense reprendre avec des entrainements mieux dosés et dont le contenu sera plus organisé. Savoir écouter mes douleurs et me poser quelques jours en cas d’alerte. Varier les supports et surtout revenir au plaisir pur, ne pas grimper si c’est à reculons ( en plus c’est compliqué 🙂 ). J’aime bien l’idée de poser une p’tite semaine tous les mois et demi. Penser positif et se donner les moyens de durer dans cette pratique sportive totalement géniale. Sioux et bonne grimpe raisonné à toutes et tous 😉