Gainage : Pourquoi utiliser le ballon suisse ?

Si vous nous lisez régulièrement, vous avez sans doute remarqué que nous aimons bien utiliser le ballon suisse lors des séances de gainage. En introduisant le facteur « instabilité », il permet d’ajouter une dimension fonctionnelle aux exercices. Et de renforcer la mise en jeu des couches musculaires les plus profondes. De nombreuses études ont bien montré l’efficacité du ballon suisse en vue d’améliorer le gainage, mais aussi l’équilibre ou la stabilité de la posture.

Mais, pour aller un peu plus loin, il est utile de comprendre quels muscles du tronc sont effectivement recrutés lors de la réalisation des exercices. Ce qui permet en définitive de choisir ceux qui sont le mieux adaptés à nos capacités ou nos besoins. Sachant que le travail du gainage présente un spectre d’usage très large, allant de la rééducation à l’entraînement, en passant par la réathlétisation.

En particulier, on peut se demander si les exercices réalisés sur ballon suisse sont vraiment plus efficaces que des exercices plus classiques ou traditionnels. Et en quoi ils s’en distinguent.

C’est la question que s’est posée une équipe de chercheurs menée par Rafael F. Escambilla de l’université de Sacramento, en Californie, et dont voici les résultats, publiés en 2010 dans le « Journal of Orthopaedic & Sport Physical Therapy ».

Remarque : nous avons fait le choix de conserver les noms des exercices, tels qu’utilisés par les auteurs, même si nous ne sommes pas forcément fans des appellations anglo-saxonnes à tout crin. 

Exercices sur ballon suisse ou exercices traditionnels

L’objectif de l’étude menée par Rafael F Escambilla visait à évaluer le niveau d’activation des principaux muscles intervenant lors de la réalisation de différents exercices de gainage. Puis de vérifier si différences il y avait selon que l’on effectue des exercices sur ballon suisse ou des exercices traditionnels, comme le sacro-saint Crunch par exemple.

Les chercheurs ont pour cela fait appel à 18 personnes volontaires.

Ils leur ont proposé de réaliser 10 exercices de gainage. 8 se réalisaient sur ballon suisse. 2 étaient des exercices traditionnels. Ces 10 exercices présentaient de niveaux de difficulté très variables. Il s’agissait en effet de tester des exercices pouvant être appliqués à un spectre de population large, du point de vue des capacités physiques.

Crunch et Bent-Knee Sit-up : les deux exercices « classiques » qui ont été testés. © Photo courtesy Dr Escamilla

Lors des exercices, les signaux EMG (électromyographie) provenant de plusieurs muscles étaient relevés. Les régions sélectionnées étaient : le droit de l’abdomen, portion haute et portion basse, les muscles obliques interne et externe, le droit fémoral, puis enfin les muscles spinaux lombaires et le grand dorsal.

C’est par ce moyen que les niveaux de mise en jeu ont pu être mis en évidence.

Mais les chercheurs ont aussi utilisé un autre indice, celui de la perception de l’effort. Ce qui a permis de compléter la comparaison des exercices les uns par rapport aux autres, en termes de difficulté, ou pénibilité.

Les exercices et leurs effets

Comme on peut s’y attendre, de grandes différences entre les exercices ont été mises en évidence.

Le Roll-out : faire rouler le ballon vers l’avant, revenir. © Photo Courtesy Dr Escamilla

Ainsi, les exercices du Pike et du Roll-out apparaissent clairement comme étant les plus difficiles à réaliser et sollicitants. Ils engagent très fortement les portions hautes et basses du doit de l’abdomen de même que les obliques.

Dans une moindre mesure, arrivent ensuite les exercices du Knee-up et du Skier.

pike

Le Pike : Pointer les fesses vers le haut en faisant rouler les tibias sur le swissball © courtesy Dr Escamilla

Ces 4 exercices sollicitent aussi de façon non négligeable les muscles profonds, oblique interne, transverse et grand dorsal. Autant de muscles qui viennent se fondre dans le fascia thoraco-lombaire et participent à la stabilisation de la région lors de la réalisation des exercices évoqués ci-dessus.

Skier : Ramener le ballon, puis le faire rouler latéralement. © Photo courtesy Dr Escamilla

De ce point de vue, l’apport du Pike, Roll-out, Knee-up et Skier au gainage est sans équivoque largement supérieur à ce que peuvent permettre les Crunchs ou Bent-knee sit-up.

Ils présentent en outre un caractère plus fonctionnel en ce sens qu’ils engagent aussi les membres supérieurs et inférieurs lors de leur réalisation.

Knee-up. © Photo courtesy Dr Escamilla

On a là toutefois affaire à des exercices qui requièrent une certaine expérience préalable du travail des abdominaux.

Decline Push-up et Hip extension impliquent une mise en jeu équivalente des droits de l’abdomen et des obliques (interne et externe). Par ailleurs, le grand dorsal est aussi sollicité.

Decline Push-up. Des pompes en plus dur ! © Photo courtesy Dr Escamilla

Les mesures IMC montrent que globalement, le niveau de sollicitation des muscles spécifiques du gainage est tout de même nettement moins fort que dans les exercices évoqués plus haut.

Cependant il y a tout de même un intérêt à réaliser ces deux exercices. Il ne tient pas tant dans le développement de la force de ces muscles que dans le travail du maintien de l’équilibre, auxquels ils participent activement. Ils ont donc un rôle fonctionnel !

Hip extension. © Photo courtesy Dr Escamilla

Les Crunchs et Bent-knee Sit-up comptent parmi les exercices les plus classiquement réalisés. Nous avons déjà exposé dans un article précédent les inconvénients qui peuvent être associés à ces exercices. Ils peuvent être cependant intéressants à conserver dans notre panel d’exercices, pour autant qu’ils soient réalisés correctement, afin de limiter les pressions intra-abdominales.

Dans l’étude présente, les deux exercices ne se distinguent pas du point de vue de la sollicitation des portions haute et basse du droit de l’abdomen, ce qui diffèrent de certaines publications.

Il y a par contre une différence qui concerne la mise en jeu du droit fémoral. Son activité apparaît supérieure lors de l’exercice du bent-knee sit-up. Cela n’est pas surprenant, dans la mesure où les pieds étant bloqués, ce sont les muscles fléchisseurs de la hanche qui entrent en jeu prioritairement.

En outre, pour ce dernier exercice, il faut mentionner qu’il génère une forte augmentation des pressions intra-discales.

L’exercice Sitting-March est, de façon non surprenante, l’exercice le moins sollicitant. Il doit donc être réservé aux débutants ou à des athlètes en début réathlétisation.

Sitting-march. Un exercice intéressant pour la réhabilitation. © Photo courtesy Dr Escamilla

Quels exercices favoriser ?

L’action des muscles du tronc est définitivement essentielle pour stabiliser celui-ci. En se contractant, ils « rigidifient » la colonne vertébrale et lui permettent de résister aux déformations.

Cela ne peut se faire que par une action en synergie, avec des séquences et intensités de contraction appropriées. Et dans cette synergie sont associés muscles profonds et plus superficiels.

Un aspect intéressant de cette étude est qu’elle confirme que le muscle transverse (profond) ne peut pas être considéré comme le stabilisateur principal. Il intervient certes de manière primordiale. Car grâce à ses insertions sur le fascia thoraco-lombaire, il met en tension celui-ci lors de la contraction et génère un auto-grandissement. Ce qui décharge la colonne vertébrale et transforme le tronc en un cylindre rigide. Mais il est aidé fortement dans cette action par les muscles obliques internes ! Synergie on vous dit.

On retrouve donc comme exercices favoris le pike, le Roll-out, le Knee-up extension.

Par ailleurs, le fait de réaliser les exercices qui impliquent des mouvements en flexion du tronc, comme le Bent-knee sit-up est une fois de plus pointé du doigt, en ce sens qu’ils favorisent des compressions vertébrales et des contraintes en cisaillement au niveau de la 5ème vertèbre lombaire (L5), par la mise en jeu du psoas-iliaque entre autres. Les personnes ne disposant pas au préalable d’une musculature abdominale forte ou qui ont des pathologies lombaires sont donc invitées à les laisser de côté.

Et ils peuvent leur préférer des exercices comme le Roll-out, le Push-up ou même des Crunchs. Ces exercices ne sollicitent que modérément le muscle droit fémoral et les muscles lombaires paravertébraux, tout en mettant intensément en jeu le droit de l’abdomen et les obliques, interne et externe.

Rappelons juste à propos des Crunchs que les règles de réalisation sont très précises si on veut les faire correctement et limiter les pressions sur le périnée : chaque Crunch doit démarrer sur la fin d’une expiration, ventre rentré, donc. Les épaules ne décollent que très peu du sol (juste les omoplates). Les mains ne tirent pas sur la nuque.

Pour conclure

Cet article met bien en évidence que les exercices utilisant le Swissball en position allongée étaient plus efficaces que les exercices classiques comme les Crunchs en vue d’activer les muscles du tronc, essentiels pour notre gainage. Ils présentent en outre comme avantage le fait de mieux contrôler les contraintes sur le rachis. Enfin, le fait d’ajouter de l’instabilité stimule nos capacités de proprioception, en plus de rendre les séances plus amusantes. Donc autant ne pas s’en priver !

Article de référence :

R.F. Escamilla, C. Lewis, D. Bell, G. Bramblet, J. Daffron, S. Lambert, A. Pecson, R. Imamura, L. Paulos and J.R. Andrews (2010) : Core muscle activation during Swiss Ball and traditionnal abdominal exercises. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy 40, 5 (265-276).

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